Comment est né ce projet ?
L’idée d’un Manuel de l’intelligence économique en Afrique est née de mon implication dans le diffusion et la promotion du droit OHADA (Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires) – et je tiens à remercier à ce titre le Secrétaire Permanent de l’OHADA, Sibidi Emmanuel DARANKOUM qui nous a fait l’honneur de préfacer le Manuel. En effet, il faut rappeler que 17 États africains partagent le même corpus juridique sur des pans entiers du droit des affaires (le Code OHADA). Qui dit droit des affaires, dit activité économique. Un droit moderne, clair et opérationnel contribue à la sécurisation du climat des affaires, à une attractivité des territoires, à stimuler l’investissement. Mais nous devons toutefois aller plus loin, le droit seul n’est qu’un composante (essentielle) du développement des économies. L’intelligence économique, n’était-elle pas un maillon à ajouter ? La maîtrise des enjeux stratégiques du continent africain et des tactiques à mettre en place pour y répondre est une question qui ne devrait plus se poser. Or force est de constater que le concept d’intelligence économique est très peu diffusé en Afrique. Quelques tentatives existent cependant (Maroc, Algérie, Sénégal,…) mais cela reste parcellaire et peu opérationnel.
Convaincu que l’Afrique, qui me tient particulièrement à cœur, est un continent d’avenir ; que dans un contexte de guerre économique mondiale, ce continent ne doit pas être un champs de bataille mais un acteur à part entière de ce conflit économique ; que les populations africaines sont en mesure relever les défis qui se posent à eux : diffuser le concept d’intelligence économique et permettre aux africains de se l’approprier doit être une priorité. C’est ce qui est ressorti des réflexions que nous avons menées avec Loukman KONATE, CEO d’Afribos, une société de conseil en intelligence économique en Côte d’Ivoire. Notre modeste façon d’y contribuer était alors de rassembler les expertises et de produire de la connaissance : l’idée du Manuel de l’intelligence économique en Afrique était née !
A qui s'adresse ce livre ?
Le Manuel s’adresse à tous. Aux Africains bien entendu mais pas uniquement : celles et ceux qui croient en l’intelligence économique et qui se passionne pour ce beau continent, d’où qu’ils soient, prendront plaisir et intérêt à lire ce Manuel. Tant les enseignants que les juristes, les décideurs que les étudiants, les chefs d’entreprise que les militaires, les consultants que les agents de l’État ou des organisations régionales trouveront matière à nourrir leurs réflexions. Je dirais même qu’il est un devoir pour tous de intéresser à son environnement stratégique et d’y contribuer.
Les 30 contributeurs de 13 nationalités, tant africaines qu’européennes, du monde académique comme du monde professionnel ont relevé le défi d’identifier les enjeux majeurs du continent africain et de proposer des pistes de réflexion pour répondre à ces enjeux. Également, les meilleurs spécialistes de la discipline (Christian HARBULOT, Nicolas MOINET,...) présentent les aspects théorique de l’intelligence économique qui constitue la grille de lecture enjeux stratégiques. Grille de lecture, enjeux stratégiques et propositions de réponse : cela ne peut s’adresser qu’au plus grand nombre.
Pouvez-vous nous rappeler les trois principaux enjeux / dimensions géopolitiques ?
Je ne me limiterai pas à trois enjeux principaux car nous en avons identifié six.
Les enjeux financiers ne pouvaient être écartés de nos analyse, c’est pourquoi Loukman KONATE à produit un très bel article sur le franc CFA ou peut-être devrions-nous dire l’Eco… ? La question des dettes souveraines a quant à lui été traité avec l’œil aiguisé de Taieb TALBI, spécialiste reconnu du sujet.
Enfin les enjeux sécuritaires et maritimes avec Nassim AZZOUT, spécialiste du transport maritime et des enjeux de sécurité qui y sont liés, décrit avec précision les enjeux géopolitiques des différentes zones maritimes et de la gestion portuaire. Également Peer DE JONG alerte sur la montée en puissance des sociétés militaires privées dans les zones africaines en conflit.
Comme vous le voyez, tous les aspects sont pris en compte dans le Manuel, sans toutefois prétendre à l’exhaustivité bien entendu. L’idée générale étant de donner les clés d’une réflexion stratégique future.
Premièrement les enjeux liés au secteur de l’énergie. Viviane du CASTEL propose une contribution particulièrement intéressante à ce sujet. Il ne s’agit ni des enjeux pétroliers ou gaziers, ni même hydroélectrique mais plutôt de transition énergétique et des technologies de type smart grids. Pointe déjà ici quelques éléments prospectifs. L’accès à l’électricité pose aujourd’hui des difficultés dans certaines zones géographiques du continent : une gestion optimale de la production, de la distribution et de la consommation pourrait résoudre ce problème.
