Brossons le tableau en quelques points simples et clairs …
1. L'humanité est un vaste système complexe, partie prenante d'un système encore plus complexe et plus vaste : la biosphère . Les modèles et lois de la physique complexe s'y appliquent.
2. Le processus humain, au sein du processus biosphérique, est travaillé par les trois propensions fondamentales de la physique complexe : la propension massique qui tend à augmenter à la fois son territoire et sa démographie, la propension eidétique qui tend à complexifier ses modes d'organisation et la propension dynamique qui tend à accélérer le rythme de ses activités.
3. Ces trois propensions évoluent de conserve par un jeu d'équilibres dynamiques qui assurent l'homéostasie globale du processus humain. Sous peine de s'étioler, cette homéostasie humaine doit, en plus, se développer en harmonie avec l'homéostasie supérieure du processus biosphérique global qui la porte, la nourrit et la fonde. La rupture écologique que nous vivons aujourd'hui est l'expression de la rupture de cette harmonie entre les deux niveaux biosphérique et humain.
4. De plus, le processus humain vit, sous nos yeux, une bifurcation , au sens de Prigogine , c'est-à-dire un saut, à la fois quantitatif et qualitatif, de ses trois propensions fondamentales. Ce saut induit une restructuration en profondeur de l'architecture homéostatique de l'ensemble, restructuration que traduit l'actuelle crise paradigmatique et dont nos crises économiques et sociétales successives sont le signe et l'expression.
5. Les trois sauts propensifs que nous vivons aujourd'hui, sont respectivement la mondialisation (densification massique des territoires humains étendus à toute la Terre), la réticulation (complexification eidétique de toutes les organisations par passage des structures hiérarchiques aux structures mosaïques en réseau) et la dématérialisation (accélération dynamique de tous les rythmes au travers des technologies télématiques). Il est clair que, par exemple, le phénomène Internet (et la révolution noétique qu'il permet) synthétise et symbolise parfaitement la convergence de ces trois sauts propensifs.
6. A ces trois défis évolutifs, s'ajoute le défi écologique du rétablissement de l'homéostasie globale de et avec Gaïa .
7. Quatre défis, donc, qui sont l'intériorité pour accompagner la mondialisation, la complexité pour accompagner la réticulation, l'immatérialité pour accompagner la dématérialisation et la frugalité pour accompagner le rétablissement de l'homéostasie écologique. Examinons ces quatre défis un peu plus en détails :
a. La mondialisation appelle l'intériorité : les espaces extérieurs étant saturés, seuls les espaces intérieurs s'offrent encore à l'expansion humaine. La conquête des territoires physiques à la surface de l'étendue étant achevée, le développement humain futur partira à la conquête des territoires noétiques dans les profondeurs de la durée.
b. La réticulation appelle la complexité : les structures hiérarchiques sur lesquelles se sont construites les civilisations du passé et du présent, sont bien trop pauvres en relations et interrelations pour affronter et supporter la complexification globale du système humain. Les structures réticulées, bien plus riches, sont donc appelées à les remplacer partout : les pyramides monolithiques doivent céder la place à des mosaïques interconnectées.
c. La dématérialisation appelle l'immatérialité : la société de consommation et l'économie industrielle doivent céder le pas à la société de la connaissance et à l'économie de l'immatériel qui l'accompagne : la richesse devient cognitive et informationnelle. La nouvelle logique économique s'échappe des carcans de la rareté et de la propriété.
d. L'écologisation appelle la frugalité : la pression démographique et la rage consommatoire induisent un pillage systématique de toutes les ressources naturelles que Gaïa n'est pas capable de soutenir. La seule réponse possible est la frugalité tant reproductive que matérielle.
Notre époque est celle de cette bifurcation majeure dont la révolution noétique est l'expression comme la révolution néolithique fut l'expression de la bifurcation majeure précédente, il y a 10.000 ans.
Toute bifurcation majeure d'un processus est un moment délicat car elle remet en cause les architectures fondamentales de l'homéostasie, et met donc le processus tout entier en grand danger.
De plus, il est clair que toute bifurcation est la suite logique des évolutions antérieures. Or, celles-ci étant irréversibles, il est impossible de croire que la bifurcation majeure actuelle puisse être évitée.
Il faut donc l'assumer avec lucidité, intelligence et inventivité.
