Gestion de crise

Questions à Natalie Maroun à l’occasion de la parution de "La Boite à outils de la communication de crise" (Dunod, 2025)


Jacqueline Sala
Lundi 31 Mars 2025


Dunod, l'éditeur de référence dans les domaines de l'éducation et de la pratique professionnelle, annonce la publication de « La Boîte à outils de la Communication de crise ». Ce livre, accessible dès le 2 avril, s'adresse à tous ceux qui souhaitent maîtriser les stratégies efficaces pour gérer et communiquer sur une crise, qu’elle soit médiatique, organisationnelle ou digitale.



55 outils clés-en-mains & 5 vidéos d'approfondissement.

Nous avons à cette occasion rencontré son auteur, Natalie Maroun, Directrice associée de l'agence "element" et Ambassadrice pour le Climat de la Commission Européenne.
Lien vers l'ouvrage "La Boîte à outils de la Communication de crise".
55 outils clés-en-mains & 5 vidéos d'approfondissement.

À l’heure où la désinformation prend de l’ampleur, quelles techniques recommandez-vous pour y répondre efficacement sans nuire à la crédibilité ?

La désinformation nait dans des contextes de crise et se nourrit d’émotions. Elle se propage rapidement et a pour conséquence de semer le doute et de fragiliser la confiance. Se préparer à y faire face est complexe. Dans la Boite à outils de la communication de crise, j’ai souhaité y consacrer un outil complet (outil 50), basé sur les 3 filtres de Socrate (vérité, intentionnalité, utilité) pour y répondre.  

On confond parfois la désinformation, avec le mensonge, or, la désinformation est à l’interface entre le faux et l’intention de nuire, et cela peut prendre plusieurs formes du faux contexte, au contenu factice en passant par les manipulations de l’information.

Dans ces cas, il est important de ne pas se tromper de crise en voulant absolument gagner le débat d’idées. Pour cela, j’insiste sur l’importance d’une veille active et ciblée, visant à détecter les signaux faibles, partant du principe qu’une organisation cible de désinformation aura toujours un train de retard sur la réponse apportée. La veille permet également de préparer les pistes de réponse en identifiant les besoins légitimes et les émotions des publics.

Enfin, face à une campagne de désinformation, il est important de ne pas rester seul. La réponse est toujours plus audible quand ce sont « les autres qui le disent », appuyez-vous sur des parties prenantes, alliés, et tiers de confiance (experts, journalistes, partenaires), qui sont en capacité d’apporter leur vision et leur réponse à la situation.
Face à la désinformation, l’enjeu n’est pas de démentir, mais de reconstruire la compréhension et la cohérence.
 

Dans un contexte de forte polarisation, comment favoriser un dialogue constructif en situation de crise ?

C’est justement en raison de la polarisation qu’il faut renforcer sa communication. Néanmoins, cela ne signifie pas émettre davantage de messages. Pour désamorcer les conflits, la clé réside dans le fait de commencer à écouter : cartographier les publics, leurs émotions, leurs besoins et leurs attentes. J’y consacre un dossier entier et pas moins de 6 outils à cette fin (outils 8 à 13).

Cela va permettre d’adapter ses messages à ses publics, sans renoncer aux fondamentaux, mais en tenant compte des filtres de perception (outil 30). Cela nécessite non pas de changer de stratégie, ou d’adopter des messages « à la tête du client », mais d’incarner une posture de dialogue, tout en tenant compte des étapes de l’écoute vers la réponse, tout en suivant le rythme des parties prenantes. Et cela est tout le contraire de la communication défensive, forme que prend parfois à tort la communication de crise.
 

Quelles pratiques recommandez-vous pour identifier et contrer efficacement la désinformation dans un contexte d’infobésite ?

Dans un environnement saturé d’informations, le risque est d’opérer un transfert de notoriété en répondant à des commentaires, ou à des contenus qui n’étaient pas très visible. C’est le fameux effet Streisand, du nom de la célèbre chanteuse. Cela exige du communicant de travailler avec les outils de la veille stratégique, et de structurer son approche, en définissant ce qu’il est important de surveiller, les canaux, la fréquence, et surtout de définir des indicateurs d’alerte (outils 4 et 5).

Ensuite, sa tache consiste à trier, analyser, interpréter, plutôt que tout traiter comme nécessitant une réponse. En effet, il est important de ne pas répondre à tout, mais de détecter les récits qui ont un potentiel viral ou qui pourraient fragiliser la réputation d’une organisation.

C’est en croisant l’intelligence humaine et les outils de veille (social listening) qu’on anticipe et qu’on répond au mieux aux crises digitales.
 

Comment reconstruire durablement la confiance après une crise ?

La communication ne peut pas se contenter de simples messages bien formulés pour reconstruire la confiance. Après la crise, commence une étape longue qui se caractérise par trois piliers : la transparence, la cohérence dans le temps et l’engagement concret. La reconstruction post-crise fait l’objet de 4 outils dédiés à l’interne et à l’externe (outils 52 à 55) et qui décrivent ce processus. Ces outils  sont multiples mais un principe est universel : la reconnaissance des erreurs lorsqu’il y en a, est une étape indispensable : la confiance exige de l’humilité et de l’engagement. J’insiste longuement dans ces outils sur le fait que reconstruire la confiance nécessite d’associer les publics dans la communication.

Bien gérée, la communication permet à l’organisation de saisir la crise comme une opportunité de renforcer le lien avec les parties prenantes, si elle réussit à prouver qu’elle a su apprendre de ses erreurs, écouter ses publics pour évoluer, et surtout… tenir ses promesses
 

Merci Natalie Maroun de nous avoir accordé cet entretien.

Directrice associée d'element, agence de conseil en gestion de crise, formatrice à l'INSP, elle exerce aujourd’hui des activités de conseil auprès de la Banque mondiale, l’Organisation Internationale de la Francophonie et de l’OCDE en communication sensible, communication des risques et communication publique.

"Après 15 ans de conseil en gestion de crise généraliste, j'ai souhaité fonder un cabinet spécialisé dans l'accompagnement aux défis de demain. L'intelligence économique, la veille et les nouvelles technologies d'information et de communication apparaissent dès lors comme l'outil privilégié du gestionnaire et communicant de crise dans la possibilité qu'elles offrent pour détecter, alerter et gérer, en somme prévenir la crise et en maitriser les impacts.