Cela amène inéluctablement aux enjeux du numérique et de la cybersécurité. Didier SPELLA, Ali MOUTAÏB, Brozeck KANDOLO et Mona SHEHATA brosse un panorama complet de la question : bonnes pratiques, datasphère, données personnelles et guerre informationnelle. La données est le coeur de l’activité du 21ème siècle, l’Afrique est loin d’être un continent non concerné par la problématique, bien au contraire. Notons que nous trouvons dans certains Etats africains des Ministères de la cybersécurité…
Ensuite il nous a semblé intéressant de d’aborder les enjeux juridiques. Le droit des affaires bien entendu et je l’ai déjà évoqué (et j’y ai mis ma touche avec Mamadou DIAN DIALLO et les contributions de René ILONGO MULALA et d’Arsène EMVAHOU) mais aussi et surtout les questions de conformité. La compliance est devenue un sujet majeur pour les entreprises. L’émergence (ou la résurgence) de législations extraterritoriales est une réalité pour les acteurs économique où qu’ils soient dans le monde. Marie LERYCKE en fait un panorama judicieux pour le lecteur. S’il est un sujet difficile à aborder en Afrique c’est celui de la lutte contre la corruption. Deux assistants-chercheurs, Dezzy MUKEBAYI MUAMBA et Symphorien MPOYI TUKOME de l’Université Officielle de Mbuji Mayi en République Démocratique du Congo se sont toutefois prêtés à l’exercice et nous pouvons les en féliciter. La propriété intellectuelle a également été abordée par Victor KALUNGA TSHIKALA.
Plusieurs enjeux sociétaux nous ont également paru stratégique. Le rôle des femmes sur le continent africain qui a été abordé par trois spécialistes qui en ont fait leur engagement, Aïcha Awa BA et Cathy LATIWA AMATO ainsi que la Générale (2S) Chantal ROCHE qui transmet son expertise et son vécu auprès des femmes militaires africaines. Un autre sujet de société particulièrement d’actualité est le sentiment de victimisation tel qu’il peut être utilisé pour défendre l’intérêt national voir pour entrer dans la construction d’une identité nationale. C’est un sujet d’une extrême sensibilité mais qui se devait d’être abordé, avec objectivité et avec le recul nécessaire. Nous nous y sommes attelés avec Mohamed NEMIRI.
Les enjeux financiers ne pouvaient être écartés de nos analyse, c’est pourquoi Loukman KONATE à produit un très bel article sur le franc CFA ou peut-être devrions-nous dire l’Eco… ? La question des dettes souveraines a quant à lui été traité avec l’œil aiguisé de Taieb TALBI, spécialiste reconnu du sujet.
Enfin les enjeux sécuritaires et maritimes avec Nassim AZZOUT, spécialiste du transport maritime et des enjeux de sécurité qui y sont liés, décrit avec précision les enjeux géopolitiques des différentes zones maritimes et de la gestion portuaire. Également Peer DE JONG alerte sur la montée en puissance des sociétés militaires privées dans les zones africaines en conflit.
Comme vous le voyez, tous les aspects sont pris en compte dans le Manuel, sans toutefois prétendre à l’exhaustivité bien entendu. L’idée générale étant de donner les clés d’une réflexion stratégique future.
En quoi nous, vu d'ici pouvons nous nous en inspirer ?
Je pense très sincèrement que les européens, et les français en particuliers, ont beaucoup à apprendre de leurs homologues africains. La vision de l’Afrique d’un citoyen européen ordinaire reste celle d’un temps qui est révolu.
Je vais vous raconter une anecdote : de retour d’un voyage en Afrique, un de mes collègue m’a posé la question suivante, « Est-ce que tu as vu des animaux ? ».
Je suis resté coi. La vision d’un Afrique romantique, avec de grands espaces de savane, la migration des gnous et la chasse en meute des lions est la vision de référence chez les occidentaux. Or l’Afrique ce sont des villes modernes, des aéroports, des usines, des universités, des infrastructures, des barrages, des lignes à haute tension,… Je trouve cela triste d’être déconnecté des réalités de notre monde. Puisse notre Manuel ouvrir les yeux à nombre d’européens…
Je tiens aussi à remercier Trycia VAN DEN BERG, Ziad HAJAR et Jacob KOTCHO BONGKWAHA pour leurs analyses prospectives qui conforte mon idée que l’Afrique sera le continent de demain, que l’Afrique sera un acteur à part entière de la la guerre économique et non plus une victime de celle-ci !
Je vais vous raconter une anecdote : de retour d’un voyage en Afrique, un de mes collègue m’a posé la question suivante, « Est-ce que tu as vu des animaux ? ».
Je suis resté coi. La vision d’un Afrique romantique, avec de grands espaces de savane, la migration des gnous et la chasse en meute des lions est la vision de référence chez les occidentaux. Or l’Afrique ce sont des villes modernes, des aéroports, des usines, des universités, des infrastructures, des barrages, des lignes à haute tension,… Je trouve cela triste d’être déconnecté des réalités de notre monde. Puisse notre Manuel ouvrir les yeux à nombre d’européens…
De plus, et j’insiste particulièrement la-dessus, en Europe se développe un projet de Code européen des affaires qui s’inspire grandement de la réussite du droit OHADA. Les relations entre l’Afrique et l’Union européenne se renforceront au travers de projets gagnant-gagnant comme le souligne Nicolas RAVHAILLE. Notre histoire commune, dans ses aspects positifs comme négatifs, constitue un véritable lien que nous nous devons d’assainir et de renforcer. Cela démontre que nous avons beaucoup à apprendre de l’Afrique et surtout que l’enrichissement intellectuel des uns et des autres ne peut se faire qu’avec les uns et les autres.
Je tiens aussi à remercier Trycia VAN DEN BERG, Ziad HAJAR et Jacob KOTCHO BONGKWAHA pour leurs analyses prospectives qui conforte mon idée que l’Afrique sera le continent de demain, que l’Afrique sera un acteur à part entière de la la guerre économique et non plus une victime de celle-ci !