Ainsi, quelques conclusions importantes s'imposent :
1. La bifurcation majeure actuelle (la "crise") est inéluctable : toute gesticulation politique, syndicale ou financière est inutile, vaine et illusoire.
2. La bifurcation majeure actuelle (la "crise") est irréversible : l'ancien "monde" est mourant et tout acharnement thérapeutique est absurde et contre-productif.
3. La bifurcation majeure actuelle (la "crise") est indispensable : la survie (partielle) de l'humanité passe nécessairement par un changement radical de ses modalités d'existence.
4. La bifurcation majeure actuelle (la "crise") est incertaine : rien n'est écrit, tout doit être inventé et le temps presse car plus l'enfantement de l'humanité nouvelle tarde et plus l'accouchement sera difficile, douloureux et dangereux.
Marc Halévy
1La biosphère est l'ensemble de tous les organismes et sociétés vivant sur toute la surface de la Terre.
2 La physique complexe est la branche des sciences physique qui s'intéresse aux systèmes complexes, à leur auto-organisation et à leurs évolutions.
3 Propension : tendance naturelle, intrinsèque, interne.
4 Eidétique : qui concerne la "forme", les structures et architectures, les modes d'organisation.
5 Homéostasie : état d'équilibre global et dynamique d'un système complexe. Par exemple, la régulation de la température de notre corps est un processus homéostatique.
6 En théorie des systèmes, une bifurcation est une discontinuité évolutive qui induit des changements radicaux de fonctionnement. Par exemple, le passage de l'eau liquide à la glace est une bifurcation.
7 Ilya Prigogine : mon maître, professeur à la fois à l'ULB et à Austin (Texas), prix Nobel 1977 et fondateur de la physique complexe.
8 Paradigme : ensemble des repères, valeurs et modèles, souvent implicites et inconscients, qui fonde une civilisation.
9 Noétique (du grec noôs : connaissance, esprit, intelligence) : qui concerne la connaissance et ses diverses dimensions.
10 Gaïa : nom grec de la déesse Terre qui symbolise la Nature, la biosphère.
11 Cognitif : qui concerne la connaissance.
12 L'âge néolithique marque le passage de l'humanité à l'économie de production (élevage et agriculture) après l'économie de prédation (chasse et cueillette).
1. L'humanité est un vaste système complexe, partie prenante d'un système encore plus complexe et plus vaste : la biosphère . Les modèles et lois de la physique complexe s'y appliquent.
2. Le processus humain, au sein du processus biosphérique, est travaillé par les trois propensions fondamentales de la physique complexe : la propension massique qui tend à augmenter à la fois son territoire et sa démographie, la propension eidétique qui tend à complexifier ses modes d'organisation et la propension dynamique qui tend à accélérer le rythme de ses activités.
3. Ces trois propensions évoluent de conserve par un jeu d'équilibres dynamiques qui assurent l'homéostasie globale du processus humain. Sous peine de s'étioler, cette homéostasie humaine doit, en plus, se développer en harmonie avec l'homéostasie supérieure du processus biosphérique global qui la porte, la nourrit et la fonde. La rupture écologique que nous vivons aujourd'hui est l'expression de la rupture de cette harmonie entre les deux niveaux biosphérique et humain.
4. De plus, le processus humain vit, sous nos yeux, une bifurcation , au sens de Prigogine , c'est-à-dire un saut, à la fois quantitatif et qualitatif, de ses trois propensions fondamentales. Ce saut induit une restructuration en profondeur de l'architecture homéostatique de l'ensemble, restructuration que traduit l'actuelle crise paradigmatique et dont nos crises économiques et sociétales successives sont le signe et l'expression.
5. Les trois sauts propensifs que nous vivons aujourd'hui, sont respectivement la mondialisation (densification massique des territoires humains étendus à toute la Terre), la réticulation (complexification eidétique de toutes les organisations par passage des structures hiérarchiques aux structures mosaïques en réseau) et la dématérialisation (accélération dynamique de tous les rythmes au travers des technologies télématiques). Il est clair que, par exemple, le phénomène Internet (et la révolution noétique qu'il permet) synthétise et symbolise parfaitement la convergence de ces trois sauts propensifs.
