STRATEGIES

La France doit s'armer pour contrer la guerre économique. Par Nicolas Moinet. Revue Conflits.


Jacqueline Sala
Vendredi 11 Avril 2025


Nicolas Moinet livre ses réflexions et analyses dans la Revue Conflits (07.04.2025) sur les récentes turbulences américaines qui secouent la scène internationale, en mettant particulièrement l'accent sur la guerre économique opposant les États-Unis à la Chine.




S’approprier ressources et richesses pour accroître leur pouvoir économique.

En tant que praticien-chercheur en intelligence économique, professeur des universités à l'IAE de Poitiers, cofondateur de l’École de Pensée sur la Guerre Économique et chercheur associé au Centre de Recherche 451 de l’École de Guerre Économique, il décrypte la complexité et la nature véritable de cette guerre. Pour lui, il ne s’agit pas d’une simple rivalité, mais bien d’une confrontation entre divers acteurs (États, entreprises, ONG) visant à s’approprier ressources et richesses pour accroître leur pouvoir économique.

La France est dans une position délicate, prise en étau entre ces deux puissances, mais qui possède néanmoins des atouts exploitables. Il s’interroge sur la souveraineté de la France, en s’appuyant sur les mots du général de Gaulle, soulignant qu’une économie indépendante est la clé d’une politique et d’une défense autonomes. Dans un contexte d’économie ouverte, il appelle à repenser l’équilibre entre indépendance et interdépendance stratégiques, en se demandant s’il est préférable de contrôler l’ensemble de la chaîne de valeur ou de se concentrer sur un maillon clé pour établir un rapport de force.
 
L’intelligence économique, selon lui, repose sur la culture et la stratégie. 
Une culture fragmentée peut freiner l’économie, car elle est le fondement de toute stratégie, en définissant les identités. Il note également que le "soft power" américain a eu pour objectif d’effacer les identités nationales pour transformer les peuples en simples consommateurs de marques.

Pour que la France puisse prendre une place centrale dans cette guerre économique, Nicolas Moinet propose plusieurs mesures :
- Créer un état-major, à l’image du National Economic Council des États-Unis.
- Réinstaurer un véritable ministère de l’industrie et un organe de prospective similaire à l’ancien Commissariat Général du Plan.
- Renforcer la sécurité économique à l’échelle départementale en nommant un Délégué à plein temps dans chaque département.
- Promouvoir une transformation culturelle en matière de renseignement, de sécurité économique et d’influence, à travers la formation dès le lycée, puis dans les universités et grandes écoles comme Polytechnique ou l’Institut National du Service public. Il insiste également sur l’importance de sensibiliser magistrats et journalistes à ces questions.

Manque d’intelligence industrielle de l’Europe,

Prenant l’exemple de la transition énergétique européenne, il pointe du doigt le manque d’intelligence industrielle de l’Europe, qui a permis à des adversaires comme la Chine de tirer parti de cette situation, notamment dans les secteurs des voitures électriques et des panneaux solaires.

Enfin, il met en avant une nouvelle grille de lecture stratégique – compétition, contestation, affrontement – initiée par le Chef d’État-Major des Armées. Cette vision remplace le schéma séquentiel classique paix/crise/guerre, en montrant que ces trois états coexistent désormais, ce qui complique les relations internationales actuelles. Nicolas Moinet cite plusieurs ouvrages majeurs étrangers qui éclairent ce nouveau paradigme stratégique, tout en déplorant l’absence de traductions françaises pour certains d’entre eux.

Comprendre et agir face à cette guerre économique mondiale et permanente est, selon lui, une question de survie pour la France. Son dernier livre, *De la compétition à l’affrontement*, complète une trilogie explorant les multiples facettes des « sentiers de la guerre économique ».