Gouvernance

Comparaison entre 1944 et aujourd'hui : points communs et différences. Claude Malhuret.

Discours de Claude Malhuret, prononcé à l'occasion de la commémoration de la séance inaugurale de l'Assemblée consultative provisoire du 9 novembre 1944


Jacqueline Sala


Tout en reconnaissant les différences contextuelles, le sénateur met en lumière des points communs troublants qui invitent à la réflexion et à l'action. Le discours de Claude Malhuret dresse un constat alarmant et invite à tirer les leçons du passé pour éviter de reproduire les erreurs qui ont conduit à la Seconde Guerre mondiale.



Ce discours offre un parallèle saisissant entre la situation géopolitique de l'époque et celle d'aujourd'hui.


Tout en reconnaissant les différences contextuelles, le sénateur met en lumière des points communs troublants qui invitent à la réflexion et à l'action.

Points communs:
  • La montée des totalitarismes : En 1944, le monde sortait d'un conflit dévastateur provoqué par l'expansionnisme nazi et l'idéologie totalitaire. Claude Malhuret souligne que le XXIe siècle est témoin d'une résurgence de ce phénomène avec des régimes autoritaires comme la Russie, la Chine, la Corée du Nord et l'Iran.
     
  • L'alliance des dictatures : Le pacte germano-soviétique, qui avait stupéfié le monde en 1939, trouve un écho inquiétant dans l'alliance actuelle entre ces quatre puissances autoritaires.
     
  • L'agression contre l'ordre démocratique : Tout comme Hitler et Staline cherchaient à détruire l'ordre démocratique, les despotes d'aujourd'hui mènent une guerre ouverte contre les valeurs de paix, de liberté et de prospérité défendues par les démocraties.
     
  • La complaisance des démocraties : Claude Malhuret dénonce la passivité des démocraties face à la menace grandissante, rappelant l'attitude de Daladier à Munich en 1938. Il met en garde contre l'illusion que l'on peut éviter la guerre face à des ennemis déterminés à la mener.
     
  • La nécessité de la puissance militaire : Le sénateur insiste sur l'urgence pour l'Europe de redevenir une puissance militaire crédible. Il voit dans le retrait progressif des États-Unis du Vieux Continent la réalisation de la prophétie de De Gaulle, et appelle à une prise de conscience collective face au danger imminent.
Différences:
  • La nature des menaces: Si la menace totalitaire est une constante, sa forme a évolué. Aux armées traditionnelles s'ajoutent aujourd'hui des moyens de déstabilisation plus insidieux, notamment la propagande et la subversion via les réseaux numériques.
     
  • L'arme nucléaire: L'existence de l'arme nucléaire introduit un facteur de dissuasion absent en 1944, modifiant profondément les rapports de force et les calculs stratégiques.
     
  • Le contexte international: La situation géopolitique actuelle est marquée par une interdépendance accrue et la globalisation, ce qui rend les conflits plus complexes et aux conséquences potentiellement plus vastes.
Le discours de Claude Malhuret dresse un constat alarmant et invite à tirer les leçons du passé pour éviter de reproduire les erreurs qui ont conduit à la Seconde Guerre mondiale. La commémoration de 1944 est l'occasion de rappeler que la liberté et la démocratie sont des acquis fragiles qui nécessitent une vigilance constante et une volonté collective de les défendre.

Les réactions
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Synthèse de la prise de parole de Claude Malhuret

