Intelligence des risques

Regardez ! Les routes de la soie sont un piège à éviter. La question à se poser est : quelle est la stratégie de la Chine ? Christian Harbulot


Jacqueline Sala


En apprenant à éviter les conflits avec d'autres puissances communistes et à se faire reconnaître par le monde occidental, la Chine a su surmonter de nombreux obstacles et évoluer. Cette capacité à naviguer dans un environnement hostile et à s'adapter aux influences extérieures a forgé sa position actuelle sur la scène internationale. PAR RISKINTEL MEDIA



ENTRETIEN AVEC CHRISTIAN HARBULOT

RISKINTEL MEDIA
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Il est important de noter que la simple mention du marché et de la finance ne suffit plus pour comprendre l'équilibre mondial.

Les Chinois ont compris qu'il était possible de conclure des alliances profitables avec des adversaires, tout en évitant de reproduire le destin de l'Union soviétique. Christian Harbulot a  pour  objectif est de partager une approche de recherche appliquée qui combine la production de connaissances avec la réflexion en collaboration avec divers acteurs. Son centre, le CR451, met en œuvre une démarche de regroupement et de réflexion avec d'autres acteurs tels que Linalco et l'école des sciences de la conception ENSC Bordeaux.
Christiant Harbulot : Je collabore avec des chercheurs étrangers pour mettre en place des actions innovantes dans le cadre de la guerre économique. Le 26 octobre, un colloque international au Sénat abordera ce sujet, avec la participation de divers experts étrangers. Nous travaillons également avec des chercheurs allemands sur la guerre de l'information dans le contexte européen, malgré nos désaccords économiques. Notre approche non sectaire et constructive nous permet d'aborder les menaces variées pesant sur l'Europe. Nous avons une ouverture d'esprit et privilégions l'innovation.
Dans notre prochain entretien, nous aborderons des sujets tels que les lacunes intellectuelles ou logistiques, en mettant notamment l'accent sur les rapports récents. Nous discuterons également de la guerre économique impliquant la Chine, en mettant en lumière le point de vue d'Edouard Philippe.

Quelle est vision stratégique des élites françaises ?


Édouard Philippe a réagi à une citation sur la guerre économique, affirmant ne pas aimer ce terme. Cependant, cela soulève des questions sur la vision stratégique des élites françaises.

Le véritable problème n'est pas la préférence personnelle pour un terme, mais la nécessité pour la France de faire face à divers conflits, y compris économiques, et de relever des défis pour se développer et prospérer. Les politiciens doivent démontrer une qualité intellectuelle et une capacité à réfléchir de manière stratégique pour sortir le pays de sa situation actuelle, en développant l'économie pour soutenir des secteurs clés tels que l'éducation, la santé et les transports.

Les  responsables politiques doivent comprendre le paysage mondial actuel et intègrer la notion de guerre économique dans leur vision stratégique. Les dirigeants mondiaux, y compris ceux des États-Unis, de la Russie, de la Chine, de l'Inde et de l'Iran, adoptent une approche plus directe et franche face à ces enjeux. La montée du protectionnisme est un élément clé de cette guerre économique, et les politiciens français doivent être prêts à y faire face pour le bien du pays. Il est crucial que les futurs candidats à la présidence comprennent l'importance de cette notion et soient prêts à y faire face avec détermination.

Il faut se poser la question du plan chinois en matière de guerre économique, en considérant la stratégie maoïste actuelle. La Chine a une approche basée sur la dissimulation de sa stratégie pour rassurer et plaire à ses adversaires. Cela rappelle l'importance de comprendre le fonctionnement du Parti communiste chinois, véritable machine de guerre idéologique. En apprenant à éviter les conflits avec d'autres puissances communistes et à se faire reconnaître par le monde occidental, la Chine a su surmonter de nombreux obstacles et évoluer. Cette capacité à naviguer dans un environnement hostile et à s'adapter aux influences extérieures a forgé sa position actuelle sur la scène internationale. Il est nécessaire de reconnaître l'importance de la connaissance, de l'information et de l'image dans ces interactions politiques et économiques.
En fin de compte, la réussite de la Chine repose sur sa capacité à tirer profit de ses méthodes de combat au fil du temps.

La Chine a une stratégie complexe et inquiétante

La France a été l'un des premiers pays à reconnaître la Chine, ce qui est considéré comme une erreur. Reconnaître la Chine communiste, notamment pendant la guerre du Vietnam, où elle a contribué à la défaite française, est critiqué. Il est rappelé que la Chine communiste est un pays particulier et qu'il ne faut pas oublier son implication dans des événements historiques lors de sa reconnaissance. Il est souligné que le Général de Gaulle aurait dû se rappeler de certaines images liées à la Chine communiste et à la guerre du Vietnam...

