La transmutation comme levier de souveraineté. Tribune libre d'Alexandre Marciel

Comme annoncé dans mon article précédent sur « les ressources métalliques : leviers de notre souveraineté », je vais évoquer, ici, les enjeux de la transmutation nucléaire qui font déjà l’objet d’une véritable course contre la montre par une poignée de chercheurs et d’entrepreneurs dans le monde.

Imaginez pouvoir modifier à volonté des atomes en d’autres atomes, du fer en cobalt, du plomb en iridium … Ce sont précisément ces compositions d’échantillons (avant et après fusion) que j’ai présentées à Bruxelles lors de la dernière Raw Materials Week, des échantillons issus d’expériences réalisées en France, France qui doit prendre le leadership dans ce domaine stratégique.
En physique nucléaire, la transmutation est la transformation d'un élément chimique en un autre par modification de son noyau atomique, soit par fission nucléaire (comme dans une centrale nucléaire) ou fusion nucléaire (projet ITER, autres …). Ce sujet est inconnu du grand public comme des décideurs français, et pourtant ce sujet est vieux comme l'univers mais aussi vieux comme l’humanité.
 

La transmutation est d’abord un phénomène naturel. La centaine d’éléments du tableau périodique de Mendeleïev que nous connaissons sont nés au cœur des étoiles, dans leur cycle de vie et de mort.
Tous les éléments que nous trouvons sur terre (et dans l’univers), dont nous sommes constitués comme ceux que nous utilisons dans nos technologies courantes sont nés des transmutations opérées dans les étoiles : en partant d’éléments aussi légers et invisibles que l’hydrogène, l’hélium pour se transmuter en des éléments de plus en plus lourds comme le fer, le plomb …
Les astrophysiciens continuent d’approfondir leurs connaissances sur ce sujet.
 

Depuis que l’humanité a découvert les métaux et leurs usages, elle n’a eu de cesse d’essayer de trouver « la formule magique » pour les transmuter. Fascinés particulièrement par l’attrait de l’or, les alchimistes émergent dans les cultures grecque, égyptienne puis arabe dès le III^ème siècle av J.-C. avec une idée simple : transformer des métaux dits « impurs » comme le plomb en des métaux précieux tels que l’or. La recherche de la pierre philosophale est née…
Les alchimistes persisteront dans cette quête pendant plus de deux millénaires. Des ésotéristes continuent aujourd’hui de se passionner pour ces recherches …
 

La première observation directe de transmutation nucléaire est faite par Ernest Rutherford en 1917. Il découvre que lorsqu’il bombarde de l’azote avec des particules alpha émises par du radium, l’azote se transforme en oxygène. Son élève Frédéric Soddy raconte comment alors qu’il avait prononcé le mot « transmutation » sous le coup de l’émotion ; Rutherford lui aurait répondu : « Pour l’amour du ciel, ne prononcez pas ce mot !
On va vouloir nos têtes en nous traitant d’alchimistes ». Avec cette découverte, Rutherford venait de jeter à bas un des dogmes les plus fondamentaux de la physique d’alors : l’immuabilité des atomes.
 

On sait depuis longtemps que la transmutation a lieu « naturellement » dans nos centrales nucléaires. Non seulement les réactions de fission sont une source d’énergie mais les déchets produits contiennent de nouveaux éléments susceptibles d’être valorisés …
Selon un rapport de l’International Atomic Energy Agency de 1989, et après analyses, pour chaque tonne de combustible d’uranium ayant subi des réactions de fission, la masse résiduelle de ruthénium, de rhodium et de palladium serait d’environ 4 kg, des teneurs en platinoïdes bien supérieures à celle des mines. Le CEA travaille à l’élaboration de procédés de récupération notamment des platinoïdes dans les produits de fission de nos centrales nucléaires.

En physique nucléaire, la transmutation se produit « naturellement » dans les centrales, elle peut-être aussi produite volontairement par l’homme notamment dans des accélérateurs de particules.

En recherche fondamentale, cette transmutation a déjà permis de créer de nouveaux éléments qu’on trouve dans le tableau périodique de Mendeleiev (plus d’une vingtaine) ; elle pourrait aussi permettre de traiter des déchets nucléaires en transformant des isotopes radioactifs à vie longue en isotopes à vie courte ou stables en vue de réduire leur radioactivité. Orano commence même à produire et à commercialiser sur catalogue des isotopes stables (non radioactifs) destinés à des secteurs d’activités comme le médical ou l’informatique quantique…
 

Obtenir des métaux à partir de d’autres métaux est un axe technologique et politique qu’il faut approfondir.
Car la transmutation depuis Rutherford n’est plus un sujet d’alchimiste mais bien un sujet scientifique et industriel qui pourrait contribuer à la reconquête de notre souveraineté et notre influence dans le monde.
N’oublions pas que si la transmutation est la signature (à valoriser) de phénomène de fission ou de fusion nucléaire, la fission comme la fusion libèrent aussi beaucoup d’énergie … et une véritable guerre de l’information à chaque nouvelle avancée technologique. Nous reviendrons sur ces enjeux énergétiques très stratégiques.
 

A l’UNESCO en 2019, rencontre entre  Alexandre Marciel et  le physicien nucléaire russe M.Iouri Organessian, père de la découverte du 114^ème élément, le flérovium. Le 118^ème a été d’ailleurs baptisé Organesson en son honneur.
 
 

A la Raw Materials Week 2024 à Bruxelles, la présentation de quelques échantillons de métaux encapsulés dans de la résine portant « les signatures chimiques » d’un phénomène probablement de fusion nucléaire, avec l’apparition d’éléments nouveaux.
 

Alexandre Marciel, après différentes collaborations dans des cabinets politiques, a aujourd’hui à cœur de défendre la reconquête de notre souveraineté et l’influence de la France dans le monde.

Après une enquête approfondie de dix ans sur les technologies de rupture, à la rencontre de plus d’un demi-millier d’entreprises et de laboratoires (veille qu’il poursuit), il a acquis une véritable expertise sur les métaux stratégiques qui peuvent les composer.

Il construit aujourd’hui des ponts entre la géopolitique des métaux et la composition chimique de plus de 3 000 matériaux à haute valeur technologique qu’il a rassemblés. Il propose une communication concrète sur le monde technologique, économique et politique en faisant toucher du doigt physiquement « de l’objet aux métaux, des métaux aux minerais, des minerais aux enjeux de société ». Vision stratégique, anticipation de risques, détection d’opportunités …