6. A ces trois défis évolutifs, s'ajoute le défi écologique du rétablissement de l'homéostasie globale de et avec Gaïa .
7. Quatre défis, donc, qui sont l'intériorité pour accompagner la mondialisation, la complexité pour accompagner la réticulation, l'immatérialité pour accompagner la dématérialisation et la frugalité pour accompagner le rétablissement de l'homéostasie écologique. Examinons ces quatre défis un peu plus en détails :
a. La mondialisation appelle l'intériorité : les espaces extérieurs étant saturés, seuls les espaces intérieurs s'offrent encore à l'expansion humaine. La conquête des territoires physiques à la surface de l'étendue étant achevée, le développement humain futur partira à la conquête des territoires noétiques dans les profondeurs de la durée.
b. La réticulation appelle la complexité : les structures hiérarchiques sur lesquelles se sont construites les civilisations du passé et du présent, sont bien trop pauvres en relations et interrelations pour affronter et supporter la complexification globale du système humain. Les structures réticulées, bien plus riches, sont donc appelées à les remplacer partout : les pyramides monolithiques doivent céder la place à des mosaïques interconnectées.
c. La dématérialisation appelle l'immatérialité : la société de consommation et l'économie industrielle doivent céder le pas à la société de la connaissance et à l'économie de l'immatériel qui l'accompagne : la richesse devient cognitive et informationnelle. La nouvelle logique économique s'échappe des carcans de la rareté et de la propriété.
d. L'écologisation appelle la frugalité : la pression démographique et la rage consommatoire induisent un pillage systématique de toutes les ressources naturelles que Gaïa n'est pas capable de soutenir. La seule réponse possible est la frugalité tant reproductive que matérielle.
Notre époque est celle de cette bifurcation majeure dont la révolution noétique est l'expression comme la révolution néolithique fut l'expression de la bifurcation majeure précédente, il y a 10.000 ans.
Toute bifurcation majeure d'un processus est un moment délicat car elle remet en cause les architectures fondamentales de l'homéostasie, et met donc le processus tout entier en grand danger.
De plus, il est clair que toute bifurcation est la suite logique des évolutions antérieures. Or, celles-ci étant irréversibles, il est impossible de croire que la bifurcation majeure actuelle puisse être évitée.
Il faut donc l'assumer avec lucidité, intelligence et inventivité.
Ainsi, quelques conclusions importantes s'imposent :
1. La bifurcation majeure actuelle (la "crise") est inéluctable : toute gesticulation politique, syndicale ou financière est inutile, vaine et illusoire.
2. La bifurcation majeure actuelle (la "crise") est irréversible : l'ancien "monde" est mourant et tout acharnement thérapeutique est absurde et contre-productif.
3. La bifurcation majeure actuelle (la "crise") est indispensable : la survie (partielle) de l'humanité passe nécessairement par un changement radical de ses modalités d'existence.
4. La bifurcation majeure actuelle (la "crise") est incertaine : rien n'est écrit, tout doit être inventé et le temps presse car plus l'enfantement de l'humanité nouvelle tarde et plus l'accouchement sera difficile, douloureux et dangereux.
Marc Halévy
1La biosphère est l'ensemble de tous les organismes et sociétés vivant sur toute la surface de la Terre.
2 La physique complexe est la branche des sciences physique qui s'intéresse aux systèmes complexes, à leur auto-organisation et à leurs évolutions.
3 Propension : tendance naturelle, intrinsèque, interne.
4 Eidétique : qui concerne la "forme", les structures et architectures, les modes d'organisation.
5 Homéostasie : état d'équilibre global et dynamique d'un système complexe. Par exemple, la régulation de la température de notre corps est un processus homéostatique.
6 En théorie des systèmes, une bifurcation est une discontinuité évolutive qui induit des changements radicaux de fonctionnement. Par exemple, le passage de l'eau liquide à la glace est une bifurcation.
7 Ilya Prigogine : mon maître, professeur à la fois à l'ULB et à Austin (Texas), prix Nobel 1977 et fondateur de la physique complexe.
8 Paradigme : ensemble des repères, valeurs et modèles, souvent implicites et inconscients, qui fonde une civilisation.
9 Noétique (du grec noôs : connaissance, esprit, intelligence) : qui concerne la connaissance et ses diverses dimensions.
10 Gaïa : nom grec de la déesse Terre qui symbolise la Nature, la biosphère.
11 Cognitif : qui concerne la connaissance.
12 L'âge néolithique marque le passage de l'humanité à l'économie de production (élevage et agriculture) après l'économie de prédation (chasse et cueillette).