Table Ronde sur la Désinformation et les Fake News
Le 20 mars 2025, dans le cadre du salon i-expo Data Intelligence Forum, une table ronde « désinformation : la repérer et la contrer pour assurer la confiance dans l’information » animée par Thibault Renard du Cybercercle a réuni quatre experts pour explorer les enjeux complexes de la désinformation et des fake news. Cet échange, riche en perspectives, a mis en lumière les multiples facettes de ces phénomènes, des stratégies étatiques aux vulnérabilités des entreprises, en passant par les attaques visant la connaissance scientifique elle-même.
La table ronde a débuté avec l'intervention de Patrick Cappe de Baillon, représentant le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Fondé en 1945 par le Général de Gaulle, le CEA a pour mission d'exploiter toutes les applications de la science de l'atome, en lien avec la défense, l'industrie et la souveraineté nationale. Aujourd'hui, le CEA reste un acteur clé dans le développement des énergies bas carbone, notamment le nucléaire, et intervient également dans les domaines du numérique et de la santé. Patrick Cappe de Baillon a souligné que le CEA est confronté à la désinformation depuis longtemps, un phénomène exacerbé par la controverse politique autour des travaux sur le réchauffement climatique par exemple. Il a rappelé que la désinformation n'est pas forcément volontaire, mais peut résulter d'une manipulation d'informations biaisées qui ne présentent pas toutes les perspectives.
Chloé Debiève, du Centre interarmées de concepts, doctrines et expérimentations (CICDE), a ensuite expliqué les notions d'influence et de lutte informationnelle. Selon elle, l'influence est une action visant à agir sur les perceptions et modifier les comportements d'un acteur dans un sens favorable, sans contrainte. La lutte informationnelle, quant à elle, vient participer à cette stratégie d’influence en mêlant actions défensives et offensives. Chloé Debiève a également introduit le concept de malinformation, c'est-à-dire l'usage d'une information véridique, mais détournée pour nuire ou porter atteinte. Elle a évoqué l'usage croissant de l'information comme arme dans les conflits modernes, tels qu'en Ukraine et au Proche-Orient, pour imposer une vision du monde, soutenue par des outils capables de toucher un public global en continu.
Caroline Rabourdin, chercheuse et consultante, a apporté une perspective sur le monde de l'entreprise, décrivant ce secteur comme un champ de bataille pour la guerre de l'information. Elle a défini ce phénomène comme l'utilisation offensive des outils d'information et de communication pour déstabiliser un adversaire. Les conséquences pour les entreprises incluent des pertes financières, une détérioration de leur réputation, et une crise de confiance parmi leurs parties prenantes. Caroline Rabourdin a souligné le manque de sensibilisation des entreprises françaises, rendant l'économie nationale vulnérable.
Cléo Collomb, maîtresse de conférences en sciences de l'information et de la communication à l’Université Paris-Saclay, a présenté la notion de guerre cognitive, qui cible non pas l'information, mais la connaissance elle-même. Elle a expliqué la distinction entre les données, les informations et les connaissances. Selon elle, la guerre cognitive vise à perturber la construction de la connaissance, notamment à travers des attaques sophistiquées sur les écosystèmes scientifiques. Elle a cité son projet de recherche "SPREADS", financé par l'Agence d'innovation de défense, qui explore l’hypothèse d’une attaque de la science, lorsque celle-ci repose en partie sur des bases de données massives et ouvertes, des IA et des outils soumis à une propriété intellectuelle opaque.
La discussion s'est ensuite orientée vers les solutions possibles pour contrer les défis croissants de la désinformation et des fake news.
Patrick Cappe de Baillon a souligné l'urgence de la situation, particulièrement aux États-Unis, où la science devient la victime directe d'une guerre contre la connaissance. Cette offensive, combinée aux actions de régimes autoritaires ciblant la connaissance, appelle à un engagement massif de la société et une prise de conscience individuelle. Il est crucial de développer un meilleur équipement intellectuel pour se défendre contre les manipulations. Les intervenants ont insisté sur plusieurs axes fondamentaux : multiplier les prises de parole publique pour sensibiliser la population, renforcer la sensibilisation au sein des entreprises et des cercles scientifiques, fournir au public des outils adaptés pour cultiver l'esprit critique, et développer des solutions technologiques pour filtrer et traiter les données.
Chloé Debiève a insisté sur l'importance de maintenir les réponses dans le strict cadre de nos valeurs profondes, sans adopter les stratégies des manipulateurs. Elle a évoqué la cohésion nationale, mise en avant lors des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, face aux tentatives de désinformation russes. Elle a également souligné le rôle clé de VIGINUM, service rattaché au Premier ministre pour détecter et caractériser les attaques informationnelles extérieures. VIGINUM produit des rapports détaillés et structurés, permettant une meilleure compréhension et une réponse informée. Chloé Debiève a encouragé la transmission des connaissances par des conférences et webinaires, tout en promouvant le wargaming, un outil ludique pour modéliser et anticiper les enjeux de l'influence.
