Kiosque

« Intelligence économique » ouvrage coordonné par Alice Guilhon et Nicolas Moinet, éditions Pearson France, 2016. Lu par Bernard Besson


Bernard Besson


Dans le domaine de l’intelligence économique, tout le monde connait Alice Guilhon et Nicolas Moinet dont la persévérance et le talent fédèrent beaucoup d’acteurs. Auteurs prolifiques, reconnus en France et à l’étranger, nos deux pionniers ont réalisé un vrai travail d’intelligence collective. Il n’est pas facile d’unifier les contributions de plus de 30 coauteurs !




S'informer, se protéger, influencer

Saluons la couverture où s’assemblent l’humain et les technologies.. Elle dépeint d’un trait élégant le rôle de l’homme et de la femme face aux menaces et opportunités du Big Data. Trois verbes, trois actions, nomment les finalités et le contenu de la discipline. Difficile de faire une synthèse si courte et si complète. J’ai apprécié la relation du roman national consacré à la politique publique d’intelligence économique. On sent chez les auteurs une retenue polie face aux arguties, retours en arrières et palinodies de nos politiciens. De quoi ouvrir l’appétit des historiens de l’état-stratège. 

L’un des avantages de ce livre réside dans sa mise en perspective des évolutions sociales, technologiques, politiques, géo stratégiques qui de chapitre en chapitre aident à comprendre d’où vient le concept d’intelligence économique et où il va.
En découvrant les « secrets de la puissance » aux Etats-Unis, au Japon, en Chine et dans bien d’autres pays le lecteur rencontre la business intelligence, le soft power. Les solidarités actives entre secteurs publics et privés existent depuis longtemps. L’intelligence économique n’est pas une mode, elle est la conséquence d’un monde transformé par l’économie de l’information et de la connaissance. La géo-économie des terres rares dans le chapitre 3 se lit comme un roman . Bravo.

Le Big Data, actualité oblige, est abordé comme il se doit.

Mieux encore, le rôle fondamental de l’interprétation de la donnée est mis en exergue.
Page 114 on se plait à lire cette phrase qui est le cœur du cœur de l’intelligence économique : « le succès dans l’interprétation de la donnée reste dans la pluridisciplinarité des analystes. » Le management de la connaissance n’est pas séparé de l’innovation et des exemples concrets (Engie ou JC Decaux) illustrent cette ouverture vers les océans bleus.

L’intelligence économique ne se limite pas à la protection ou à l’influence ; elle invente, elle découvre, parce qu’elle anticipe et prévoit. Les auteurs montrent comment l’intelligence collective peut nourrir les plateformes collaboratives et les outils qui en découlent par des attitudes et des aptitudes déjà présentes dans l’entreprise mais souvent délaissées. (Pages 243 et suivantes) 

Un paragraphe comme « De l’information partout pour tous » est un enchantement.
Nous abordons l’essence de la démarche, nous sommes dans l’ADN des startups qui changent le monde. En décrivant à l’aide d’exemples précis ce qu’est la coopétition qui permet à des concurrents d’innover ensemble sur des thèmes partagés, les deux coordonnateurs surmontent une réelle difficulté pédagogique. (Page 194 et suivantes).  Il n’est pas facile en effet de partager des projets avec un concurrent tout en protégeant son patrimoine et ses savoir-faire. L’exercice requiert la mise en œuvre de tous les éléments fondamentaux de la discipline.                      

Coordonné par des universitaires l’ouvrage brosse, sans être ennuyeux, un état de l’art.

Il décrit aussi la mise en œuvre de l’intelligence économique dans les organisations en expliquant l’émergence de nouveaux métiers de plus en plus reliés par la discipline.                       
Destiné à des étudiants il peut intéresser des professionnels autant que des néophytes.
Cette triple qualité suppose un long travail de correction et de mise en scène des contributions de chaque coauteur.                      

Nos futurs ingénieurs autant que nos littéraires et commerciaux y trouveront matière à réflexion car l’intelligence économique est une culture générale, une manière de penser et d’agir qui se situe en amont comme en aval de toutes les aventures économiques, privées ou publiques.                       

On appréciera les parcours professionnels et les témoignages d’anciens étudiants à la fin du livre par ailleurs fort bien documenté. Celui-ci devrait servir de « bible » à tous les enseignements de la matière depuis nos lycéens jusqu’aux doctorants. Les acteurs de la réforme de l’Etat trouveront dans ces pages des idées sur la compétitivité nationale.                        

On sent d’ailleurs, après avoir tourné la dernière page, combien l’intelligence économique pourrait être un programme de gouvernement. L’élu qui s’en emparera surmontera les clivages et les archaïsmes qui empêchent les talents et les compétences de s’exprimer. La feuille de route de l’état-stratège est disponible.

Auteur : Bernard Besson

Contrôleur Général honoraire de la police nationale (DCPJ -DGSI - IGPN) Bernard Besson est l'auteur de plusieurs ouvrages sur l'intelligence économique (Dunod - Economica - IFIE). Il enseigne cette matière en France et à l'étranger ( Sciences po Aix, EEIE Versailles - ENA Internationale - ISEG Paris - HEG Genève) à travers trois approches: intelligence stratégique ; intelligence des risques et intelligence inventive.

Ex chargé de mission auprès du HRIE Alain Juillet, il a piloté le groupe auteur du premier référentiel de formation à l'intelligence économique.

A partir du Test 1000 il accompagne les entreprises ou les regroupements d'entreprises souhaitant se doter d'une intelligence économique complète, éthique et déontologique.
Par ailleurs, Bernard Besson traite de la guerre économique, des opérations d'espionnage et de déstabilisation des entreprises ou des états à travers des thrillers (Seuil -Calmann Levy- Odile Jacob) traduits aux Etats-Unis en Russie et au Brésil.