Profitez du meilleur des médias sociaux sans qu'ils vous envahissent ou deviennent toxiques.
Point de vue de Natalie Maroun "il faut beaucoup de courage pour prôner l’empathie digitale comme moyen de prévention et de réponse. "
Dans mes lectures de ce mois, un ouvrage a retenu mon attention par l’originalité de l’approche. Dans un monde marqué par les risques et les cybermenaces, il faut beaucoup de courage pour prôner l’empathie digitale comme moyen de prévention et de réponse.
Dans Réseaux sociaux mon amour, Sébastien Ravut, auteur, expert en innovations digitales, sociales et environnementales et consultant spécialisé dans la stratégie de communication corporate, nous rappelle que, par volonté de nuire ou par simple maladresse, certains usages des médias sociaux peuvent avoir un impact préjudiciable aux individus ou aux organisations.
A l’ère des campagnes d’influence offensive et de désinformation, cet ouvrage rappelle que les plateformes numériques sont avant tout des réseaux humains et que les vulnérabilités dans lesquelles s’immiscent les trolls, hackers ou professionnels de la désinformation peuvent être également les clés pour répondre à ces campagnes à travers la pensée critique et l’empathie digitale.
Pour Veille Mag, j’ai rencontré cet expert geek empathique pour comprendre sa démarche et creuser les pistes qu’il propose. De la veille à la réponse, de l’intelligence émotionnelle à l’intelligence artificielle, un parcours qui n’est pas sans rappeler l’intelligence inventive chère à Bernard Besson.
Qu'est-ce que l'empathie digitale? En quoi est-elle différente de l'empathie dans les relations interpersonnelles ?
En travaillant au départ avec Vincent Houba , puis en développant seul un ensemble de propositions, de conseils et d’illustrations de ce process adapté à nos échanges en ligne, j’ai conçu et formalisé dans le livre l’empathie digitale. Une posture et des étapes pour se réaligner avec ce qu’on est vraiment, dans nos vies physiques et digitales, puis une sorte de défi de ne partager sur les réseaux que ce qu’on aime profondément.
Egalement une série de techniques de défenses pour affronter la violence des réseaux et une proposition pour reprendre ensemble un pouvoir bien humain en s’appuyant même sur les intelligences artificielles.
Quels sont les défis qui rendent l'empathie digitale difficile à mettre en oeuvre? cette approche peut-elle s'appliquer dans les clash, parfois extrêmement violents entre deux points de vue, deux idéologies, deux causes défendues ?
Une communication qui va oser prendre des risques mesurés, mais qui va éviter les écueils de la colère ou de la surréaction face à des attaques. Cela s’applique à la fois à une personne ou à une organisation. Et elle va permettre d’éviter déjà une partie des tensions.
Ensuite, lorsque les clashs arrivent, la cohérence définie au départ, va permettre de rallier plus facilement une communauté autour de soi, et d’affronter les trolls avec plus de rigueur et aussi plus d’empathie. Comme je l’explique à plusieurs reprises dans mon livre, les émotions qui sont partagées sur ses réseaux sociaux parlent aussi de ce que nous sommes en profondeur. Et les trolls, les vrais, sont les meilleurs pour révéler nos points sensibles et réveiller nos propres colères.
En tant que personne, ils nous invitent à travailler ce point précis et en tant qu’organisation, ils mettent en lumière une faille dans nos produits ou services. Je parle bien sûr de ces trolls qui nous touchent vraiment, par des dingues ou des bandes organisées de haters qui eux doivent être gérés par le blocage ou la justice.
Quels conseils donnerais-tu aux veilleurs, aux spécialistes de l'intelligence économique? Comment l'empathie digitale peut-elle les aider dans l'identification et la lutte contre la désinformation ? Les principes décrits s'appliquent-ils aussi aux organisations ?
Quels que soient les publics qu’on accompagne (jeunes utilisateurs, patrons ou organisations), la clé reste la même: l’éducation à la compréhension et à la navigation dans l’ univers complexe et une sensibilisation au rôle de la justice.
On omet souvent un point qui me semble pourtant fondamental dans nos échanges digitaux : les émotions.
C’est là que l’empathie digitale peut intervenir :
- est-ce qu’une structure est déjà bien alignée entre ce qu’elle est et ce qu’elle dit être sur les réseaux ou son site ? Est-ce qu’elle prend bien soin de le partager sur les réseaux ?
- Est-ce qu’en cas d’attaques, les équipes, en intelligence collective ont bien été informées et formées à réagir avec leurs émotions et en fonction de la stratégie co-construite donc bien compris dans l’organisation ? - Est-ce qu’avec la structure et les humains qui la composent portent une vision de leur présence actuelle et futur sur ces réseaux, ou sont ils là “parce qu’il faut bien y être”... ?
Ce process va permettre de limiter les risques et de s’engager dans un travail de communication collective, qui permettra, je l’ai vu souvent, une bien meilleure réactivité aux désinformations, aux attaques de trolls.
Qu'as-tu découvert en écrivant cet ouvrage que tu ne savais pas encore ?
J’ai d’abord découvert que nous sommes des milliards à être connectés sur ces réseaux à titre perso et pro, mais que nous sommes peu nombreux à trouver un espace pour analyser ce que nous y faisons vraiment. Chaque personne que je rencontre et avec laquelle je parle de mon livre se confie à moi comme à une sorte de psy des réseaux. Je ressens vraiment ce besoin d’en parler car en général les émotions débordent. On les déteste mais on est obligé par son travail, son entourage, on veut comprendre. On les adore et on sait qu’on va trop loin. On est à l’aise et on aspire à devenir l’influenceur de sa petite ou grande communauté. On a renoncé, tel un ermite, à tous les réseaux. Etc.
J’ai au fond découvert que ce qui manque à nos échanges digitaux est exactement ce qui manque à nos échanges en face à face : une capacité à nous remettre en relation, profonde, apaisée. Cela passe par l’expression respective de nos visions, nos ressentis, nos besoins et par des demandes précises.
Sébastien Ravut, merci et rendez-vous avec votre livre paru aux Editions Eyrolles.
Que vous soyez un commentateur-cliqueur compulsif, un créateur assidu, un observateur silencieux ou un simple utilisateur irrégulier des réseaux sociaux, ce livre vous est destiné. Quelle que soit notre manière de les consommer, notre défi commun n’est-il pas d’en profiter sereinement, sans les laisser nous envahir ni devenir toxiques ? Car si ces réseaux sont digitaux, les échanges qu’ils permettent sont, eux, bien humains. Il est important, plus que jamais, d’en faire aussi des espaces apaisés, placés sous le signe de la bienveillance – des espaces, en somme, où exercer son « empathie digitale » !
Sébastien Ravut met en perspective notre façon d’interagir avec ces médias et trace des pistes concrètes et inspirantes pour tirer parti du meilleur de ce qu’ils ont à nous offrir. À l’heure de l’intensification de nos échanges en ligne, de la circulation accrue de fausses informations, parfois de clashs, et maintenant du développement des intelligences artificielles, une nouvelle révolution digitale, sociale, voire empathique, est en cours. Ce livre essentiel est une invitation à y prendre part.