DC : Que pensez-vous de la multiplication des acteurs comme ASN au niveau mondial ? Pensez-vous que Google et les autres GAFAM pourraient devenir leaders dans ce domaine via leur puissance financière et leur R&D ? Verrons-nous l'émergence d'un nouveau géant mondial ?
BG : Le marché des navires câbliers est aujourd’hui relativement diversifié. On y retrouve plusieurs catégories de navires : certains sont spécialisés dans la pose de câbles, d'autres dans la réparation, et certains combinent les deux activités. Il existe également des acteurs concentrés sur des niches comme la pose de câbles en eaux territoriales appelés les câbliers côtiers. Cette spécificité rend le marché stable, avec des acteurs bien établis dont la composition évolue peu. La technicité du métier et les investissements nécessaires constituent des barrières à l’entrée.
ASN n’est pas un nouveau venu dans ce domaine. Historiquement lié à Alcatel, puis racheté par Nokia, ASN change de pavillon pour revenir sous étendard français (l'état se portant actionnaire à 80%). Ce repositionnement ne bouleverse pas fondamentalement le marché mais témoigne d’une continuité dans les activités de cet acteur historique et la prise de conscience d'une certaine indépendance à acquérir pour installer et réparer des câbles grands publics mais également militaires.
Il est très important d'être précis quant aux GAFAM. Ces derniers ne possèdent pas actuellement (et à ma connaissance) de navires câbliers en propre. Cependant, ils jouent un rôle majeur dans l’écosystème en investissant massivement dans des projets de câbles sous-marins posés par des entreprises tierces comme SubCom ou ASN. Cette dynamique s’explique par leur domination dans le trafic mondial d’Internet : à eux seuls, ils génèrent plus de 55 % de ce trafic. En investissant directement dans ces infrastructures, ils réduisent les coûts liés aux redevances tout en renforçant leur contrôle sur la connectivité, un atout stratégique et économique. Par ailleurs, le financement de certains câbles arrivant sur certaines côtes, fait d'eux des acteurs majeurs avec potentiellement des accès privilégiés sur certains marchés. C'est un jeu d'influence.
Si l’idée d’un investissement direct des GAFAM dans leur propre flotte câblière peut sembler plausible, il est peu probable qu’ils s’engagent dans cette voie. Leur priorité reste centrée sur leur cœur de métier : la livraison de services numériques. La gestion d’une flotte de câbliers nécessiterait une expertise spécifique et des investissements dans un domaine éloigné de leurs priorités stratégiques actuelles. Ainsi, leur rôle devrait se limiter à celui d’investisseurs et partenaires stratégiques.
Le marché des câbliers ne favorise pas nécessairement l’émergence d’un nouveau géant mondial, principalement en raison de sa nature spécialisée et des coûts élevés d’entrée. Les acteurs en place, comme ASN, semblent bien positionnés pour continuer à dominer ce secteur, en collaborant avec les GAFAM pour répondre à une demande croissante de connectivité mondiale.
ASN n’est pas un nouveau venu dans ce domaine. Historiquement lié à Alcatel, puis racheté par Nokia, ASN change de pavillon pour revenir sous étendard français (l'état se portant actionnaire à 80%). Ce repositionnement ne bouleverse pas fondamentalement le marché mais témoigne d’une continuité dans les activités de cet acteur historique et la prise de conscience d'une certaine indépendance à acquérir pour installer et réparer des câbles grands publics mais également militaires.
Il est très important d'être précis quant aux GAFAM. Ces derniers ne possèdent pas actuellement (et à ma connaissance) de navires câbliers en propre. Cependant, ils jouent un rôle majeur dans l’écosystème en investissant massivement dans des projets de câbles sous-marins posés par des entreprises tierces comme SubCom ou ASN. Cette dynamique s’explique par leur domination dans le trafic mondial d’Internet : à eux seuls, ils génèrent plus de 55 % de ce trafic. En investissant directement dans ces infrastructures, ils réduisent les coûts liés aux redevances tout en renforçant leur contrôle sur la connectivité, un atout stratégique et économique. Par ailleurs, le financement de certains câbles arrivant sur certaines côtes, fait d'eux des acteurs majeurs avec potentiellement des accès privilégiés sur certains marchés. C'est un jeu d'influence.
