Quel regard portez-vous sur les 20 ans qui viennent de s'écouler ?
M. Gino Boismorin (Directeur) : Les clusters et pôles de compétitivité s'inscrivent désormais dans l'écosystème des entreprises et de l'innovation. Ils ont favorisé les relations entre acteurs locaux, les collaborations entre public et privé, ils ont donné une nouvelle dynamique à leurs territoires. La structuration sous forme de réseau permet de donner de la visibilité au territoire et rend celui-ci attractif pour d'autres acteurs. Dans notre cas, nous avons vu par exemple s'installer un Groupement d'Intérêt Public le GEVES, laboratoire publique expert dans le domaine de la semence, une école d'ingénieurs l'ISTOM, des entreprises et des start-ups (comme Agrauxine, Sakata...). Cela conforte et renforce le pôle.
En 15 ans, un partenariat territorial fort s'est installé entre notre pôle de compétitivité et les collectivités territoriales. Cela a favorisé leur vision stratégique pour notre secteur, elles ont su ainsi nous accompagner pour le développement des acteurs. Notre pôle a connu différentes étapes au cours de ces années qui sont le reflet de l'évolution de la politique des pôles de compétitivité. Au départ chaque pôle était très spécialisé sur un petit territoire. VEGEPOLYS et Céréales Vallée, les deux anciens pôles qui forment aujourd'hui VEGEPOLYS VALLEY se sont élargis et le nouveau pôle s'étend désormais sur 4 régions et tout le secteur végétal de la génétique aux usages (amont, production, aval). Nous avions démarré avec 50-70 adhérents en 2005 chacun, en 2019 nous avons plus de 500 membres. La pertinence et la valeur ajoutée pour les acteurs économiques d'entrer dans nos réseaux est indéniable.
Quels sont les points forts et points faibles de votre territoire ?
M. Gino Boismorin (Directeur) : Depuis la création du pôle, la recherche s'est renforcée avec des équipements et des infrastructures de pointe lui permettant d'être à un niveau international, reconnu et fiable. Avec l'appui des collectivités, la construction de 3 nouveaux bâtiments (des serres expérimentales, des laboratoires de hautes technologies, et la maison du végétal) a donné naissance à un véritable Campus du végétal. Les chercheurs sont ainsi rassemblés pour plus de synergie sur un même site. La Maison du végétal a également été construite pour notre pôle afin de favoriser les rencontres et le développement de projets entre nos membres. Ce campus permet ainsi d'accueillir entreprises françaises, internationales et délégations étrangères à la hauteur de l'ambition du pôle.
Des nouvelles filières sont nées et se sont structurées à l'image du quinoa. Les nouvelles technologies et l'apparition dans notre secteur des start-ups ont favorisés le développement d'innovation pour le secteur (ex OAD, co-génération, data…).
Certaines filières ont connu malgré tout des difficultés face à une concurrence internationale avec une structuration plus compétitive. Depuis quelques années le manque de main d'œuvre et d'attractivité des métiers vers nos filières se fait ressentir. Nos territoires doivent relever ces défis.
Pouvez-vous nous donner votre vision de l'agriculture du futur et éléments de prospectives ?
M. Gino Boismorin (Directeur) : Notre secteur est au cœur de nombreux enjeux et défis à relever : l'alternative aux produits phytosanitaires, la gestion des ressources et notamment l'eau, les incidences du changement climatique sur nos productions, les relations avec le consommateur et le citoyen. Pour nourrir les hommes et les animaux, pour leur santé et dans l'optique de consommer moins de viande, le végétal est devenu une ressource clé et stratégique à l'échelle mondiale. De nombreuses innovations restent à inventer pour répondre à ces évolutions, le nombre de projets innovants au sein de notre pôle ne cessent de croître. Nous sommes convaincus que deux axes forts et complémentaires permettront de relever tous ces défis : La génétique et les travaux autour de la semence et les technologies autour de l’agriculture (l’AgTech).
