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Formation. Rencontre avec Cyril Masselot. Maître de Conférences HDR. Université de Franche-Comté

Assistant Professor HDR in Information & Communication in Transition and Territorial Intelligence, Cimeos-MSHE Ledoux


Jacqueline Sala
Mardi 16 Juillet 2024


La Science accompagne les changements sociaux depuis la nuit des temps, les expérimentations territoriales la rendent possible, l’enseignement oblige à la reformuler et invite à son amélioration. Essentielle, elle sert la connaissance, la prise de décisions, et permet ainsi de sortir de l’émotion en servant la raison. J’en appelle à tous les citoyens : construisons ensemble nos transitions !



information, Communication et Intelligence territoriale.

Bonjour Cyril Masselot. Vous êtes Maître de Conférences HDR en Sciences de l’Information et de la Communication (SIC) et spécialiste de l’intelligence territoriale. Merci d'avoir répondu à nos questions afin de nous éclairer d’une part sur vos domaines d’expertise, d’autre part sur votre rôle d’enseignant. Nous allons nous intéresser tout particulièrement à l'Intelligence Territoriale.

Vous êtes le coordinateur du Réseau International d’Intelligence Territoriale (INTI). A titre personnel, quelles sont les circonstances ou rencontres qui vous ont amené à vous intéresser à l’Intelligence Territoriale ?

Durant mes études universitaires, j'ai pris conscience de l'importance de la connaissance dans les prises de décision. En tant qu'ingénieur d'études à l'Université de Franche-Comté, j'ai contribué à la modélisation de la méthodologie d'ingénierie territoriale Catalyse.
J'ai intégré les concepts des sciences de l'information et de la communication pour co-construire l'Intelligence Territoriale (IT), appliquée à un territoire. Avec plus de 65 observatoires « Catalyse » en Europe, nous avons créé le réseau INTI pour rassembler acteurs et chercheurs autour de cette notion. Depuis 2015, j'assure la coordination de ce réseau.

 

Par quelles méthodes détectez-vous et analysez les interactions entre les territoires et les acteurs sociaux ? Et d’ailleurs, quels critères définissent un Territoire ?

Ces critères sont multiples et font encore débat.
En IT, nous choisissons l’approche du Territoire comme un système complexe et dynamique décrite par A. Moine (1*) comprenant cinq sous-systèmes : l’espace géographique, les acteurs situés, les représentations, les lieux, et le temps.
Le fondement de la méthodologie est la participation active de tous les acteurs disponibles aux diverses étapes du processus d’IT : ces interactions transforment le territoire dans ses diverses dimensions.

On remarque dans vos différents travaux ou conférences, que vous portez une attention marquée pour la médiation et l’accompagnement des changements. Pourquoi ?

L’urgence de la situation mondiale tant au niveau climatique que social nous pousse à inventer les concepts, méthodes et outils qui nous permettront de survivre dignement, sans détruire les écosystèmes et sans nous entretuer.
Les nécessaires transitions qui en découlent demandent des changements de paradigmes, de choix de mode de vie, certes individuels mais avant tout collectifs, qui posent déjà problèmes et interrogations. Les médiations scientifiques comme relationnelles sont alors indispensables pour penser les divers accompagnements aux changements souhaitables.  Ce sont des moyens complémentaires et incontournables pour développer une intelligence territoriale réellement collective, coopérative, et acceptable.
 

Vous étudiez comment les connaissances en ligne sont utilisées dans différents contextes. Quels sont les principaux usages politiques, sociaux, économiques qui se déploient sur les Territoires ?

Dans une perspective IT, nous observons que ce sont surtout des données brutes, ou des informations construites à partir de données brutes, plutôt que des connaissances, que l’on peut trouver en ligne. On parle d’ailleurs de données ouvertes et accessibles, dont les usages sont souvent réservés à des techniciens car leur appropriation est délicate.
Des études ont démontré que pour être efficaces, elles demandent des échanges collectifs, des « transactions coopératives » (Zacklad, 2020 (2*) pour les analyser et interpréter afin de coconstruire les connaissances utiles à l’agir collectif.