Caroline Rabourdin a mis en lumière les solutions applicables au secteur des entreprises. Elle a souligné le potentiel encore largement inexploité de la diplomatie, notamment numérique (consistant entre autres à collaborer avec les réseaux sociaux pour modérer les contenus diffamatoires) comme levier d’action stratégique pour les organisations, ainsi que la création de départements dédiés à la Trust and Safety dans les entreprises françaises, chargés de traiter la désinformation, modérer les contenus et enquêter sur les attaques.
Cléo Collomb a conclu en partageant une analogie inspirée du livre "Black Trends" : « Les termites sont invisibles et agissent sur le long terme, les fourmis sont discrètes et travaillent sur le moyen terme, et le frelon, visible et effrayant, sur le court terme. » Manipuler les opinions publiques nécessite une coordination d’actions sur ces différentes temporalités. Les réponses à apporter doivent suivre le même schéma : un travail de fond sur la compréhension des processus de construction de la connaissance (enseignement, recherche), documentation et sensibilisation pour augmenter la prise de conscience (comme le fait Viginum), et fact-checking réactif.
La table ronde a débuté avec l'intervention de Patrick Cappe de Baillon, représentant le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Fondé en 1945 par le Général de Gaulle, le CEA a pour mission d'exploiter toutes les applications de la science de l'atome, en lien avec la défense, l'industrie et la souveraineté nationale. Aujourd'hui, le CEA reste un acteur clé dans le développement des énergies bas carbone, notamment le nucléaire, et intervient également dans les domaines du numérique et de la santé. Patrick Cappe de Baillon a souligné que le CEA est confronté à la désinformation depuis longtemps, un phénomène exacerbé par la controverse politique autour des travaux sur le réchauffement climatique par exemple. Il a rappelé que la désinformation n'est pas forcément volontaire, mais peut résulter d'une manipulation d'informations biaisées qui ne présentent pas toutes les perspectives.
Chloé Debiève, du Centre interarmées de concepts, doctrines et expérimentations (CICDE), a ensuite expliqué les notions d'influence et de lutte informationnelle. Selon elle, l'influence est une action visant à agir sur les perceptions et modifier les comportements d'un acteur dans un sens favorable, sans contrainte. La lutte informationnelle, quant à elle, vient participer à cette stratégie d’influence en mêlant actions défensives et offensives. Chloé Debiève a également introduit le concept de malinformation, c'est-à-dire l'usage d'une information véridique, mais détournée pour nuire ou porter atteinte. Elle a évoqué l'usage croissant de l'information comme arme dans les conflits modernes, tels qu'en Ukraine et au Proche-Orient, pour imposer une vision du monde, soutenue par des outils capables de toucher un public global en continu.
Caroline Rabourdin, chercheuse et consultante, a apporté une perspective sur le monde de l'entreprise, décrivant ce secteur comme un champ de bataille pour la guerre de l'information. Elle a défini ce phénomène comme l'utilisation offensive des outils d'information et de communication pour déstabiliser un adversaire. Les conséquences pour les entreprises incluent des pertes financières, une détérioration de leur réputation, et une crise de confiance parmi leurs parties prenantes. Caroline Rabourdin a souligné le manque de sensibilisation des entreprises françaises, rendant l'économie nationale vulnérable.
Cléo Collomb, maîtresse de conférences en sciences de l'information et de la communication à l’Université Paris-Saclay, a présenté la notion de guerre cognitive, qui cible non pas l'information, mais la connaissance elle-même. Elle a expliqué la distinction entre les données, les informations et les connaissances. Selon elle, la guerre cognitive vise à perturber la construction de la connaissance, notamment à travers des attaques sophistiquées sur les écosystèmes scientifiques. Elle a cité son projet de recherche "SPREADS", financé par l'Agence d'innovation de défense, qui explore l’hypothèse d’une attaque de la science, lorsque celle-ci repose en partie sur des bases de données massives et ouvertes, des IA et des outils soumis à une propriété intellectuelle opaque.
La discussion s'est ensuite orientée vers les solutions possibles pour contrer les défis croissants de la désinformation et des fake news.
