Vers de nouvelles cultures sociales et économiques.
Comment définissez-vous la déconsommation et pourquoi est-elle nécessaire aujourd’hui ?
La déconsommation part du principe que dans un futur plus ou moins proche, la fin de l’énergie abondante, la raréfaction des matières premières, le réchauffement climatique, la réduction de la biodiversité… vont avoir un impact majeur sur les particuliers et les entreprises.
Ces phénomènes vont entrainer une réduction globale de la consommation, une augmentation des coûts des matières premières, un creusement des inégalités sociales…
Tout cela fera que la déconsommation sera soit subie via un fort ralentissement économique, soit choisie par certains pour préserver la planète, soit imposée par de futures Lois.
La déconsommation, c’est aussi reconnaître que le coeur du problème, c’est la surconsommation, et qu’il est de notre responsabilité individuelle et collective de changer la société de consommation
La déconsommation se concentre sur la partie “consommation” de biens et services, dans une optique de durabilité et de respect de l’environnement, de la manière la plus intelligente, et la moins pénible possible pour notre société.
Pour résumer en une phrase la déconsommation serait “Moins, c’est mieux !”.
La déconsommation ne prône pas la révolution et ne remet pas en cause de manière radicale le modèle économique actuel car cela entraînerait une nouvelle révolution.
Elle cherche plutôt à modifier significativement les habitudes de consommation en faisant cohabiter deux systèmes (l’actuel et le futur) pour migrer de la manière la moins destructrice possible vers une économie post-société de consommation.
C’est tout l’enjeu de ce livre, avec un mode d’emploi sur 9 mois à destination des entreprises.
Quels conseils donneriez-vous aux petites entreprises qui souhaitent intégrer ces principes ?
Si vous n’êtes pas le dirigeant de l’entreprise, et que vous parlez de déconsommation, vous allez passer pour un illuminé.
Misez plutôt sur les aspects factuels et rationnels qui sont l’adaptation aux évolutions à venir : les nouvelles tendances de consommation (écologie, responsabilité…), l’évolution du marché (éco-conception…) et la réduction des coûts.
Ce discours est bien plus audible, et permet de lancer ses premières actions.
Il y a déjà les politiques, RSE, mais elles ne touchent rarement le coeur du problème, c’est dire les 20% qui font 80% des impacts écologiques de l’activité, et qui nécessitent de revoir les produits, le business modèle, la manière de fonctionner…Ainsi, c’est certes bien de réduire les achats de goodies, de venir au travail en vélo… mais la clé, c’est de revoir la manière de fonctionner de l’entreprise, voire d’initier une ré-orientation stratégique.
Cela nécessite soit une volonté forte de la direction générale de l’entreprise, soit une démarche au niveau de chaque service (sans entrer en collision avec la stratégie globale de l’entreprise).
Il est essentiel d’agir dès à présent, ce changement est long et complexe car il touche les valeurs de l’entreprise, les mentalités, les produits…
Et plus on attend, plus cela sera difficile de changer, en particulier dans un contexte de ralentissement économique qui offrira de moins de marge de manoeuvre.
Votre livre propose des conseils pour assurer la pérennité et la résilience des entreprises. Pouvez-vous nous citer les actions prioritaires qui sont à mener ?
La première chose à faire, c’est tout simplement se dire, si demain je perds 30% de mon chiffre d’affaires, qu’est-ce qu’il se passe, et comment je peux réagir ?
Cette première réflexion donne déjà des pistes d’actions concrètes, car elle permet de mettre en avant la fragilité d’une entreprise.
Ensuite, selon moi, il y a 4 leviers clés à actionner :
Chercher la frugalité à tous les niveaux. Vous devez créer une organisation résiliente, la plus souple et la plus agile possible. Cela consiste à réduire les dépenses inutiles ou non indispensables (généralement > 10% d’un budget), et à réduire le poids des charges fixes pour les variabiliser (sous traitance, externalisation…). C’est aussi penser “Jugaad”, c’est à dire au “système D” à la Française, mais de manière durable.
Revoir ses produits et le business modèle. Repenser ses produits, c’est repenser les futurs besoins avec l’utilité de ses produits dans un contexte de ralentissement économique. Par exemple, l’avenir de la voiture, ce n’est pas la voiture électrique, mais le vélo (électrique ou pas). En déconsommation, il faudra vendre des produits (vraiment) utiles ou apporter plus de valeur perçue en phase avec les besoins et le budget des clients. Cela veut dire oser abandonner des produits qui n’ont plus de sens, lancer des offres durables…
Repenser sa prospection & sa fidélisation. Les prospects se faisant plus rares, il sera essentiel de structurer ses process commerciaux et optimiser ses budgets marketing en améliorant la conversion. En pratique, cela veut dire remettre en cause sa manière de faire, analyser son cycle des ventes…
Réorganiser son entreprise, car plus que jamais dans un environnement chahuté et incertain, il faudra de la réactivité et de la prise d’initiative. Par exemple réduire les strates hiérarchiques, miser sur un duo humain & IA …
En complément, un dernier point sera de travailler en réseau, que cela soit en interne (collaboration inter-services, fixation des objectifs avec la méthode OKr…) ou en externe (partage de bonnes pratiques, réseau d’entre-aide…) avec comme mantra le proverbe africain “Seul on va plus vite, mais ensemble on va plus loin”.
Pourriez-vous nous conseiller un ouvrage, une association ou organisation qui proposent des actions en phase avec votre analyse ?
Selon moi, l’enjeu majeur est la prise de conscience des défis à venir afin de comprendre les impacts à notre niveau individuel et dans nos organisations.
La plupart des personnes ont une vision parcellaire des sujets à régler, sans voir la dimension globale et systémique.
Par exemple, on peut penser à lutter contre le réchauffement climatique, sans avoir conscience que la fin de l’énergie abondante et bon marché va réduire nos possibilités de réparer les dégâts générés par le climat.
Je recommande donc d’écouter les discours d’experts sur Youtube, en commençant par les plus accessibles et rassurants comme ceux de Jean-Marc Jancovicci ou Aurélien Barrau, puis d’écouter des interventions moins consensuelles comme celles de Jean-Baptiste Fressoz, Laurent Testot, Vincent Mignerot ou Arthur Keller.
Merci Frédéric d'avoir répondu à nos question et rendez-vous très vite pour de nouvelles conversations.
Ecologiste, convaincu, il propose aux marketeurs des solutions pour adapter leur business dans un monde de plus en plus complexe et changeant.