La Chine a une stratégie complexe et inquiétante.  La France cherche à créer une troisième voie indépendante des blocs de l'Ouest et de l'Est, mais doit rester vigilante face aux intentions réelles de la Chine. L'effondrement de l'Union soviétique a poussé la Chine communiste à éviter le même sort. Les contrats commerciaux avec la Chine suscitent des interrogations sur sa stratégie réelle.
Il faut reconnaître l'importance cette stratégie au-delà des apparences.
La Chine tente de s'ouvrir à l'Occident tout en préservant ses intérêts et sa stabilité politique. La question de la stratégie chinoise reste donc centrale pour la France et d'autres acteurs internationaux. La méfiance vis-à-vis des discours extérieurs et des intentions cachées de la Chine doit être soulignée. La complexité de la politique chinoise est mise en avant, notamment à travers l'analyse du maoïsme et du socialisme.
Les piliers stratégiques du maoïsme et la méthode de lecture de cet héritage sont discutés, malgré le manque de reconnaissance des maoïstes français à l'époque. La presse officielle chinoise est critiquée pour son discours de propagande stalinien.
Le Petit Livre Rouge est comparé à la formation de Pékin, soulignant son rôle précis dans la préparation des masses au combat. L'importance de former les citoyens au combat est
ée rappelé, en insistant sur la nécessité de paraître être faible pour réussir.

Les routes de la soie sont connues comme un piège bien choisi, mettant en lumière la mécanique de combat cognitive.

Christian Harbulot évoque le défi de comprendre l'expansion économique chinoise, soulignant la publication officielle d'un plan logistique stratégique par le Parti communiste chinois. Un site internet appelé "réticular" sera bientôt lancé pour suivre les routes de la soie, mettant en avant leur importance pour le commerce mondial et la création d'emplois. Les Chinois considèrent la logistique comme un moyen d'enrichir leur pays à travers des initiatives telles que les routes de la soie, ce qui représente une leçon pour les Occidentaux.
Il est souligné que la France fait preuve de réticence à s'engager dans cette stratégie de conquête économique chinoise. Nos responsables politiques, dont Édouard Philippe, doivent  lire le rapport sur la logistique chinoise pour mieux comprendre les enjeux économiques et stratégiques en jeu.
Les routes de la soie sont connues comme un piège bien choisi, mettant en lumière la mécanique de combat cognitive.
L'image de Marco Polo, l'aventurier découvrant un nouveau monde, fascine et symbolise la valeur de la soie et les nouveaux axes d'échange.  Les nouvelles routes de la soie cachent une véritable machine de guerre économique, avec un focus sur la Hongrie et la Serbie. Les Chinois ont su tirer profit des alliances lucratives avec des adversaires, comme les Pays-Bas, connus pour leur expertise en commerce maritime. Les Pays-Bas sont devenus la porte d'entrée de la Chine en Europe, diffusant leurs produits sur le continent. Cette stratégie a contribué à creuser le déficit commercial français avec la Chine et souligne la capacité des Hollandais à composer avec leurs adversaires pour prospérer économiquement.

Il est important d'observer les compétences des autres pays et de tirer des leçons de leur stratégie. L'exemple des Pays-Bas, rusés et doués, doit être étudié pour en tirer profit. Il ne faut pas méconnaître les chiffres d'Eurostat et apprendre humblement des meilleures pratiques des autres. Maîtriser le territoire est crucial pour le contrôle efficace, comme le font les maoïstes en Chine.

En France, l'élite concentrée dans les grandes villes montre une déconnexion avec le reste du pays, ce qui peut être un défi.
S'inspirer de la capacité des élites chinoises à mailler efficacement le territoire pourrait être une stratégie intéressante pour l'élite occidentale.
Cela peut être une piste de réflexion pour faire face aux défis actuels, notamment en termes de schisme entre le peuple et les élites.

L'agriculture française était en train de disparaître économiquement, malgré son importance historique et son rôle vital dans la survie de la population. L'agriculture reste un élément essentiel de l'économie française, mais elle est négligée au profit d'autres priorités. Un exemple de cette négligence est l'incident récent à Sciences Po Paris, où des étudiants ont perturbé une réunion importante sans que la direction n'intervienne pour rétablir l'ordre. Certains participants ont même décidé de ne plus fréquenter l'école en raison de cet événement.
Cette situation montre un clivage entre les élites françaises et la réalité vécue par la population, ce qui entraîne des incompréhensions et des tensions sociales. Il est vital de donner plus de soutien à l'agriculture et de résoudre ces problèmes pour éviter une radicalisation plus grande de la société.

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Christian Harbulot, est un  expert international en intelligence économique.Il a participé au Rapport Martre, texte fondateur de l’intelligence économique en France.  Il est directeur de l'École de guerre économique et directeur associé du cabinet de conseil Spin Partners, spécialisé en intelligence économique et lobbying.
Il a également créé le CR451.
Auteur de très nombreux ouvrages, il est l'un des 5 fondateurs de l'EPGE - Ecole de la pensée sur la Guerre Economique, aux côtés de Nicolas Moinet, Eric Delbecque, Olivier de Maison-Rouge et Ali Laïdi.

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Directeur chez EGE et directeur associé du cabinet Spin partners