Santé

La non-observance thérapeutique : 9,3 milliards d’euros perdus en 2022. Par Jean-Marie Carrara


Jacqueline Sala
Mardi 18 Février 2025


Par sa question écrite au gouvernement , la députée Louise Morel pointe le coût exorbitant de la non-observance thérapeutique et sa prévisible envolée en raison du vieillissement de la population. Mais des stratégies peuvent-elles être envisagées pour freiner cette explosion ?



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1* Question écrite n° 2341 :

9,3 milliards d’euros perdus en 2022

Pour percevoir l’importance de ce chiffre, il convient de le rapprocher du montant du remboursement par la sécurité sociale des honoraires des médecins généralistes de ville : 10,58 milliards d’euros.

Dans l’environnement économique contraint du budget de l’Etat, la recherche de l’efficacité des soins dispensés aux citoyens au niveau technique (amélioration de la santé des citoyens) et au niveau économique devrait être une priorité pour les finances publiques et être mesurée en continu dans la perspective de réduire au maximum le rapport coût/amélioration du bien-être apporté aux citoyens.

Cette recherche est d’autant plus importante que la population vieillit, que les maladies chroniques toucheront un plus grand nombre de personnes, que leurs traitements seront plus longs, plus complexes et plus coûteux et que dans cette perspective, la collectivité devra trouver des financements supplémentaires pour affronter un budget toujours plus élevé

Au-moins 30 % des patients non-observants

Les maladies chroniques requièrent des traitements au long cours qui, loin de générer des routines de prise médicamenteuses, sont les plus touchées par la non-observance notamment quand les affections se traduisent par des signes fonctionnels peu handicapants.
Pour les personnes souffrant de maladies chroniques, la non-observance moyenne atteint 30% des patients.
Chez le sujet âgé, le taux explose et un patient sur deux est non-observant.

Des actions comme la préparation de piluliers par les pharmaciens ou les infirmiers libéraux se rendant à domicile des patients facilite la prise de médicaments telle que prescrite par le médecin.
A cette fin, le médecin peut prescrire l’intervention d’une infirmière pour “la préparation du pilulier et l’administration des médicaments chaque jour y compris les jours fériés”.
En évitant aussi les oublis, ce soutien a montré son efficacité dans la réduction de la non-observance.
La prescription peut aussi être complétée par “la mesure de la tension artérielle” ou tout autre actes complémentaire contribuant à l'objectivation de l’observance.
Aussi, on pourrait imaginer d’analyser les coûts additionnels des prestataires de santé selon des critères tel que leur impact sur l’amélioration de la santé de leurs patients.
 
Attention cependant, popularisé par le film de Coline Serreau, bien qu’historiquement inexact, le principe de rémunérer le médecin lorsqu’on est en bonne santé et de ne pas le rémunérer en cas de maladie, peut, en première analyse, paraitre séduisant car il responsabilise le médecin mais il incite le patient à se plaindre perpétuellement de sa santé ou à ne pas observer le traitement prescrit pour ne pas avoir à payer son thérapeute.
 

Lutter contre l’isolement : un levier clé pour réduire la non-observance

La non-observance thérapeutique : 9,3 milliards d’euros perdus en 2022. Par Jean-Marie Carrara
L’isolement social joue un rôle majeur dans la non-observance thérapeutique.
De nombreuses personnes âgées, de surcroît lorsqu’elles sont isolées, peinent à suivre rigoureusement leur traitement faute d’un accompagnement quotidien et d’une vigilance extérieure.

Les expériences réussies précédemment citées pourraient être systématiquement élargies aux personnes âgées et/ou isolées avec un gain très positif pour cette population qui est la plus nombreuse à souffrir les conséquences de cette non-observance involontaire et à encombrer inutilement les services d’urgence des hôpitaux où le personnel est déjà saturé.
 

Un autre avantage intéressant

Une surveillance accrue des personnes vulnérables, pouvant se traduire par un contact quotidien visant à recueillir des nouvelles, des gestes bienveillants tels que des échanges verbaux attentionnés, ainsi qu’un accompagnement ou un soutien favorisant leur bien-être, constitue un levier majeur pour la préservation de leur santé physique et mentale.
Cette approche contribue notamment à une optimisation des prescriptions médicamenteuses, en favorisant une diminution des traitements et une meilleure observance thérapeutique.
La mise en place d’un programme structuré de suivi personnalisé des personnes fragiles et/ou isolées repose sur une approche pragmatique et réaliste.
Son déploiement pourrait être efficacement coordonné avec l’engagement des professionnels de santé, des collectivités territoriales et des associations, permettant ainsi une prise en charge globale et adaptée aux besoins spécifiques de ces populations.
Cette approche n’a rien d’utopique. Elle est d’ailleurs déjà mise en place par de nombreuses municipalités lors des épisodes caniculaires.
 

Des plateformes téléphoniques d’accompagnement

Des solutions légères peuvent aussi être utilisées comme une plateforme nationale, régionale ou départementale de suivi téléphonique. Le département serait le niveau le plus adapté car déjà en charge de l’aide aux personnes âgées.
Les mutuelles de santé pourraient s’associer à ce dispositif ; leur intérêt financier étant direct.
 

L’utilisation d’outils numériques accessibles

L’utilisation d’applications mobiles ou de rappels automatisés via SMS permettrait également de soutenir l’observance thérapeutique.
Déjà mise en place dans plusieurs pays avec des résultats très positifs, ces technologies, peu coûteuses et souvent bien maîtrisées par les citoyens, permettent d’envoyer des notifications personnalisées qui reprendraient la prescription médicale.
Cependant, d’autres solutions existent également.
 

Un écueil subsiste

Si l’impact sur la non-observance thérapeutique est important tant au niveau économique qu’humain, au niveau individuel comme au niveau de la société et que des solutions techniques et peu coûteuses peuvent servir à aider les personnes à les alerter pour réduire les défaillances de l’observance thérapeutique, un écueil subsiste car chaque citoyen a droit à la totale confidentialité quant à son état de santé et aux traitements qui lui sont administrés.

C’est là une limite forte à l’intervention de personnes n’entrant pas dans le champ des professionnels de santé et qu’il convient de mieux rémunérer pour ses nouvelles tâches souvent très chronophages mais essentielles à la préservation du lien humain dans une société où la solitude est de plus en plus grande.
 

A propos de Jean-Marie Carrara

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Né en 1958 à Rabat (Maroc), Jean-Marie CARRARA a effectué toutes ses études à Lille (France). D’abord attiré par la santé de l’Homme, il devient Docteur en Pharmacie et diplômé de Biologie Humaine.
Comme la santé des entreprises et des organisations sont essentielles pour l’Homme, il compléta sa formation par un DESS d’Administration des Entreprises et un DESS de Finance et de Fiscalité Internationales.
Il est auditeur en Intelligence Economique et Stratégique à l'Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale (JHEDN)"
Source www.sicafi.eu
Contact mail : info@sicafi.eu