Décision Intelligence

Intelligence Économique et Intelligence Émotionnelle : une alliance indispensable ? Par Anna Elviro

Les relations humaines au cœur de l’intelligence économique


Jacqueline Sala


Peut-on évoquer l'intelligence économique sans considérer l'intelligence émotionnelle ? Ces deux formes d’intelligence, sont-elles en opposition ou bien complémentaires ? Dans un environnement économique de plus en plus complexe, l’intelligence émotionnelle devient un complément indispensable à l’intelligence économique.



Intelligence Économique et Intelligence Émotionnelle : une alliance indispensable ? Par Anna Elviro

La synergie entre l’intelligence économique et émotionnelle peut constituer un pilier de différenciation

L’intelligence économique, comme définie par Alain Juillet, expert en la matière, est « l'ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement et de distribution de l'information utile aux acteurs économiques, en vue de leur exploitation. Ces actions sont menées légalement avec toutes les garanties de protection nécessaires, pour permettre à ces acteurs d'être compétitifs ».

L’intelligence émotionnelle, quant à elle, a été définie pour la première fois par les psychologues Peter Salovey et John Mayer. Elle désigne « l'habileté à percevoir et à exprimer les émotions, à les intégrer pour faciliter la pensée, à comprendre et raisonner avec elles, ainsi qu'à réguler les émotions chez soi et chez les autres ». Cette notion a été approfondie par Daniel Goleman dans son ouvrage de référence, L'intelligence émotionnelle.

Dans un contexte économique marqué par l'incertitude et la complexité croissantes, la synergie entre l’intelligence économique et émotionnelle peut constituer un pilier de différenciation. Elle permet de mieux détecter les signaux faibles, d’identifier les risques, de saisir des opportunités pertinentes et de prendre des décisions plus éclairées.

La veille stratégique commence par soi-même

L’intelligence économique est souvent associée à la cognition et aux capacités mentales, avec des concepts clés tels que la maîtrise, l’analyse, la gestion des risques. Cependant, il est important de se rappeler que les êtres humains, au cœur de ce système, fonctionnent selon trois centres d’intelligence : instinctif, émotionnel et mental.

Dans l’histoire de l’évolution, l’intelligence instinctive est apparue en premier, garantissant la survie des espèces. Ensuite, l’intelligence émotionnelle s’est développée, permettant de ressentir et d'interagir avec l’environnement. Enfin, bien plus tard, l’intelligence mentale a émergé, permettant de nommer, de comprendre et d’analyser. Ces processus neuroscientifiques ont été largement décrits par Antonio Damasio dans son ouvrage Sentir et savoir, où il précise que l'intelligence mentale « se fonde sur le raisonnement et la créativité, et dépend de la manipulation de schémas explicites d’informations, les images ».

L’intelligence émotionnelle, elle, commence par la conscience de soi, un aspect essentiel souligné par Daniel Goleman. Cette conscience implique d'être attentif aux signaux faibles envoyés par notre corps, qui transmet des informations précieuses au cerveau avant même que notre esprit rationnel ne puisse les traiter. Cette sorte de « veille stratégique personnelle » permet de reconnaître et comprendre nos émotions, d’être pleinement conscient de ce qui nous arrive, et de détecter les signaux subtils émis par notre propre corps.

En apprenant à s’écouter, on devient également plus apte à écouter les autres et à être plus attentif à notre environnement. C'est un terrain d’exploration riche qui renforce notre attention et notre réactivité.

Comment faire ? L’anthropologue et psychologue Gregory Bateson, co-fondateur de l’École de Palo Alto, nous encourage à adopter une posture d’incompréhension anthropologique face à notre environnement, comme si nous découvrions une nouvelle planète. Il suggère de simplement observer les faits, les émotions et les comportements sans hâte d'interprétation. Cette approche demande une grande ouverture d’esprit ainsi qu'une conscience accrue de soi.
Cela ne signifie pas pour autant que nous devrions prendre nos intuitions ou ressentis pour acquis. Bien qu'importants, ils peuvent nous induire en erreur. Il est donc essentiel de compléter ces informations par une approche analytique et rationnelle pour les corroborer et émettre des hypothèses.
 

Les relations humaines au cœur de l’intelligence économique

Intelligence Économique et Intelligence Émotionnelle : une alliance indispensable ? Par Anna Elviro
Les entreprises, tout comme les individus qui les composent, sont des organismes vivants. L’intelligence économique a pour objectif de garantir leur pérennité, et les relations humaines y jouent un rôle central. Dans le monde des affaires, les rencontres et les interactions constituent une source d’information capitale. Une entreprise qui néglige cet aspect relationnel risque de passer à côté des signaux importants.

 Les rencontres ne sont pas seulement des occasions de recueillir des informations sur le business et les tendances du marché, elles offrent également une opportunité précieuse de comprendre l’état émotionnel de nos interlocuteurs : leurs ressentis, leurs peurs, leurs joies. Pour que quelqu'un nous confie son vécu émotionnel, il est essentiel que nous soyons d’abord ouverts et conscients de nos propres émotions.