Patrick Cappe de Baillon a souligné l'urgence de la situation, particulièrement aux États-Unis, où la science devient la victime directe d'une guerre contre la connaissance. Cette offensive, combinée aux actions de régimes autoritaires ciblant la connaissance, appelle à un engagement massif de la société et une prise de conscience individuelle. Il est crucial de développer un meilleur équipement intellectuel pour se défendre contre les manipulations. Les intervenants ont insisté sur plusieurs axes fondamentaux : multiplier les prises de parole publique pour sensibiliser la population, renforcer la sensibilisation au sein des entreprises et des cercles scientifiques, fournir au public des outils adaptés pour cultiver l'esprit critique, et développer des solutions technologiques pour filtrer et traiter les données.
Chloé Debiève a insisté sur l'importance de maintenir les réponses dans le strict cadre de nos valeurs profondes, sans adopter les stratégies des manipulateurs. Elle a évoqué la cohésion nationale, mise en avant lors des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, face aux tentatives de désinformation russes. Elle a également souligné le rôle clé de VIGINUM, service rattaché au Premier ministre pour détecter et caractériser les attaques informationnelles extérieures. VIGINUM produit des rapports détaillés et structurés, permettant une meilleure compréhension et une réponse informée. Chloé Debiève a encouragé la transmission des connaissances par des conférences et webinaires, tout en promouvant le wargaming, un outil ludique pour modéliser et anticiper les enjeux de l'influence.
Caroline Rabourdin a mis en lumière les solutions applicables au secteur des entreprises. Elle a souligné le potentiel encore largement inexploité de la diplomatie, notamment numérique (consistant entre autres à collaborer avec les réseaux sociaux pour modérer les contenus diffamatoires) comme levier d’action stratégique pour les organisations, ainsi que la création de départements dédiés à la Trust and Safety dans les entreprises françaises, chargés de traiter la désinformation, modérer les contenus et enquêter sur les attaques.
Cléo Collomb a conclu en partageant une analogie inspirée du livre "Black Trends" : « Les termites sont invisibles et agissent sur le long terme, les fourmis sont discrètes et travaillent sur le moyen terme, et le frelon, visible et effrayant, sur le court terme. » Manipuler les opinions publiques nécessite une coordination d’actions sur ces différentes temporalités. Les réponses à apporter doivent suivre le même schéma : un travail de fond sur la compréhension des processus de construction de la connaissance (enseignement, recherche), documentation et sensibilisation pour augmenter la prise de conscience (comme le fait Viginum), et fact-checking réactif.
Conclusion
Cette table ronde a mis en évidence la complexité et la multidimensionnalité des enjeux liés à la désinformation et aux fake news. Qu'il s'agisse de souveraineté scientifique et économique, de stabilité démocratique ou de confiance publique, les défis sont immenses. Les intervenants ont appelé à une prise de conscience collective, à un renforcement de l'esprit critique, et à une adaptation constante des stratégies, notamment par la diplomatie numérique et le wargaming.
La lutte contre la désinformation est un effort continu et collaboratif, nécessitant l'engagement de tous les acteurs de la société.
La lutte contre la désinformation est un effort continu et collaboratif, nécessitant l'engagement de tous les acteurs de la société.
Mini-biographies d'experts en sécurité et défense intervenant dans la table ronde
Cléo Collomb
Profession: Maîtresse de conférences à l'Université Paris-Saclay, rattachée au laboratoire Idest.Spécialité: Spécialiste de la trace numérique, ses recherches se situent à la croisée de l'épistémologie, de la philosophie des techniques, et des sciences de l'information et de la communication.
Contributions: Elle a travaillé sur des sujets liés aux algorithmes et à l'éthique des technologies, notamment en collaboration avec d'autres chercheurs sur des projets comme l'analyse des algorithmes de Tinder.
Patrick Cappe de Baillon
Profession: Référent Intelligence économique pour le Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Rôle: Il joue un rôle clé dans la stratégie d'intelligence économique du CEA, contribuant à la protection et à la valorisation des informations sensibles dans le domaine de l'énergie nucléaire et des technologies avancées.
Chloé Debiève
Profession: Chargée de domaine Influence et lutte informationnelle au Centre interarmées de concepts, de doctrines et d’expérimentations (CICDE-EMA). Parcours: Titulaire d'une double licence en droit et en science politique, ainsi que d'une maîtrise en relations internationales. Elle est également fondatrice de l'Agenda Stratégique, une plateforme dédiée à la centralisation des événements dans les domaines de la sécurité et de la défense.
Caroline Rabourdin
Profession: Chercheuse et consultante, spécialisée dans les domaines de la sécurité et de la défense. Expertise: Elle se concentre sur la communication stratégique et la gestion de l'information dans des contextes sensibles, offrant des conseils et des analyses pour diverses organisations. Elle est également Senior Lecturer en Architecture, Histories and Theories à l'Université de Greenwich et auteure de "Sense in Translation: Essays on the Bilingual Body".