Si l’idée d’un investissement direct des GAFAM dans leur propre flotte câblière peut sembler plausible, il est peu probable qu’ils s’engagent dans cette voie. Leur priorité reste centrée sur leur cœur de métier : la livraison de services numériques. La gestion d’une flotte de câbliers nécessiterait une expertise spécifique et des investissements dans un domaine éloigné de leurs priorités stratégiques actuelles. Ainsi, leur rôle devrait se limiter à celui d’investisseurs et partenaires stratégiques.
Le marché des câbliers ne favorise pas nécessairement l’émergence d’un nouveau géant mondial, principalement en raison de sa nature spécialisée et des coûts élevés d’entrée. Les acteurs en place, comme ASN, semblent bien positionnés pour continuer à dominer ce secteur, en collaborant avec les GAFAM pour répondre à une demande croissante de connectivité mondiale.
2. Guerre commerciale, guerre géopolitique, guerre technologique : de nouvelles conflictualités émergent, quelles juridictions seront compétentes ? Peut on imaginer une nouvelle compétence de l'ONU ou de l'OMC ?
BG : La protection et la régulation de ces câbles relèvent principalement du droit international, notamment de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM), qui encadre la pose, l'entretien et la protection des câbles sous-marins.
Toutefois, face à l'évolution des menaces, des organisations internationales pourraient voir leur rôle renforcé :
- Organisation des Nations Unies (ONU) : Bien que la CNUDM soit un traité sous l'égide de l'ONU, l'organisation pourrait intensifier ses efforts pour coordonner la protection des câbles sous-marins, notamment en cas de sabotage ou de menaces transnationales. Des initiatives telles que le Groupe d'action mixte UIT/OMM/UNESCO-COI travaillent déjà sur l'utilisation des câbles pour la surveillance des océans et l'alerte en cas de catastrophe.
ITU
- Organisation mondiale du commerce (OMC) : Si les câbles sous-marins sont endommagés dans le cadre de conflits commerciaux ou de sanctions économiques, l'OMC pourrait être sollicitée pour arbitrer des différends liés à l'entrave au commerce international.
En outre, des organisations régionales, comme l'Union européenne, pourraient développer des cadres juridiques spécifiques pour la protection de ces infrastructures critiques. Par exemple, l'Agence de l'Union européenne pour la cybersécurité (ENISA) a publié un rapport en juillet 2023 soulignant l'importance de la protection des câbles sous-marins.
Bien que la CNUDM fournisse un cadre juridique de base, l'émergence de nouvelles menaces pourrait inciter des organisations internationales comme l'ONU ou l'OMC à jouer un rôle accru dans la régulation et la protection des câbles sous-marins. Des initiatives conjointes et une coopération internationale renforcée seront essentielles pour assurer la sécurité de ces infrastructures vitales.
Toutefois, face à l'évolution des menaces, des organisations internationales pourraient voir leur rôle renforcé :
- Organisation des Nations Unies (ONU) : Bien que la CNUDM soit un traité sous l'égide de l'ONU, l'organisation pourrait intensifier ses efforts pour coordonner la protection des câbles sous-marins, notamment en cas de sabotage ou de menaces transnationales. Des initiatives telles que le Groupe d'action mixte UIT/OMM/UNESCO-COI travaillent déjà sur l'utilisation des câbles pour la surveillance des océans et l'alerte en cas de catastrophe.
ITU
- Organisation mondiale du commerce (OMC) : Si les câbles sous-marins sont endommagés dans le cadre de conflits commerciaux ou de sanctions économiques, l'OMC pourrait être sollicitée pour arbitrer des différends liés à l'entrave au commerce international.
En outre, des organisations régionales, comme l'Union européenne, pourraient développer des cadres juridiques spécifiques pour la protection de ces infrastructures critiques. Par exemple, l'Agence de l'Union européenne pour la cybersécurité (ENISA) a publié un rapport en juillet 2023 soulignant l'importance de la protection des câbles sous-marins.
Bien que la CNUDM fournisse un cadre juridique de base, l'émergence de nouvelles menaces pourrait inciter des organisations internationales comme l'ONU ou l'OMC à jouer un rôle accru dans la régulation et la protection des câbles sous-marins. Des initiatives conjointes et une coopération internationale renforcée seront essentielles pour assurer la sécurité de ces infrastructures vitales.
