Décision Intelligence

Comment expliquez-vous le paradoxe entre des technologies et des sciences de plus en plus performantes... Jean-Claude Possin nous répond

..., et une qualité de gouvernance des entreprises en constante dégradation comme le prouve la perte de confiance envers les instances représentative ?


Jacqueline Sala
Lundi 17 Février 2025





Comment expliquer ce paradoxe ?

Existence de méfiance, de méconnaissance , de ressentiments psychologiques et humains, déficit de sensibilisationet insuffisancede formation pédagogique - de situations etd’actes incompris et jugés inacceptables - par les personnels et cadres d’entreprises. Défis managériaux et contestations  : éthiques , techniques, productivistes et socio-politiques – parfois idéologiqueset/ou syndicaux- … engendrés par l’évolution trop rapide des sciences, concepts et techniques actuellement utilisés- parfois abusivement- en matière de gouvernance , essentiellement dans le but d’augmenter les profits – (ressentis)- au détriment des aspects humains.
  • Fragmentation sociale et accélération technologique : l’accélération technologique sur le plan social et sociétal, des formations insuffisantes mal anticipées et présentées ,  l’angoissante situation des personnels   de mal maitriser ces nouveaux concept et outils,  crée un sentiment de rejet possible , de  « désynchronisation » de « déshumanisation », de frustration et de  « peur de ne pas être à la hauteur » de ces nouveaux défis.  À cela s’ajoute une  « perte – réelle, supposée ou ressentie - des valeurs et repères traditionnels et collectifs au plan social , sociétal voire communautariste  » jugés inacceptables.  C’est le défi de « l’angoisse des futurs » chez les personnels de l’entreprise , risque managérial très souvent mal appréhendé par les manageurs de l’entreprise ou des organisations en général.
     
  • Les gouvernances managériales d’entreprise,  comme les institutions politiques gouvernementales, faute d’anticipation,  d’explications suffisantes et de formations adaptées peinent à suivre le rythme de mise en place et d’utilisation de ces outils et techniques.  Les salariés concernés en sont  « gravement et psychologiquement affectés et perturbés» car trop éloignés des urgentes réalités et préoccupations concurrentielles du moment. Préoccupations technologiques,  économiques, financières,  commerciales, de production, d’innovations et de compétitivité  face à des entreprises concurrentes souvent  agressives.
     
  • Parallèlement au déclin des institutions démocratiques,  l’érosion  de la confiance envers les institutions de gouvernance ,  couplée à une montée en puissance des exigences de transparence ,  de responsabilité , de contrôles et d’obligation de résultats créé un « climat anxiogène » qui paralyse les personnels jeunes ou plus âgés,  à des degrés divers  en suscitant  de nombreuses  réserves, critiques , des mécontentements et des peurs.
     
  • Dans un tel contexte les outils et technologies sont jugés souvent par leurs détracteurs   comme des destructeurs d’emplois, des   amplificateurs et des accélérateurs de tensions sociales,  car pour beaucoup de cadres -( parfois )-, salariés et/ou employés les technologies numériques performantes sont  assez  souvent considérées comme inhumaines car conçues pour essentiellement « maximiser les profits ».
 
 Dans les entreprises, -encore récemment- les méthodes de management actuelles utilisent des concepts, outils et des technologies, rigides, parfois dépassées , orientées vers la performance managériale , le contrôle, une productivité accrue et le profit.Celles-ci sont généralement mal présentées par des manageurs eux-mêmes insuffisamment préparés et formés. Cette - approche maladroite-engendre du « mal-être au travail »   et des  ressentiments,  qui aggravent, voire exacerbent les tensions et divisions sociales au lieu de les apaiser !
 