Après la conscience de soi, Goleman identifie la maîtrise de soi comme une composante clé de l’intelligence émotionnelle. Il s'agit de la capacité à gérer ses émotions de manière saine, à éviter de se laisser submerger.
Si un interlocuteur exprime quelque chose qui nous met en colère, réagir de manière explosive peut rompre l’échange. Cependant, dissimuler ou réprimer cette émotion peut entraîner des conséquences similaires, car elle transparaîtra malgré tout dans la relation.

Que faire ? Il est crucial d'abord de reconnaître et d'accepter l'émotion plutôt que de la repousser. Paradoxalement, l'accepter en atténue souvent l'intensité. En la nommant, par exemple, en disant « je me sens en colère », tout en maintenant un dialogue respectueux, on invite l’autre à exprimer également ses émotions, ce qui renforce la communication.
 

L'empathie : un outil stratégique


L'empathie, autre pilier de l’intelligence émotionnelle, est la capacité à comprendre et à percevoir les émotions des autres. Dans le monde des affaires, elle est un atout essentiel pour capter les ressentis, identifier les tendances et saisir l'état émotionnel de ses interlocuteurs.
L’empathie ne se limite pas à établir des relations harmonieuses et à mieux appréhender les dynamiques ; elle permet également de se mettre à la place de ses interlocuteurs, de ressentir et de comprendre leur point de vue au sein du système dans lequel ils évoluent.

L'intelligence émotionnelle dans la prise de décision


Dans la prise de décision, les émotions jouent un rôle bien plus important qu’on ne le pense. Andreu Solé, enseignant à HEC Paris et spécialiste en stratégie et management, a identifié trois moteurs essentiels qui influencent les décisions des dirigeants : les convictions personnelles, les expériences passées (souvent appelées la « boîte noire ») et la perception des possibles et des impossibles. Ce n’est qu’après avoir traversé ces filtres que la raison, appuyée sur des données analytiques, intervient.

Un exemple révélateur est celui d’un dirigeant de PME qui souhaitait lancer un nouveau projet de développement. Malgré une étude de marché défavorable réalisée par son service marketing, il a choisi, avec le soutien de son entourage personnel, de poursuivre l’initiative. Cela montre que les décisions alignées avec les émotions sont souvent plus engageantes et motivantes. La motivation constitue un autre pilier de l’Intelligence Emotionnelle.

Cependant, il est important de noter que suivre uniquement nos convictions et nos envies ne doit pas être confondu avec une prise de décision définitive. Un processus basé exclusivement sur l’intuition peut nous conduire à des erreurs, en raison des biais cognitifs qu’il engendre, comme l’a démontré Daniel Kahneman, psychologue et lauréat du prix Nobel d’économie, spécialiste des processus de décision et des biais cognitifs. Ses travaux montrent comment ces biais peuvent altérer nos choix et nous pousser à prendre de mauvaises décisions.

Par exemple, nos convictions peuvent nous amener à ne remarquer que les éléments qui confirment nos hypothèses initiales, en écartant ceux qui les contredisent. Pour éviter ce biais de confirmation, il est essentiel de cultiver l’ouverture d’esprit et d’examiner toutes les options, même celles qui vont à l'encontre de nos préférences. Il est également essentiel de prendre en compte les analyses rationnelles, notamment face au biais d'aversion à la perte, qui nous incite parfois à persister dans un projet non rentable simplement parce que nous y avons déjà investi beaucoup.
 

L’intelligence économique a besoin de l’intelligence émotionnelle

L'intelligence économique, traditionnellement fondée sur la collecte et l'analyse de données, ne peut atteindre son plein potentiel sans une solide dose d'intelligence émotionnelle. La combinaison de ces deux formes d'intelligence permet des décisions plus éclairées, une meilleure compréhension des dynamiques du marché et des relations professionnelles plus fructueuses.

Dans un environnement économique de plus en plus complexe, l’intelligence émotionnelle devient un complément indispensable à l’intelligence économique.
 

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Auteurs : Gérard Coulon (Auteur)
L'intelligence économique, c'est recueillir et utiliser rationnellement l'information pour mieux comprendre et donc mieux décider. L'intelligence émotionnelle permet, elle, de questionner, de raisonner sur l'information et de prendre une décision.Ce livre qui permet de mieux marier l'intelligence économique et l'intelligence émotionnelle met en avant une nouvelle méthode de décision particulièrement adaptée à l'entreprise.
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Anna Elviro, coach d’organisation spécialisée dans les paradoxes et les contradictions, invite les professionnels à s’ouvrir à de nouvelles options et à découvrir des pistes d’action concrètes. De plus, deux jeux inédits sont disponibles dans l’ouvrage, en téléchargement pour permettre aux lecteurs de s’exercer et de mettre en pratique les concepts présentés.
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juillet 2016 - aujourd’hui · 7 ans 10 mois