Depuis plus d’un demi-siècle, les entreprises françaises ont multiplié comme jamais auparavant leurs chaînes logistiques bien au-delà des frontières nationales, tissant ainsi un ensemble complexe de relations et de dépendances à travers le globe.
L'accès privilégié à l'énergie et la paix relative en Europe de l’Ouest ont permis aux dirigeants de concevoir leurs activités économiques sans crainte, dans le cadre d’une « mondialisation heureuse » .
Cette vision optimiste a souvent relégué au second plan les enjeux de l’analyse géopolitique, comprise comme l’étude des rivalités entre acteurs politiques et économiques. De fait, cette discipline est largement absente des formations des dirigeants actuels.
Or, ces dernières années, une succession d’événements - conflits armés, cyberattaques, instabilités politiques et climatiques - a lourdement impacté les activités de nos entreprises et réaffirment la nécessité de comprendre le monde dans toute sa complexité.
C’est pourquoi nous proposons quelques repères essentiels aux dirigeants et dirigeantes d’entreprise, qu’ils soient ou non formés à la géopolitique.
Dans le contexte des affaires, le terme « géopolitique » implique de prendre en compte la « spatialité » de ses activités.
Autrement dit, la géopolitique renvoie à l’identification des territoires dont dépendent l’exercice et le développement des activités d’une entreprise, ainsi que les événements susceptibles de faciliter ou de restreindre l’accès à ces territoires. Ne relevant pas uniquement des prérogatives des Etats par des moyens diplomatiques ou militaires, la géopolitique doit aussi être une préoccupation majeure des dirigeants d’entreprises, quelle que soit leur taille, leur secteur, leur zone d’activité ou leur degré d’internationalisation.
Comprendre la matérialité de ses activités
Pour le dirigeant d’entreprise, un point de départ peut être d’établir la liste des « dépendances » stratégiques, c’est-à-dire de tous les éléments indispensables à la continuité de ses activités vitales. Par exemple : des personnels, des compétences plus ou moins rares, un lieu de travail, des appareils électroniques, des clients, des fournisseurs, des matières premières, etc.
Une fois cette première liste dressée, se poser la question : « De quoi dépendent ces dépendances ? » Cette question, apparemment anodine, permet en réalité de révéler un ensemble complexe de liens d’interdépendances.
Prenons l’exemple du smartphone. A l’instar de la majorité de ses concitoyens, l’entrepreneur est a priori dépendant de son téléphone. Mais sa dépendance ne se limite pas à l'appareil lui-même. Elle s'étend à l'extraction de matières premières et aux relations diplomatiques internationales pour accéder à celles-ci. Or, la disponibilité des métaux nécessaire au fonctionnement des appareils électroniques et la stabilité politique dans des zones stratégiques comme le canal de Suez et le détroit de Bab-el-Mandeb, ou celui de Taiwan, ne sont pas garanties. Ainsi, une situation pouvant sembler garantie, apparait beaucoup plus fragile.
La question n’est pas de concevoir un monde des affaires sans smartphone, voiture électrique ou intelligence artificielle (quoique…), mais surtout de penser des solutions préventives et/ou alternatives face aux potentielles crises à venir.
Une fois cette première liste dressée, se poser la question : « De quoi dépendent ces dépendances ? » Cette question, apparemment anodine, permet en réalité de révéler un ensemble complexe de liens d’interdépendances.
Prenons l’exemple du smartphone. A l’instar de la majorité de ses concitoyens, l’entrepreneur est a priori dépendant de son téléphone. Mais sa dépendance ne se limite pas à l'appareil lui-même. Elle s'étend à l'extraction de matières premières et aux relations diplomatiques internationales pour accéder à celles-ci. Or, la disponibilité des métaux nécessaire au fonctionnement des appareils électroniques et la stabilité politique dans des zones stratégiques comme le canal de Suez et le détroit de Bab-el-Mandeb, ou celui de Taiwan, ne sont pas garanties. Ainsi, une situation pouvant sembler garantie, apparait beaucoup plus fragile.
La question n’est pas de concevoir un monde des affaires sans smartphone, voiture électrique ou intelligence artificielle (quoique…), mais surtout de penser des solutions préventives et/ou alternatives face aux potentielles crises à venir.