Dc ; Pour paraphraser un grand auteur, la France est un nain économique et numérique. Peut-elle demain devenir un géant du câble ? Peut-elle tirer de sa position stratégique des avantages économiques ? Peut-elle monnayer ou monnaie-t-elle auprès d'autres puissances des redevances, des taxes pour faire passer des câbles comme des Etats le font pour des Gazoducs ?
BG : La France bénéficie d'une position géographique stratégique, située au carrefour des principales routes maritimes et bordée par plusieurs mers et océans. Ces atouts lui confèrent un potentiel significatif pour devenir un acteur majeur dans le domaine des câbles sous-marins, notamment en faisant de cette ambition une priorité nationale. Mais il faut le vouloir. La ville de Marseille a d'ailleurs saisi ces opportunités en investissant judicieusement lors de la rénovation de son port pour s'imposer comme un hub incontournable en Méditerranée.
L'acquisition par l'État français de 80 % du capital d'Alcatel Submarine Networks (ASN) témoigne de la volonté de la France de renforcer sa souveraineté numérique et de sécuriser des infrastructures critiques. C'est une bonne chose et un signal fort pour la communauté. La France serait-elle en train de se réveiller ?
Concernant la perception de redevances ou de taxes pour le passage de câbles sous-marins, la situation est complexe. Selon la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM), les États côtiers ont le droit de réglementer la pose de câbles dans leur mer territoriale et leur zone économique exclusive (ZEE). Ils peuvent exiger des autorisations et imposer des conditions, y compris financières, pour la pose de ces câbles.
En France, la pose de câbles sous-marins dans les eaux sous souveraineté française est soumise à une redevance établie par mètre linéaire de câble, perçue pour l'utilisation du domaine public maritime.
Cependant, contrairement aux gazoducs, les câbles sous-marins sont généralement considérés comme des infrastructures de communication essentielles pour le développement économique et la connectivité mondiale. Par conséquent, les États sont souvent incités à faciliter leur déploiement plutôt qu'à imposer des taxes élevées qui pourraient dissuader les investissements et ceci est à mon sens une bonne chose car taxer excessivement ces infrastructures n'est pas toujours judicieux. L'arrivée de certains câbles peut dynamiser une région en termes d'emplois, de développement économique et de création de pôles numériques. Sans infrastructures offrant un accès privilégié, il est difficile d'attirer des entreprises et des talents locaux, nationaux ou internationaux. Il est donc essentiel de faciliter l'accès à ces technologies et de faire de la France un acteur incontournable de la connectivité, irriguant non seulement l'Europe, mais aussi les pays scandinaves, les pays du Maghreb et l'Afrique voir les routes vers l'Asie en passant par le pôle. Il ne faut pas oublier nos territoires d'outre-mer qui bénéficient encore une fois d'atouts géographiques majeurs et où le développement du numérique pourrait changer la face du monde. Il faut absolument sortir de ce négativisme que la France ne peut pas concurrencer autrui par sa taille. Nous avons tout ce qu'il faut pour réussir, sauf le mindset.
L'acquisition par l'État français de 80 % du capital d'Alcatel Submarine Networks (ASN) témoigne de la volonté de la France de renforcer sa souveraineté numérique et de sécuriser des infrastructures critiques. C'est une bonne chose et un signal fort pour la communauté. La France serait-elle en train de se réveiller ?
Concernant la perception de redevances ou de taxes pour le passage de câbles sous-marins, la situation est complexe. Selon la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM), les États côtiers ont le droit de réglementer la pose de câbles dans leur mer territoriale et leur zone économique exclusive (ZEE). Ils peuvent exiger des autorisations et imposer des conditions, y compris financières, pour la pose de ces câbles.
En France, la pose de câbles sous-marins dans les eaux sous souveraineté française est soumise à une redevance établie par mètre linéaire de câble, perçue pour l'utilisation du domaine public maritime.
