
Le déménagement de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) à Saint-Ouen n’est pas un simple changement d’adresse : c’est un événement qui résonne à plusieurs niveaux.
Sur le plan opérationnel, il répond à un besoin criant de moderniser les infrastructures de l’intelligence française pour faire face aux défis sécuritaires d’aujourd’hui.
Mais lorsqu’on élargit la focale au prisme géopolitique et stratégique, cette transition révèle des failles plus profondes dans la manière dont la France envisage l’avenir de son appareil de renseignement, à l’heure où le paysage sécuritaire européen et mondial se redessine.
Mais lorsqu’on élargit la focale au prisme géopolitique et stratégique, cette transition révèle des failles plus profondes dans la manière dont la France envisage l’avenir de son appareil de renseignement, à l’heure où le paysage sécuritaire européen et mondial se redessine.
Une modernisation logistique bienvenue, mais insuffisante
Le transfert de la DGSI s’imposait presque comme une évidence.
Ces dernières années, face à l’intensification des menaces terroristes et à la sophistication croissante de la criminalité organisée, le recrutement d’agents s’est accéléré, mettant sous pression des locaux devenus inadaptés.
La nouvelle implantation à Saint-Ouen offre des espaces plus vastes, des technologies de pointe et une organisation repensée pour une communauté du renseignement en expansion. Sur le papier, tout cela promet une efficacité accrue dans la gestion des opérations quotidiennes.
Mais cette mue logistique ne raconte qu’une partie de l’histoire.
Car au-delà des murs et des équipements, une question essentielle demeure : cette réorganisation s’accompagne-t-elle d’une refonte de la doctrine sécuritaire nationale ? Sans une stratégie claire, adaptée aux réalités géopolitiques actuelles, ce déménagement risque de n’être qu’un lifting immobilier, incapable d’améliorer véritablement la capacité de la France à anticiper et à prévenir les crises.
Ces dernières années, face à l’intensification des menaces terroristes et à la sophistication croissante de la criminalité organisée, le recrutement d’agents s’est accéléré, mettant sous pression des locaux devenus inadaptés.
La nouvelle implantation à Saint-Ouen offre des espaces plus vastes, des technologies de pointe et une organisation repensée pour une communauté du renseignement en expansion. Sur le papier, tout cela promet une efficacité accrue dans la gestion des opérations quotidiennes.
Mais cette mue logistique ne raconte qu’une partie de l’histoire.
Car au-delà des murs et des équipements, une question essentielle demeure : cette réorganisation s’accompagne-t-elle d’une refonte de la doctrine sécuritaire nationale ? Sans une stratégie claire, adaptée aux réalités géopolitiques actuelles, ce déménagement risque de n’être qu’un lifting immobilier, incapable d’améliorer véritablement la capacité de la France à anticiper et à prévenir les crises.
Une intelligence confrontée à des menaces multiples
Le terrain sur lequel opère la DGSI a radicalement changé. Si le terrorisme islamiste reste une préoccupation majeure, il n’est plus le seul horizon.
Les menaces hybrides, mêlant désinformation, cyberattaques et tentatives de déstabilisation orchestrées par des acteurs étatiques ou non, occupent désormais le devant de la scène.
La France a déjà été la cible d’opérations d’influence venues de Russie ou de Chine, sans parler des campagnes de propagande alimentées par des groupes extrémistes. À cela s’ajoute la montée en puissance des réseaux criminels transnationaux, notamment dans le narcotrafic, qui exigent une coordination renforcée entre renseignement et forces de l’ordre – le grand banditisme des banlieues en est un symptôme criant.
Et puis, il y a les tensions internes : une société française sous pression, où l’instabilité sociale peut être exploitée par des forces extérieures. La radicalisation dans les prisons ou le spectre d’émeutes urbaines ne sont pas des hypothèses lointaines, mais des réalités qui interpellent directement la DGSI. Dans ce contexte, isoler la sécurité intérieure des dynamiques géopolitiques serait une erreur.
Or, si le nouveau siège doit symboliser une ambition, il ne suffira pas sans une refonte des priorités stratégiques.
Les menaces hybrides, mêlant désinformation, cyberattaques et tentatives de déstabilisation orchestrées par des acteurs étatiques ou non, occupent désormais le devant de la scène.
La France a déjà été la cible d’opérations d’influence venues de Russie ou de Chine, sans parler des campagnes de propagande alimentées par des groupes extrémistes. À cela s’ajoute la montée en puissance des réseaux criminels transnationaux, notamment dans le narcotrafic, qui exigent une coordination renforcée entre renseignement et forces de l’ordre – le grand banditisme des banlieues en est un symptôme criant.
Et puis, il y a les tensions internes : une société française sous pression, où l’instabilité sociale peut être exploitée par des forces extérieures. La radicalisation dans les prisons ou le spectre d’émeutes urbaines ne sont pas des hypothèses lointaines, mais des réalités qui interpellent directement la DGSI. Dans ce contexte, isoler la sécurité intérieure des dynamiques géopolitiques serait une erreur.