Conception et tendances des derniers outils « neuro-managériaux»

 Dans la réalité,   nous constatons au contraire   que les dernières générations d’ outils algorithmiques et IA mis sur le marché sont de plus en plus conçues et réalisées en tenant compte d’ aspirations  émotionnelles plus humaines.  Elles sont actuellement réalisées , grâce à la « psychologie neurocognitives » d’ aspects  qui les  «rendent » plus acceptables et plus proches des besoins et  des attentes des salariés .   Leur présentation récente  les rendant plus accessibles et  efficaces  au plan de la gouvernance des entreprises.
 
Ainsi, grâce à ces apports  « imprégnés »,  d’IA , de neurosciences et de psychologie cognitive 
»,-( biomimétisme)-   les dernières générations « d’outils d’aide à la décision »   prennent mieux en compte les demandes des dirigeants décideurs sommitaux, comme ceux des   cadres et salariés d’entreprises. – Il s’agit là d’une évolution récente et intéressante qui méritait d’être mentionnée .

Cette modélisation actualisée et humanisée des « outils »  -de dernière génération- devrait entrainer une meilleure « acceptabilité » de ces nouveaux outils et limiter sensiblement les attitudes  de « rejet »  qu’on enregistre parfois dans les entreprises utilisatrices.   Comportements qui posent la question   « du paradoxe entre des technologies de plus en plus performantes, - issues pour parties-   des sciences du cerveau  et d’ une qualité de gouvernance des entreprises -(dans certains  cas)- en constante dégradation ». La question de Veille Magazine est légitime et méritait d’être posée !

  -         Les découvertes neuroscientifiques révèlent que la gouvernance en entreprise est souvent biaisée -( ou engendrée)-  par des attitudes et comportements psychologiques irrationnels du management.
                  Daniel Kahneman dans – ( « Thiking ,fast and Slow » -2011- analyse comment et combien nos biais cognitifs impactent – ( et parfois)- handicapent)- la prise de décision dans les sphères économiques et politiques. Yuval Noah Harari dans -Homo Deus (2015)- lance une réflexion sur les défis éthiques et sociologiques posés par l’évolution des technologies et des sciences.
 

Conclusion concernant l’ interrogation de départ

Comment expliquer le paradoxe : entre performance technologique des outils de management d’une part et qualité de gouvernance managériale -(parfois)- de plus en plus dégradée et déshumanisée dans l’entreprise d’autre part ?
En dépit de l’ accroissement de la productivité et des profits réalisés au travail, liés à l’utilisation de ces dernières générations d’outils et de technologies managériales au travail,

Aux situations décrites s’ajoutent le renforcement normatif , la montée des intolérances et des  idéologies politiques, sociales ,voire sociétalesle refus fréquent de regarder  les réalités  économiques en face et de les accepter , l’insuffisance , le manque  d’explication  ou l’absence d’analyse critique éclairée , la négation -(parfois)- des informations, des enquêtes et des faits recensés , les mensonges, la  désinformation , la déstabilisation et la déshumanisation , le toutamplifié par les réseaux sociaux, autant d’argumentsqui augmentent l’incompréhension et la détresse sociale au travail de certains salariés .

Une présentation pédagogique et psychologique insuffisante , des formations inadaptées,   l’inquiétude de lendemains incertains ,  du chômage qui augmente à nouveau , accentué par l’utilisation « à marche forcée » de ces   outils technologiques complexes troublent psychologiquement les personnels salariés et suscitent dans certains cas,  des nombreuses  réserves  et parfois des attitudes de « rejet » de  ce modernisme imposé plutôt que choisi.   Les avancées informatiques récentes , « massives et invasives  », des algorithmes et des IA -faibles, fortes et génératives …augmentent les angoisses , celles de perdre son emploi ou plus encore de « ne plus être à la hauteur des enjeux » d’un modernisme modernisme technologique qui s’ impose actuellement dans le cadre  d’une compétitivité technologique et commerciale exacerbée.   
 

