Santé

Analyse situationnelle et stratégique de la pénurie de médicaments en France. Par Jean-Marie Carrara.

Prochain article L’intelligence en santé, une compétence stratégique émergente au croisement de l’intelligence pharmaceutique et de l’intelligence médicale.


Jacqueline Sala
Lundi 2 Décembre 2024


En 2023, l’ANSM a recensé près de 5 000 ruptures de stock de médicaments, soit une hausse de 30 % en un an et de 1 000 % en dix ans.
Ce phénomène, mondial, reflète des défaillances structurelles profondes prenant notamment la forme d’une dépendance aux chaînes d’approvisionnement extra européennes, d’une insuffisance des stocks stratégiques et d'un manque d’anticipation.



Analyse situationnelle et stratégique de la pénurie de médicaments en France. Par Jean-Marie Carrara.

Des impacts multiples sur la santé des citoyens et sur les coûts supportés par la collectivité nationale

Les ruptures touchent aussi bien des traitements vitaux que des médicaments courants comme l’amoxicilline ou le paracétamol.
Les retards de traitement en résultant aggravent l’état de santé des malades, jusqu’à mettre en danger leur survie, et alourdissent de facto fortement les coûts supportés par la collectivité.

Une crise aux multiples origines

Sans que la liste soit exhaustive, la crise dépend de nombreux facteurs comme, en particulier :
 
  1. Une délocalisation massive vers l’Asie : 80 % des principes actifs sont désormais produits en Asie, contre 20 % en Europe, renversant les proportions d’il y a dix ans.
  2. Une demande mondiale croissante venant des pays émergents en raison d’une amélioration de leur état sanitaire et de l’accroissement de leur niveau de vie.
  3. La constitution de monopoles industriels : un nombre limité de fabricants (2 voire parfois même un seul !) couvre l’intégralité du marché mondial de certaines molécules.
  4. Des normes européennes très strictes qui, dans le but de protéger l’environnement, les dirigeants et leurs salariés, les prescripteurs et les patients, limitent la compétitivité des laboratoires pharmaceutiques européens face à des concurrents asiatiques qui s’exonèrent de ces mêmes normes car moins contrôlés et moins régulés, même pour leurs productions destinées au marché européen.

Les mesures clés couramment proposées

Retrouver la souveraineté sanitaire nationale et européenne semble ne passer pour certains que par :
  • La relocalisation de la production en Europe, malgré des coûts plus élevés, afin de garantir une sécurité de production, d’approvisionnement et de distribution.
     
  • Une redéfinition des priorités stratégiques en ciblant les médicaments essentiels et en constituant des stocks adaptés aux pics de variation prévisibles ou possibles de la demande nationale et/ou européenne.
     
  • Une coordination européenne pour mutualiser les efforts pour face à des pics exceptionnels de la demande.
     
  • Un alignement des normes de production sur les produits importés pour rétablir une concurrence loyale.

Ces mesures connues de longue date restent essentiellement incantatoires. Faut-il s’y résigner ?

Le constat qui précède signifie-t-il que reconquérir sa souveraineté en matière de médicaments n’est désormais plus qu’un leurre ?

Assurément non car une des caractéristiques de l’approche stratégique, par le recul situationnel qu’elle implique, par la redéfinition et la réinterprétation des données qu’elle autorise, par les modèles analytiques qu’elle propose, par la réorganisation des valeurs qui la dicte, permet de concevoir une approche différente.
Cette alternative est respectueuse de la finalité du Médicament dans notre société, des lois et des règlements qui en régulent sa production, sa distribution et son usage pour tous les habitants du territoire aboutira à une industrie pharmaceutique souveraine et durable.

Pour cela, une méthodologie spécifique devra être coconstruite avec les dirigeants et le pharmacien responsable d’un laboratoire pharmaceutique d’un côté, SICAFI et StratAdviser de l’autre, pour enrichir des systèmes d’analyse des modes de défaillance, de leurs effets et de leur criticité et définir une stratégie qui renforcerait le leadership du dirigeant sur son conseil d’administration et les autres directeurs de l’entreprise.
 

Conclusion

La pénurie de médicaments en France et plus largement, en Europe s’est renforcée régulièrement au cours des dix dernières années avec toutes les conséquences qui en résultent en termes de perte de souveraineté et d’indépendance nationales.

Revenir en arrière pour assurer à nouveau cette indépendance requiert une forte volonté politique, des investissements importants d’autant plus difficiles à mobiliser que les finances publiques des premiers contributeurs européens nets sont très dégradées et surtout, une approche stratégique solidement construite par les industriels désireux de créer une industrie pharmaceutique nationale souveraine et durable.
 

Merci Jean-Marie Carrara

Né en 1958 à Rabat (Maroc), Jean-Marie CARRARA a effectué toutes ses études à Lille (France). D’abord attiré par la santé de l’Homme, il devient Docteur en Pharmacie et diplômé de Biologie Humaine.
Comme la santé des entreprises et des organisations sont essentielles pour l’Homme, il compléta sa formation par un DESS d’Administration des Entreprises et un DESS de Finance et de Fiscalité Internationales