Monsieur le Président, Monsieur le Premier Ministre, Madame la Vice-présidente de l'Assemblée nationale, mes chers collègues,
Le premier enjeu d'une commémoration c'est de tirer la leçon des événements que nous commémorons. C'est ce que faisait le 9 novembre 1944 le général de Gaulle en résumant les années tragiques qui ont précédé la libération de la France.
« L'une des leçons des épreuves inouïes que la France traverse, disait-il, c'est la conjugaison en quelque sorte organique du désastre avec la tyrannie et du succès avec la République. »
80 ans plus tard, il est à craindre que la France, et plus généralement les démocraties, ait oublié ses enseignements et l'aveuglement devant les totalitarismes que dénonçait de Gaulle.
I. Le retour des totalitarismes
  • La victoire du nazisme en Allemagne et du communisme en URSS
  • La remilitarisation allemande, l'Anschluss, l'invasion des Sudètes, le pacte germano-soviétique
  • Des dirigeants incapables de comprendre la montée des périls et, pour ceux qui l'avaient compris, incapables de convaincre leur peuple qu'il fallait les combattre tant qu'il était temps
  • L'histoire du XXe siècle se répète au XXIe siècle :
    • Aux totalitarismes nazi et soviétique ont succédé les dictatures russes, chinoises, nord-coréennes et iraniennes
    • Au pacte germano-soviétique a succédé l'alliance de ces quatre tyrans
    • À l'Anschluss, au Sud-Est et à la Pologne répondent aujourd'hui l'invasion de la Géorgie et de l'Ukraine, les menaces sur la Moldavie, sur Taïwan et toute la mer de Chine, les appels à la destruction d'Israël
II. L'aveuglement des démocraties
  • À l'obsession de Staline de détruire par tous les moyens l'ordre démocratique fait suite la guerre ouvertement déclarée par les despotes d'aujourd'hui au monde de paix, de liberté et de prospérité instauré par les démocraties en 1945
  • Aux cinquièmes colonnes qu'étaient les partis communistes et fascistes d'entre-deux-guerres en Europe ont succédé les populismes d'extrême droite et d'extrême gauche ouvertement alliés avec les tyrans [4, 5]
  • Ils relayent leurs activités subversives et retournent contre les démocraties les réseaux numériques dont nous avions cru qu'ils seraient un formidable outil d'information et de communication
III. L'urgence d'agir
  • Beaucoup de dirigeants affirment que nous ne sommes pas en guerre contre l'internationale des dictateurs, comme Daladier rentrant de Munich se féliciter d'avoir sauvé la paix [5, 6]
  • « Il n'y a rien de plus dangereux que de croire que nous ne sommes pas en guerre contre des gens qui sont en guerre contre nous et qui le disent. »
  • L'Europe doit comprendre l'urgence de redevenir une puissance militaire
  • Le résultat des élections américaines devrait nous ouvrir les yeux : la prophétie du général de Gaulle (« Les États-Unis quitteront le Vieux Continent si nous ne le comprenons toujours pas. ») est en train de se réaliser [6, 7]
  • « Ce n'est pas seulement l'Ukraine demain qui sera vaincue mais la liberté. »
  • « De 1933 à 1938, les Français ont fait tout ce qui était nécessaire pour mener à la guerre, parce qu'ils en avaient peur », disait Raymond Aron. « Je crois à la victoire des démocraties à condition qu'elles le veuillent. »
IV. L'inaction face à la menace
  • 10 000 soldats nord-coréens viennent d'arriver en Russie, mais les Occidentaux continuent d'interdire aux Ukrainiens d'utiliser leurs missiles pour frapper en Russie les bases d'où partent les avions et les bombes qui détruisent l'Ukraine [7, 8]
  • La dissuasion nucléaire est censée sanctuariser notre territoire et préserver notre liberté d'action, mais c'est au nom de cette dissuasion que nous théorisons notre inaction
  • Nous laissons à Poutine le monopole de la menace et de l'agression, alors que nous savons que ses alliés chinois lui interdisent l'emploi de l'arme nucléaire
  • Son abstention après que les Ukrainiens ont franchi la frontière russe à Belgorod apporte la preuve que ces lignes rouges ne sont qu'un bluff
V. Conclusion
« La Deuxième Guerre mondiale, disait de Gaulle le 9 novembre 1944, a eu pour cause la frénésie dominatrice d'un système politique, social, moral abominable, mais revêtu du sombre attrait de la puissance. Elle a trouvé pour la favoriser la dispersion des États du parti de la liberté, les divisions passionnées, les routines de tous ordres, la défaillance des élites dirigeantes. »
En ce jour anniversaire, alors que les Ukrainiens meurent chaque jour par milliers pour défendre notre liberté dans une indifférence chaque jour croissante et chaque jour plus préoccupante, puissions-nous réfléchir à ces paroles prophétiques.
Je vous remercie.