Cependant, contrairement aux gazoducs, les câbles sous-marins sont généralement considérés comme des infrastructures de communication essentielles pour le développement économique et la connectivité mondiale. Par conséquent, les États sont souvent incités à faciliter leur déploiement plutôt qu'à imposer des taxes élevées qui pourraient dissuader les investissements et ceci est à mon sens une bonne chose car taxer excessivement ces infrastructures n'est pas toujours judicieux. L'arrivée de certains câbles peut dynamiser une région en termes d'emplois, de développement économique et de création de pôles numériques. Sans infrastructures offrant un accès privilégié, il est difficile d'attirer des entreprises et des talents locaux, nationaux ou internationaux. Il est donc essentiel de faciliter l'accès à ces technologies et de faire de la France un acteur incontournable de la connectivité, irriguant non seulement l'Europe, mais aussi les pays scandinaves, les pays du Maghreb et l'Afrique voir les routes vers l'Asie en passant par le pôle. Il ne faut pas oublier nos territoires d'outre-mer qui bénéficient encore une fois d'atouts géographiques majeurs et où le développement du numérique pourrait changer la face du monde. Il faut absolument sortir de ce négativisme que la France ne peut pas concurrencer autrui par sa taille. Nous avons tout ce qu'il faut pour réussir, sauf le mindset.
DC : Les noeuds stratégiques comme Marseille sont ils pour des grands acteurs économiques des "lieux ou ils faut être pour bénéficier d'un avantage stratégique ?
BG : Les nœuds stratégiques tels que Marseille sont essentiels pour les grands acteurs économiques, offrant des avantages compétitifs significatifs. La ville est devenue le septième hub internet mondial, grâce à ses infrastructures de pointe et à ses nombreux câbles sous-marins.
Marseille a simplifié le processus d'amarrage des câbles en mettant en place une infrastructure "plug and play", permettant aux câbleurs de se connecter facilement aux installations existantes. Cette approche réduit les coûts et les délais d'installation, rendant la ville particulièrement attractive pour les investissements dans les câbles sous-marins.
Cependant, la présence de câbles ne suffit pas. Des infrastructures terrestres robustes sont essentielles pour acheminer le trafic depuis Marseille vers le reste du continent et inversement. La France dispose d'un réseau de fibre optique parmi les plus performants au monde, avec un taux de pénétration élevé, soutenu par les initiatives gouvernementales.
D'autres régions françaises, comme la Bretagne, la Vendée, les Landes, la Normandie ou les Hauts-de-France, pourraient également devenir des hubs stratégiques. Avec une vision claire, une simplification administrative et des investissements appropriés, ces régions pourraient attirer des acteurs majeurs du secteur numérique, renforçant ainsi la position de la France sur la scène internationale.
Nous avons tout pour réussir.
Marseille a simplifié le processus d'amarrage des câbles en mettant en place une infrastructure "plug and play", permettant aux câbleurs de se connecter facilement aux installations existantes. Cette approche réduit les coûts et les délais d'installation, rendant la ville particulièrement attractive pour les investissements dans les câbles sous-marins.
Cependant, la présence de câbles ne suffit pas. Des infrastructures terrestres robustes sont essentielles pour acheminer le trafic depuis Marseille vers le reste du continent et inversement. La France dispose d'un réseau de fibre optique parmi les plus performants au monde, avec un taux de pénétration élevé, soutenu par les initiatives gouvernementales.
D'autres régions françaises, comme la Bretagne, la Vendée, les Landes, la Normandie ou les Hauts-de-France, pourraient également devenir des hubs stratégiques. Avec une vision claire, une simplification administrative et des investissements appropriés, ces régions pourraient attirer des acteurs majeurs du secteur numérique, renforçant ainsi la position de la France sur la scène internationale.
Nous avons tout pour réussir.
https://www.submarinecablemap.com
Mini-bio
Béatrice Ghorra ingénieure de formatione est une spécialiste reconnue en télécommunications et cybersécurité. Passionnée par les fondements du fonctionnement d’Internet, elle explore les enjeux qui dépassent la simple technique pour éclairer les évolutions de ce domaine et de notre monde.
Elle est l'autrice d'une newsletter sectorielle sur linkedin.
Pour en savoir plus :
Revue : Regards Maritimes 2021- 2022
Revue : Etudes Marines : "La Méditerranée " Mai 2023
Revue : Cols Bleus "Maîtrise des fonds marins "
Revue : Marine et Océans il-est-grand-temps-de-connaitre-les-grands-fonds-marins
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Pour en savoir plus :
Revue : Regards Maritimes 2021- 2022
Revue : Etudes Marines : "La Méditerranée " Mai 2023
Revue : Cols Bleus "Maîtrise des fonds marins "
Revue : Marine et Océans il-est-grand-temps-de-connaitre-les-grands-fonds-marins