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Ludovic Jeanne est Professeur Assistant en Géopolitique, EM Normandie Business School, et Conseiller « Prospective et Société » de l’IRAFPA.
EM Normandie Business School a été fondée en 1871, et compte parmi les plus anciennes écoles de commerce françaises et fait partie des 1% des Business Schools triplement accréditées dans le monde : EQUIS, AACSB et AMBA. Au niveau national, elle s'impose dans le cercle très fermé des 38 écoles de management membres de la Conférence des Grandes Écoles (CGE).
EM Normandie Business School a été fondée en 1871, et compte parmi les plus anciennes écoles de commerce françaises et fait partie des 1% des Business Schools triplement accréditées dans le monde : EQUIS, AACSB et AMBA. Au niveau national, elle s'impose dans le cercle très fermé des 38 écoles de management membres de la Conférence des Grandes Écoles (CGE).
Dans le champ de l’intelligence économique, l’intégrité académique n’est pas identifiée comme un enjeu majeur
C’est même, pourrait-on dire, un angle mort. Pourtant, en examinant comment les fraudes et les méconduites académiques (et plus généralement « intellectuelles ») peuvent affecter ce que nous appelons le continuum « Enseignement Supérieur - Recherche – Innovation » (ESRI), il est aisé de montrer que c’est bien un enjeu majeur d’intelligence économique.
Il faut tout d’abord clarifier la notion de l'intégrité académique
La principale référence sur laquelle nous nous appuyons est l’Institut de Recherche et d’Action sur la Fraude et le Plagiat Académiques (IRAFPA, Genève).
L’IRAFPA a ainsi repéré précisément les actes relevant d’une fraude ou d’une méconduite académique.
Il est alors possible de définir l’intégrité académique comme l’ensemble des principes éthiques et des pratiques visant à ne jamais rompre la confiance quant au fait que :
Chacun comprend que l’intégrité académique est un enjeu vital pour toute science : nous accordons un crédit particulier aux productions scientifiques parce chacun pense qu’elles sont élaborées dans le respect de ces principes. Mais cette question concerne en fait un éventail bien plus large d’acteurs, incluant les décideurs économiques, privés comme publics.
Le continuum ESRI dont il est question ici est constitué de tous les réseaux imbriqués et interdépendants mettant en relation les organisations de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, publiques comme privées.
En examinant les conséquences pour ce continuum ESRI des risques afférents à la fraude académique, nous pouvons mettre en évidence quatre objets stratégiques directement impactés, ceci pour de multiples acteurs et activités : la légitimité sociale, la confiance publique, le potentiel d’innovation et la fiabilité de la décision.
Les enjeux les plus saillants sont le potentiel d’innovation (la connaissance fausse et sa prolifération risquent de stériliser l’effort d’innovation en rendant infructueuses les idées et les expérimentations qui en dérivent) et la fiabilité des décisions (comment prendre une décision dans l’incertitude de la valeur de l’information et de la connaissance sur lesquelles elle est fondée ? Et comment ne pas craindre que ladite décision ne soit rendue inefficiente ?).
L’IRAFPA a ainsi repéré précisément les actes relevant d’une fraude ou d’une méconduite académique.
Il est alors possible de définir l’intégrité académique comme l’ensemble des principes éthiques et des pratiques visant à ne jamais rompre la confiance quant au fait que :
1. l’auteur du travail (texte, document ou données) publié ou diffusé est bien celui indiqué ;
2. l’information ou la connaissance diffusées ne sont ni falsifiées ni fabriquées.
2. l’information ou la connaissance diffusées ne sont ni falsifiées ni fabriquées.
Chacun comprend que l’intégrité académique est un enjeu vital pour toute science : nous accordons un crédit particulier aux productions scientifiques parce chacun pense qu’elles sont élaborées dans le respect de ces principes. Mais cette question concerne en fait un éventail bien plus large d’acteurs, incluant les décideurs économiques, privés comme publics.
Le continuum ESRI dont il est question ici est constitué de tous les réseaux imbriqués et interdépendants mettant en relation les organisations de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, publiques comme privées.
En examinant les conséquences pour ce continuum ESRI des risques afférents à la fraude académique, nous pouvons mettre en évidence quatre objets stratégiques directement impactés, ceci pour de multiples acteurs et activités : la légitimité sociale, la confiance publique, le potentiel d’innovation et la fiabilité de la décision.
Les enjeux les plus saillants sont le potentiel d’innovation (la connaissance fausse et sa prolifération risquent de stériliser l’effort d’innovation en rendant infructueuses les idées et les expérimentations qui en dérivent) et la fiabilité des décisions (comment prendre une décision dans l’incertitude de la valeur de l’information et de la connaissance sur lesquelles elle est fondée ? Et comment ne pas craindre que ladite décision ne soit rendue inefficiente ?).
L'intelligence économique ne peut être indifférente à la question de l'ntégrité.
L’IE est généralement vue comme un ensemble d’actions de collecte, d'analyse, d'interprétation ainsi que de diffusion de l'information et de la connaissance en vue de la prise de décision. Comment pourrait-elle alors être indifférente à la question de l’intégrité de cette même information et de cette même connaissance ?
