Intelligence des risques

L'affaire Telegram. Tribune libre de Bertrand Leblanc-Barbedienne.

Perspective de la mort de l'idée même de stricte confidentialité.


Jacqueline Sala


Telegram, comme toutes les plateformes chiffrées, représente évidemment une menace potentielle en ce qu'elles déploient des moyens considérables exploitables par des entreprises criminelles transfrontalières. C'est l'effet de levier qui est ici en cause. Voilà, Internet a aussi rendu le crime "scalable". Mais il est une menace tout aussi redoutable qui pèse sur nos démocraties, et qui tient à la perspective d'une mort pure et simple de l'idée même de stricte confidentialité.



 Bertrand Leblanc-Barbedienne est Fondateur de Souveraine Tech   & Conseiller du président @Whaller
Le 20 septembre 2024 aura lieu le 2ème COLLOQUE NATIONAL DE SOUVERAINE TECH. "Marchés et Souveraineté"
à SAINT-MALO avec la participation d'Arnaud Montebourg.

Ne vendons pas trop tôt la peau de l'ours, qu'il vienne de Russie ou d'ailleurs.

J'observe avec embarras que beaucoup de commentateurs semblent d'ores et déjà au fait des tenants et parfois même des aboutissants de cette affaire qui appelle pourtant la dernière prudence. Ne vendons pas trop tôt la peau de l'ours, qu'il vienne de Russie ou d'ailleurs.
Les charges pénales qui pèsent sur Paul Durov (ou du Rove comme le rappelle Yasmine Douadi dans sa tribune) tiennent à deux motifs. Le patron de Telegram ne coopérerait pas suffisamment avec les autorités judiciaires françaises. Il n'aurait pas déclaré en France les clefs de chiffrement utilisées par sa plateforme. Nul ne parle dès lors de la licéité des propos échangés sur Telegram. Et c'est bien la raison pour laquelle la Commission européenne a déclaré qu'il n'y avait pas lieu en l'espèce d'invoquer le DSA. C'est donc de police tout court qu'il est ici question.

Vous avez dit "Liberté d'expression" ? Pas sûr...

Bien évidemment, nous sommes là au coeur de ce qu'Asma Mhalla appelle la "technopolitique".
Des Etats souverains soucieux de demeurer maîtres de leur avenir voient fleurir sur leur sol l'usage de plateformes accessibles partout dans le monde ou presque et sujettes à des législations différentes de celles qu'ils font appliquer au plan domestique. On pourrait donc croire qu'il s'agit d'abord d'une question de souveraineté numérique ou technologique.
Mais à y regarder de plus près, les choses exhalent un autre parfum. L'opinion publique s'est emparée de cette actualité, peu après celle qui concerne Elon Musk et X en parlant de liberté d'expression. Mon opinion, qui court le beau risque de l'impopularité, est que le vrai sujet, c'est l'exaspération des peuples devant l'étouffante NORMALISATION orwellienne du discours sur à peu près tous les sujets.
Nous avons atteint un tel stade d'hypocrisie pharisaïque dans les doxas surtout imposées en Europe de l'Ouest et en Amérique du Nord, que les gens comme vous et moi cherchent désespérément des lieux où la parole demeure toute à fait libre. Et depuis peu, immune à la criminalisation dont elle fait étonnamment l'objet, comme au Royaume-Uni.

Là où c'est un sujet de souveraineté, c'est que les Etats dits traditionnels sont de plus en plus perçus avec méfiance comme des censeurs de toute forme d'opinion de nature à remettre en cause leur "narratif", c'est-à-dire leur légitimité politique. Et que les plateformes, quel que soit par ailleurs leur propre agenda, offrent dans le même temps une possibilité technique à la liberté de conviction qui semble de moins en moins garantie dans l'espace dit public.

Ce que nous craignons donc, c'est qu'au nom de vertueux motifs d'ordre public, de sécurité ou de lutte contre la criminalité, l'étau de l'Etat se resserre petit à petit sur l'hygiène démocratique.

Le vrai risque : l'entre soi numérique.