Rappel :

En 2024 n’oublions pas que selon l’observatoire des inégalités « Huit millions de personnes sont en situation  «  d’illettrisme numérique » on dit aujourd’hui - « d’illectronisme » qui désigne le manque de savoir face aux outils numériques .  Ce taux atteint plus d’une personne sur trois et touche un jeune sur cinq. Au total 10 à 15 millions de français dont 3 à 5 millions cumulent fragilité sociale et numérique. Cette fracture touche toutes les classes sociales.  Alors que par souci d’économies de plus en plus de sociétés et d’administrations optent pour la dématérialisation .
 
L’accroissement des technologies de l’information et de diffusion, en temps réel et à grande échelle, tant sur les réseaux sociaux que sur les « chaines d’information en continu » amplifie le désarroi ambiant. A ces considérations s’ajoutent la désinformation ,les Fake news, » la guerre cognitive », les risques cognitifs ,  l’abondance et la violence des images … qui créent un stress permanent pour beaucoup d’entre nous – se reporter aux chapitres I et III de « Intelligence Décisionnelle -(ID)- & Cognition ». Toutes ces situations engendrent un climat de méfiance,  de malaise et de stress qui déstabilise ,plus ou moins consciemment ou inconsciemment les personnels, cadres et salariés sur le plan : psychologique, professionnel , philosophique , social, sociétal et politique .

Du fait de l’ensemble de ces considérations et des problèmes évoqués , le paradoxe décrit doit-être considéré essentiellement comme une conséquence de l’accélération des transformations sociologiques , sociétales et technologiques, celle aussi d’une dégradation significative -parfois-  des rapports humains , de leur déclin et de la détérioration des relations sociales dans les organisations.

Ce constat nécessite une profonde réflexion, une inflexion managériale, sociale, humaine … et une refonte axée sur le retour à des considérations plus  humanistes -(RSE)- .Une meilleure anticipation, présentation et formation aux connaissances numériques et neuroscientifiques, à l’Intelligence économique-stratégique, à la Neuro IE-IS, à l’apprentissage des Nouvelles technologies de l’information et de la communication , de l’IA générative et , pour l’entreprise , des approches Neuro-managériales, pédagogiques ,  informatiques d’accompagnement et de formation continue .

L’approche par la connaissance des mécanismes du cerveau biologique mais également artificiel , des sciences cognitives, des formations utilisant la Neuro-pédagogie, l’individualisation , la personnalisation et l’utilisation accrue en matièrede Responsabilité Sociale d’Entreprise -RSE-, de la « grille de Maslow » déjà citée pourront y remédier. Cf : Chapitre III et annexe VI de l’essai.
 
                          Le paradoxe de la question n’en est donc pas un ; il s’agit plus simplement d’un déficit de réflexion,d’anticipation, de pédagogie managériale, de formation, d’informations et d’explications convaincantes , de considérations individualisées des personnels et d’ attention que nous devons impérativement porter  aux personnels salariés   dans des entreprises  et les organisations plus généralement.  

Néanmoins , la dégradation des relations humaines , sociales , sociétales et éthiques dans l’entreprise, opposées aux performances croissantes de technologies productivistes parfois angoissantes est une réalité palpable et une évidence qui mérite attention et considération sous peine de faire face des désordres, mouvements sociaux et conflits syndicaux qui pourraient par un phénomène de contagions’étendre et semultiplier .

Dans les entreprises et toutes les formes d’organisations , il s’agit de la prise en compte systématique d’un risque managérial répertorié dans la « liste guide » de notre ouvrage Besson/Possin sur L’Intelligence des risques et des opportunités.

Ce paradoxe apparait néanmoins en 2025 comme un défi managérial supplémentaire de la gouvernance d’entreprise qui doit être répertorié , mesuré, étudié, reconsidéré et résolu.  Très sérieux,  il mérite d’ être étudié sous les angles psychologiques – ( comme la perte de confiance en soi  des salariés en leurs propres compétences et  capacités d’adaptation par exemple )- , philosophiques, sociologiques, neuroscientifiques,  économiques et socio-politiques afin d’y remédier le plus humainement possible.