Comment ces connaissances sont-elles construites et partagées ? Nous avons certainement des progrès a faire. Lesquels ? Pour atteindre quels objectifs ?

J’ai modélisé un processus info-communicationnel illustré par un schéma accessible ici :
https://cyrilmasselot.org/intelligence-territoriale-mise-a-jour/

Les diverses étapes organisent à la fois la construction et le partage des connaissances : observation, données, informations, communication, usages, connaissances/actions.
Ce processus a pour objectif de comprendre la situation locale, afin d’agir en conséquence, pour améliorer cet état initial, ce que nous résumons par « Observer, Comprendre, Agir, Changer », qui peut se lire aussi dans l’autre sens : pour changer, il faut agir, pour agir, il faut comprendre, ce qui demande d’observer.
 

Pouvez-vous identifier les principaux défis que vous avez rencontrés dans l'enseignement et la recherche en Master ?

L’enseignement en Master demande à la fois de conforter des acquis théoriques et de savoir comment les rendre opérationnels sur le terrain. Il s’agit alors d’adopter une démarche de transposition didactique.
Du côté recherche, c’est enfoncer une porte ouverte que de constater que c’est souvent la démarche en elle-même qui est difficile à comprendre, notamment dans ses dimensions méthodologiques et systémiques. Elle demande l’apprentissage d’une façon de structurer sa pensée, ainsi que d’outils, de rigueur, et d’une forme d’écriture spécifique.

Pouvez-vous partager une expérience ou un projet pédagogique particulièrement réussi que vous avez mené en Master ?

L'analyse de données est cruciale en science.
Pour interpréter de grands ensembles de données, des méthodes spécifiques sont nécessaires. Par exemple, pour traiter des corpus d'articles de presse ou d'entretiens, il faut apprendre à formater des données disparates, les évaluer, les analyser avec des outils spécialisés, et interpréter les résultats.
Les étudiants en Master relèvent le défi avec fierté, utilisant ces compétences dans leurs mémoires. Cette approche les familiarise avec des premières méthodologies de recherche accessibles, la méthodologie systémique, la fouille de données/textes, la rigueur scientifique, et les aspects éthiques et déontologiques de l'interprétation.
 

Peut-être une remarque personnelle ?

La Science accompagne les changements sociaux depuis la nuit des temps, les expérimentations territoriales la rende possible, l’enseignement oblige à la reformuler et invite à son amélioration. Essentielle, elle sert la connaissance, la prise de décisions, et permet ainsi de sortir de l’émotion en servant la raison. J’en appelle à tous les citoyens : construisons ensemble nos transitions !
 

Un conseil de lecture …

S’il n’en faut qu’une :
Hopkins, Rob, Michel Durand, et Serge Mongeau. 2010. Manuel de transition : de la dépendance au pétrole à la résilience locale / Rob Hopkins. Écosociété.
... Enfin traduit et adapté en français, ce livre accessible, clair et convaincant expose tous les outils, les détails pratiques et les étapes nécessaires pour préparer l’avenir en diminuant radicalement les besoins énergétiques à l’échelle de sa communauté.

Déjà, des milliers d’Initiatives locales ont démarré leur processus de Transition. Planter des arbres fruitiers, réapprendre à la population à cultiver un potager, développer la résilience, réorganiser la production énergétique, développer le transport actif, réapprendre les savoir-faire que nous avons oubliés, telles sont, entre autres, les nombreuses actions concrètes que les citoyen.ne.s peuvent réaliser au sein de leur village, leur ville, ou leur quartier.

Vous tenez entre vos mains un outil de changement incroyable… Alors, on commence quand ?

Merci Cyril Masselot de nous avoir fait découvrir les multiples dimensions de l'Intelligence Territoriale.


Manuel de Transition De la dépendance au pétrole à la résilience locale