Certains n’hésitent pas à qualifier la prolifération de la fraude et des méconduites scientifiques de « bombe à retardement ». En effet, des dizaines de milliers d’articles frauduleux contaminent déjà la connaissance scientifique à travers le monde. Dans certains secteurs scientifiques, la fraude académique est désormais une industrie (Paper Mills).
Les noms de certaines de ces entreprises qui produisent de la fausse connaissance sont connus publiquement et leurs pays d’origine sont identifiés. Vous pouvez ainsi acheter un article consacré aux stratégies de développement des entreprises forestières ou bien aux méthodes d'analyse géo-écologique touchant au développement des gisements d'hydrocarbures en mer. S’il est publié, la plupart des acteurs du continuum ESRI seront victimes d’une connaissance au mieux de faible valeur et au pire carrément fausse… tout en l’ignorant.
Certains n’hésitent pas à qualifier la prolifération de la fraude et des méconduites scientifiques de « bombe à retardement ». En effet, des dizaines de milliers d’articles frauduleux contaminent déjà la connaissance scientifique à travers le monde. Dans certains secteurs scientifiques, la fraude académique est désormais une industrie (Paper Mills).
Les noms de certaines de ces entreprises qui produisent de la fausse connaissance sont connus publiquement et leurs pays d’origine sont identifiés. Vous pouvez ainsi acheter un article consacré aux stratégies de développement des entreprises forestières ou bien aux méthodes d'analyse géo-écologique touchant au développement des gisements d'hydrocarbures en mer. S’il est publié, la plupart des acteurs du continuum ESRI seront victimes d’une connaissance au mieux de faible valeur et au pire carrément fausse… tout en l’ignorant.
S'informer sur les fraudes académiques dans tous les champs de la science
Pour mesurer la gravité de la situation, il suffit de s’informer sur des sites spécialisés comme Retraction Watch ou Problematic Paper Screener qui donnent des listes d’articles, de noms de revues et d’auteurs incriminés dans diverses fraudes académiques, dans tous les champs de la science.
Certains sont en lien avec des domaines très concurrentiels nécessitant un processus de recherche-innovation soutenu (médecine, chimie, matériaux, etc.). Celui-ci est donc régulièrement tenu en échec pour des raisons de fraude académique d’acteurs « amont » et qui ne sont pas identifiées par les acteurs « aval ».
Dans certains secteurs spécialisés et internationalisés, les rares chiffres dont nous disposons indiquent entre 5% et 10% d’articles frauduleux. Paradoxalement, le développement de « marchés de la science » (expression de Philippe Mercure) risque de nuire gravement à tous les autres marchés.
Certains sont en lien avec des domaines très concurrentiels nécessitant un processus de recherche-innovation soutenu (médecine, chimie, matériaux, etc.). Celui-ci est donc régulièrement tenu en échec pour des raisons de fraude académique d’acteurs « amont » et qui ne sont pas identifiées par les acteurs « aval ».
Dans certains secteurs spécialisés et internationalisés, les rares chiffres dont nous disposons indiquent entre 5% et 10% d’articles frauduleux. Paradoxalement, le développement de « marchés de la science » (expression de Philippe Mercure) risque de nuire gravement à tous les autres marchés.
Enjeu de l’intégrité scientifique et intellectuelle
En outre, l’enjeu de l’intégrité scientifique et intellectuelle montre à quel point la souveraineté économique est dépendante de la souveraineté scientifique. Si nous voulons défendre l’une et l’autre, nous avons tout intérêt à agir pour faire cesser les causes qui influencent les comportements déviants en la matière. À l’heure de la prolifération des Gen-AI, il y a urgence.
Sources
IRAFPA : https://irafpa.org/a-propos/regles-dintegrite-academique/
Philippe Robitaille-Grou (2023) : https://www.lapresse.ca/actualites/sciences/2023-01-08/une-industrie-de-fraudes-scientifiques-de-masse.php
Philippe Mercure (2023) : https://www.lapresse.ca/contexte/editoriaux/2023-01-15/la-fraude-scientifique-est-une-bombe-a-retardement.php
Retraction Watch : https://retractionwatch.com/
Problematic Paper Screener : https://dbrech.irit.fr/pls/apex/f?p=9999:1
Philippe Robitaille-Grou (2023) : https://www.lapresse.ca/actualites/sciences/2023-01-08/une-industrie-de-fraudes-scientifiques-de-masse.php
Philippe Mercure (2023) : https://www.lapresse.ca/contexte/editoriaux/2023-01-15/la-fraude-scientifique-est-une-bombe-a-retardement.php
Retraction Watch : https://retractionwatch.com/
Problematic Paper Screener : https://dbrech.irit.fr/pls/apex/f?p=9999:1
Note
La présente tribune reprend une partie de la communication présentée par l’auteur le 21 juin 2024 dans le cadre du 3ème Colloque International de Recherche et Action sur l’Intégrité Académique (“Défis et incertitudes de l’intégrité académique à l’ère de l’intelligence artificielle”), Université de Coimbra (Portugal).