Or, si le nouveau siège doit symboliser une ambition, il ne suffira pas sans une refonte des priorités stratégiques.
La France à la croisée des chemins géopolitiques
Ce déménagement intervient à un moment charnière pour l’Europe.
Avec une administration américaine qui pousse ses alliés à prendre leurs responsabilités, la France doit choisir sa voie. Va-t-elle renforcer son autonomie stratégique, en faisant de son renseignement un levier pour une sécurité européenne indépendante ? Ou restera-t-elle dans l’orbite de l’OTAN et de Washington, au prix d’une influence amoindrie ?
Jusqu’ici, Paris navigue entre ces deux eaux : d’un côté, Emmanuel Macron défend l’idée d’une défense européenne autonome ; de l’autre, la France reste un pilier de l’Alliance atlantique. Mais cet entre-deux, sans choix tranché, pourrait devenir un handicap dans un monde où les blocs se durcissent.
Avec une administration américaine qui pousse ses alliés à prendre leurs responsabilités, la France doit choisir sa voie. Va-t-elle renforcer son autonomie stratégique, en faisant de son renseignement un levier pour une sécurité européenne indépendante ? Ou restera-t-elle dans l’orbite de l’OTAN et de Washington, au prix d’une influence amoindrie ?
Jusqu’ici, Paris navigue entre ces deux eaux : d’un côté, Emmanuel Macron défend l’idée d’une défense européenne autonome ; de l’autre, la France reste un pilier de l’Alliance atlantique. Mais cet entre-deux, sans choix tranché, pourrait devenir un handicap dans un monde où les blocs se durcissent.
Emmanuel Macron et l’absence d’un cap clair
C’est là que le bât blesse : dans les discours d’Emmanuel Macron, on cherche en vain une vision stratégique cohérente. Lors de l’inauguration du nouveau siège, le président a égrené les avancées réalisées, mais sans dessiner une ambition plus large pour la France dans ce nouvel échiquier global.
Pourtant, les défis sont immenses : pressions migratoires et fractures sociales à l’intérieur, hésitations d’une Union européenne en quête d’unité sur la défense, rivalités internationales avec la Chine, la Russie et les États-Unis. L’intelligence française pourrait être un atout maître pour éclairer ces choix, à condition qu’une direction politique lui donne un cap. Sans cela, même les infrastructures les plus modernes resteront lettre morte.
Pourtant, les défis sont immenses : pressions migratoires et fractures sociales à l’intérieur, hésitations d’une Union européenne en quête d’unité sur la défense, rivalités internationales avec la Chine, la Russie et les États-Unis. L’intelligence française pourrait être un atout maître pour éclairer ces choix, à condition qu’une direction politique lui donne un cap. Sans cela, même les infrastructures les plus modernes resteront lettre morte.
Une occasion à moitié saisie
Le transfert de la DGSI à Saint-Ouen est un progrès indéniable pour le renseignement français, mais il reste inachevé. Dans un monde où sécurité intérieure et géopolitique sont indissociables, l’intelligence ne peut se limiter à protéger les frontières : elle doit anticiper, décrypter, dissuader.
Emmanuel Macron avait là une tribune pour réaffirmer une ambition, pousser ses partenaires européens vers plus de cohésion et poser les jalons d’une stratégie adaptée aux menaces émergentes. Il ne l’a pas fait.
Faute de cette impulsion, le risque est clair : ce déménagement ne sera qu’un ajustement technique, sans effet réel sur la capacité de la France à affronter les tempêtes du XXIe siècle. Si elle veut peser dans la sécurité européenne et mondiale, la France devra voir plus loin que Saint-Ouen et doter son renseignement d’une vision à la hauteur des enjeux.
Emmanuel Macron avait là une tribune pour réaffirmer une ambition, pousser ses partenaires européens vers plus de cohésion et poser les jalons d’une stratégie adaptée aux menaces émergentes. Il ne l’a pas fait.
Faute de cette impulsion, le risque est clair : ce déménagement ne sera qu’un ajustement technique, sans effet réel sur la capacité de la France à affronter les tempêtes du XXIe siècle. Si elle veut peser dans la sécurité européenne et mondiale, la France devra voir plus loin que Saint-Ouen et doter son renseignement d’une vision à la hauteur des enjeux.
A propos de Guiseppe Gagliano
Giuseppe Gagliano a fondé en 2011 le réseau international Cestudec (Centre d'études stratégiques Carlo de Cristoforis), basé à Côme (Italie), dans le but d'étudier, dans une perspective réaliste, les dynamiques conflictuelles des relations internationales. Ce réseau met l'accent sur la dimension de l'intelligence et de la géopolitique, en s'inspirant des réflexions de Christian Harbulot, fondateur et directeur de l'École de Guerre Économique (EGE)
Il collabore avec le Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R) (Lien),https://cf2r.org/le-cf2r/gouvernance-du-cf2r/ et avec l'Université de Calabre dans le cadre du Master en Intelligence, et avec l'Iassp de Milan (Lien).https://www.iassp.org/team_master/giuseppe-gagliano/