L'Europe, l'International sont-ils pour vous de nouveaux horizons ?
M. Gino Boismorin (Directeur) : L'international est clé tant pour les débouchés des innovations et que les compétences complémentaires qui peuvent être obtenues au travers de partenariat. Depuis sa création, notre pôle développe des actions et entretient un réseau international de clusters homologues (PlantInterCluster) pour favoriser rencontres et collaborations.
Dans le cadre de la phase IV des pôles, nous sommes encouragés à développer encore plus de liens avec d'autres clusters et entre nos membres. Nous nous sommes organisés en recrutant des personnes dédiées pour atteindre ces objectifs notamment à l'échelle européenne.
Dans le cadre de la phase IV des pôles, nous sommes encouragés à développer encore plus de liens avec d'autres clusters et entre nos membres. Nous nous sommes organisés en recrutant des personnes dédiées pour atteindre ces objectifs notamment à l'échelle européenne.
Point de vue de Xavier ROY, directeur général de France Clusters
Le témoignage très concret de Vegepolys Valley montre combien les pôles et clusters sont des outils résilients et résistants ! La souplesse de leur organisation les rend particulièrement capable d’adaptation aux conjonctures : celles des politiques publiques qui les accompagnent et dont la clarté stratégique manque plutôt de lisibilité actuellement ; celles des acteurs économiques et territoriaux pour lesquels ils travaillent et dont les besoins évoluent au gré des marchés cibles dans lesquels ils sont insérés. Un cluster naît souvent localement en s’appuyant sur les affinités territoriales ; puis il se développe et s’étend. Il se spécialise et peut prendre un leadership national, parfois par le biais de rapprochements stratégiques (voire de fusions) inter-clusters.
La coopération européenne entre clusters permet intelligemment des prises de positions importantes sur des marchés mondiaux ; c’est ce que la Commission européenne appelle les « super clusters ». Ces imbrications peuvent souvent paraître complexes et éloignées du terrain mais il n’en est rien lorsque l’on lit ce témoignage de Végépolys Valley ; on comprend bien qu’elles sont à chaque fois guidées par un objectif simple et unique : se mettre au service du développement de nouvelles chaînes de valeur et de la captation de nouvelles parts de marchés pour les entreprises européennes ! Pierre VELTZ, sociologue et économiste français, spécialiste de l'organisation des entreprises et des dynamiques territoriales, et qui nous fait le grand plaisir de participer au Forum FILEX France, fait également ce même constat : si l’engouement actuel pour le local est porteur de belles promesses nouvelles, les écosystèmes territoriaux doivent s’organiser entre eux pour relever des défis qui dépassent naturellement les enjeux locaux. Le secteur alimentaire illustre tout à fait ce propos. Il en va de même pour l’environnement et l’engagement sociétal des entreprises et des territoires.
De plus en plus nombreux sont les clusters qui investissent ce champ des démarches RSE et accompagnent leurs entreprises à faire ce virage nécessaire. Après s’être illustrés dans le développement d’innovation marchés et d’innovation technologiques, les pôles et clusters deviennent également des acteurs importants de la transformation sociétale et environnementale de nos territoires. Certains acteurs économiques majeurs, comme AG2R La Mondiale, ne s’y trompent pas et misent sur ces acteurs pour accompagner le changement de société qui s’opère sous nos yeux. Si tant est qu’ils soient soutenus pour ça, les pôles et clusters ont la capacité d’absorption de cette multitude de projets et l’ingénierie pour les accompagner ! Le Forum FILEX France des 12 et 13 septembre prochains est un RDV fabuleux à ne pas rater pour prendre la dimension de ce foisonnement d’initiatives essentielles développées par cette communauté de pôles et clusters. Venez nous rendre visite pour vous en convaincre ! Inscriptions encore possibles sur www.filex-france.com