Prendre de la hauteur
A toutes les échelles la logique reste la même. Le premier pas vers la prise en compte de la complexité du monde relève d’un exercice d’analyse et d’imagination pour cultiver ce qu’on peut appeler une « vue d’en haut ». Une posture qui se concrétise par la réalisation de cartes (géographiques et mentales) et de graphes visant à représenter les interdépendances entre les éléments identifiés.
C’est pourquoi il est essentiel de se doter d’outils et de méthodes tels que SWOT ou PESTEL, la « double matérialité » et les cartographies de risques ou d’acteurs. Utilisés de façon collective et critique, ces outils et méthodes permettent de transformer son regard sur des situations : « celui » qui était perçu comme un concurrent peut se révéler être un potentiel partenaire ; une menace comme une opportunité.
Précisons que tenter d’approcher la complexité et la perpétuelle évolution du monde ne peut être une activité solitaire. Apprendre et améliorer ses pratiques (notamment en termes de management stratégique) repose aussi sur notre capacité à créer des liens et à coopérer.
C’est pourquoi il est essentiel de se doter d’outils et de méthodes tels que SWOT ou PESTEL, la « double matérialité » et les cartographies de risques ou d’acteurs. Utilisés de façon collective et critique, ces outils et méthodes permettent de transformer son regard sur des situations : « celui » qui était perçu comme un concurrent peut se révéler être un potentiel partenaire ; une menace comme une opportunité.
Précisons que tenter d’approcher la complexité et la perpétuelle évolution du monde ne peut être une activité solitaire. Apprendre et améliorer ses pratiques (notamment en termes de management stratégique) repose aussi sur notre capacité à créer des liens et à coopérer.
Miser sur la coopération !
L’entrepreneur soucieux de faire évoluer sa vision et ses méthodes devra créer ou rejoindre un collectif dédié à ces exercices.
Si les groupes de la sorte sont tous différents par leurs histoires, leurs compositions et leurs localisations, ils ont néanmoins quelques caractéristiques communes. Notons ici l’importance du partage d’objectifs et l’adhésion à des valeurs bien identifiées mais aussi de l’hétérogénéité des membres impliqués, en termes de taille d’entreprise et de secteur d’activité.
L’implication et la coopération dans différents collectifs permettent à une entreprise de multiplier et diversifier ses « capteurs » de signaux plus ou moins faibles, lui permettant de gagner en stabilité et en robustesse. Des capteurs, dont l’identification, la protection et le développement relèvent d’une démarche d’intelligence économique.
Si les groupes de la sorte sont tous différents par leurs histoires, leurs compositions et leurs localisations, ils ont néanmoins quelques caractéristiques communes. Notons ici l’importance du partage d’objectifs et l’adhésion à des valeurs bien identifiées mais aussi de l’hétérogénéité des membres impliqués, en termes de taille d’entreprise et de secteur d’activité.
L’implication et la coopération dans différents collectifs permettent à une entreprise de multiplier et diversifier ses « capteurs » de signaux plus ou moins faibles, lui permettant de gagner en stabilité et en robustesse. Des capteurs, dont l’identification, la protection et le développement relèvent d’une démarche d’intelligence économique.
L'analyse géopolitique doit permettre de (re)considérer la relation entre l’entreprise et son écosystème
Relevant à la fois une prise de hauteur et une implication dans différentes formes de collectifs comme mode d’action, l’analyse géopolitique doit permettre de (re)considérer la relation entre l’entreprise et son écosystème en créant les conditions de leur coopération et de l’atténuation des effets des crises qui ne pourront être évitées. A cette fin, l’intelligence économique offre les moyens de penser et de d’actionner cette mise en collectif stratégique.
L'auteur : Julien Poisson
Gardez le contact avec Julien Poisson
Julien Poisson est doctorant en sciences de gestion à l’Université de Caen et à l’EM Normandie Business School. Ses travaux, encadrés par Fanny SIMON-LEE et Ludovic JEANNE, visent à analyser la diffusion des pratiques d’intelligence économique auprès des dirigeants d’entreprises.
Ces recherches doctorales sont réalisées en partenariat avec la Région Normandie, dont les travaux de recherche bénéficieront à la démarche régionale en faveur de l’Intelligence économique.
Ces recherches doctorales sont réalisées en partenariat avec la Région Normandie, dont les travaux de recherche bénéficieront à la démarche régionale en faveur de l’Intelligence économique.