La souveraineté technologique, en rigueur de termes, ça n'est rien d'autre que la liberté dont jouit le peuple et par suite, ses représentants, de déterminer le meilleur usage des moyens, outils et techniques au service de son meilleur devenir. Il est donc illusoire de vouloir réglementer localement Internet, X ou Facebook ou comment sont gouvernés les eaux territoriales ou l'espace aérien. Et il n'est évidemment pas souhaitable non plus que chaque pays ou groupe de pays se coupe des autres pour profiter d'un entre-soi numérique.

Le "lawfare" américain : un joyau de l'intelligence économique des USA.

Mais n'oublions pas que la quasi totalité des outils logiciels étasuniens utilisés par le grand public et les entreprises du CAC40 sont sous juridiction américaine en vertu de l'arsenal juridique des Etats-Unis, que désigne le "lawfare", ce joyau de leur "intelligence économique".
Nous en sommes-nous émus plus que ça jusqu'à aujourd'hui ? Et que penser du fait que les dernières publications postées sur Telegram par le ministre de l'Economie (certes démissionnaire - sic - mais enfin...) et le Premier ministre (idem) datent respectivement du 30 août et du 1er septembre ? Le président de la République utilise quant à lui Telegram depuis le début de sa première campagne a t-on pu lire récemment. Voudrait-on les en priver ?

Perspective d'une mort pure et simple de l'idée même de stricte confidentialité : la fin du secret.

Un mot pour finir. On lit parfois qu'Internet a offert au monde une sorte de double, de miroir numérique de toutes nos activités. Sur Internet aujourd'hui, où pouvons-nous donc expérimenter réellement ce que nous appelons dans notre quotidien "la vie privée" ?
Telegram, comme toutes les plateformes chiffrées, représente évidemment une menace potentielle en ce qu'elles déploient des moyens considérables exploitables par des entreprises criminelles transfrontalières. Mais ces dernières ont-elles vraiment attendu Internet pour perpétrer leurs crimes ?
C'est donc essentiellement l'effet de levier qui est ici en cause. Voilà, Internet a aussi rendu le crime "scalable" . Mais il est une menace tout aussi redoutable qui pèse sur nos démocraties, et qui tient à la perspective d'une mort pure et simple de l'idée même de stricte confidentialité. 

La fin du secret, le règne de la "publicité" universelle, de la nudité, signeraient la fin de la relation, la fin de la personne. Et sans grandiloquence aucune, celle-même de l'Humanité. C'est peut-être le moment de relire 1984.

Merci Bertrand Leblanc-Barbedienne pour cette liberté de pensée !

 Bertrand Leblanc-Barbedienne est Fondateur de Souveraine Tech   & Conseiller du président @Whaller
Bertrand Leblanc-Barbedienne a créé Souveraine Tech afin de soutenir la souveraineté technologique de la France et s'opposer à la croyance selon laquelle l'innovation provient d'ailleurs comme par exemple des États-Unis ou de la Chine.
L'association indépendante organise des conférences et informe le public sur les défis technologiques.


Le 20 septembre 2024 aura lieu le 2ème COLLOQUE NATIONAL DE SOUVERAINE TECH. "Marchés et Souveraineté" à SAINT-MALO avec la participation d'Arnaud Montebourg.
Bertrand Leblanc-Barbedienne insiste sur l'importance de protéger les données françaises et encourage le rapatriement des données de santé vers des serveurs en France, mettant en avant le potentiel technologique et d'innovation du pays.

20 SEPTEMBRE 2024. 2ème COLLOQUE NATIONAL DE SOUVERAINE TECH. "Marchés et Souverainté". SAINT-MALO

Durant cette journée, des discussions en groupe et des débats dynamiques de 30 minutes seront organisés avec une vingtaine d'intervenants,  à l'exception d'Arnaud Montebourg, notre invité spécial, dont l'intervention durera une heure.

Ce colloque sera caractérisé par une vision globale, une sincérité et une convivialité.
Nous continuerons à défendre les intérêts de notre nation.
Le programme inclura des pauses et sera ponctué d'un déjeuner "Iode & Sarrasin".
Pendant les interruptions, les boissons et la dernière coupe de la journée, trois heures seront consacrées aux moments de discussion, de rencontre et de convivialité.
Environ 200 personnes sont attendues dans l'amphithéâtre Maupertuis aujourd'hui.

PALAIS DU GRAND LARGE DE SAINT-MALO