Le Cahier des Tendances

Ré-approprions-nous notre futur ! Tribune libre de Geneviève Bouché.


Jacqueline Sala
Dimanche 8 Septembre 2024


Le vivant évolue localement, mais il est en connexion permanente avec le reste du monde. En affichant leur volonté de favoriser le « retour au local », les générations montantes mettent un terme aux folles tentatives de globalisation qui ont marqué la fin du siècle dernier.




« Quand l’actualité va vite, il faut regarder loin pour prendre des décisions sur l’avenir proche ».

La grogne monte chez les consommateurs d’analyses financières et autres prévisions économiques : « Pourquoi ne cessent-ils de se tromper ? ».

Philippe Gattet, dans sa vidéo Xerfi du 5/9/24 y apporte sa réponse. La réalité est plus complexe, mais accepter la réalité nous conduit vers plus d’autonomie de pensée économique et stratégique.
« Quand l’actualité va vite, il faut regarder loin pour prendre des décisions sur l’avenir proche ». (Wilson Churchill). En ce moment, l’actualité va vite. Il nous est donc nécessaire de revoir notre manière d’appréhender le futur.

Cela est nécessaire pour chaque décideur afin qu’il ajuste ses prises de décision et qu’il contribue à la cohérence des stratégies de son territoire, de sa nation et de son bloc géopolitique.
Cela concerne aussi tous les citoyens pour qu’ils soient exigeants envers les partis politiques qui les représentent : une compréhension partager des mutations sociétales en cours et des débats argumentés sur la manière d’en tirer des opportunités.
Le futur n’est pas VUCA [[1]] . Le futur, c’est le vivant qui le produit et le vivant a des capacités incroyables d’adaptation face à des dangers ou des opportunités. Ce que nous attribuons au hasard relève généralement de notre ignorance quant à l’interprétation des arbitrages faits par le vivant, dont les Hommes font partie.
Appréhender le futur relève d’une série de savoir-faire.
 
[[1]] Volatile, incertain, complexe et ambgü : cet acronyme a été créé dans les années 70 par l’armée américaine pour développer l’idée que les USA sont protecteurs de leurs ressortissants et de leurs alliés. Il a été propagé à la fin de la guerre froide en 1987.

Retour vers le Futur

Le plus ancien est l’astrologie.
Nos aînés utilisaient les astres comme un calendrier. Ils ont ainsi observé que les astres avaient une influence sur le vivant.
Cette approche nous indique par exemple que nous terminons l’ère du poisson au profit de l’ère du verseau. Concrètement, nous quittons la gouvernance par les dogmes au profit de la gouvernance par la rationalité.

À partir du 20ème siècle, l’approche s’est décomposée en 3 temps :
  • Le court terme (0 à 3 ans) qui est l’affaire des prévisionnistes. Ils travaillent avec des données qu’ils mettent en corrélation.
  • Le moyen terme (3 à 5 ans) qui est l’affaire des prospectivistes. Ils travaillent avec des scénarios à partir d’hypothèses.
  • Le long terme (30 à 120 ans) qui est l’affaire des futurologues. Ils produisent des tendances qui permettent aux prospectivistes de travailler et aux auteurs de science-fiction de s’adresser à des publics larges pour les influencer ou simplement les faire réfléchir.

La futurologie comporte deux branches

  • La futurologie systémique qui part du principe que tout est lié. Donc si un élément du système vivant bouge, les autres bougent automatiquement. Ils travaillent avec des séquences statistiques dont ils tirent des corrélations.
Cette approche est confrontée aux mêmes reproches que ceux adressés à l’IA : elle dépend de la disponibilité et de la qualité des données. Ses résultats sont empreints des biais cognitifs des équipes qui réalisent les travaux. Mais surtout, elle est incapable d’appréhender les capacités d’adaptation du vivant.
 
  • La futurologie cybernéticienne part du principe que le vivant s’adapte à travers des processus de décision enclenchés au gré des dangers et des opportunités.
Cette approche part de l’état des connaissances les plus avancées en matière de sciences de la vie et de la terre et elle opère une veille permanente sur les innovations et les expressions artistiques, puisque l’Homme est lui-même en phase incessante d’évolution.
Avec les progrès considérables réalisés actuellement pour appréhender l’infiniment petit et l’infiniment grand et pour remonter dans le temps, cette discipline devient de plus en plus riche et capable de proposer des visions explicites.
 

Travailler le futur devient donc moins hypothétique et de plus en plus nécessaire.

Le vivant évolue localement, mais il est en connexion permanente avec le reste du monde. En affichant leur volonté de favoriser le « retour au local », les générations montantes mettent un terme aux folles tentatives de globalisation qui ont marqué la fin du siècle dernier.
Ceci ne les empêche pas de rendre leurs visions compatibles avec celles de leurs partenaires, comme le font les API[[1] dans les systèmes informatiques.

Travailler le futur devient donc moins hypothétique et de plus en plus nécessaire. Les décideurs qui vont y avoir recours vont être plus réactifs et plus crédibles que les analystes haut perchés et trop souvent drapés dans des dogmes.
Profitons de la manne de connaissances que nous produisent avec passion nos chercheurs, nos découvreurs et nos créatifs pour nous doter de stratégies qui protègent le long terme tout en rendant le moyen et court terme réactif.
 

[[1]] Interfaces permettant l’interopérabilité avec d’autres systèmes et la scalabilité pour pouvoir suiver les évolutions à la hausse ou à la baisse …

Merci Geneviève Bouché pour ce regard vers le futur !

Gardez le contact !
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Geneviève Bouché, futurologue cybernéticienne française, se spécialise dans l'économie de l'innovation et la prospective. Docteure en sciences des organisations, elle a une formation en télécommunications, économie, sociologie et futurologie. Elle a contribué à l'industrie du numérique en France et a fondé une agence de management de l'innovation.
Dirigeante d'entreprise, auteure et intervenante dans des think tanks, elle est reconnue pour ses conférences TEDx. Ses travaux et publications portent sur l'économie, la ré-industrialisation, la recomposition du tissu entrepreneurial et les évolutions sociétales. En tant que futurologue, elle identifie les grandes tendances sociétales et propose des stratégies à long terme pour relever les défis du changement civilisationnel actuel.