Ces dernières années l’ère des grandes transitions est devenue celle des ruptures. Il y a celles que nous vivons , celles qui sont incertaines et celles que nous ne connaissons pas.
Pour Philippe Clerc le monde est entre en polycrise (Edgar Morin et World Economic Forum) et le nouvel ordre (mode de régulation) tarde à venir. Cette agonie, s’accompagne de crises et de fragmentation du monde, qui se manifestent par de nombreuses crises (polycrises). Cette période d’entre-deux est toujours difficile à lire, voire est incompressible.
Cette « reconfiguration » de l’économie-monde s’opère dans un contexte de crises disparates – changements radicaux des modèles énergétiques et productifs , crise climatiques et crises environnementales, géopolitiques, sécuritaires, socio-économique – qui « interagissent de telle sorte que l'impact global dépasse de loin la somme de chaque partie ». Le risque devient imprévisible (Global Risks report 2023 du World Economic Forum).
Ces convulsions, ce conflit entre plaques tectoniques (Bruno Tertrais) s’expriment de nouvelles formes de conflictualité : la compétition, la contestation, l'endiguement pour contenir les avancées des adversaires et enfin l'affrontement, effaçant les espaces de détente et de coopération peu à peu.
Dans un tel contexte, il y a urgence à repenser la sécurité globale Afrique-Europe, mise à mal par le retour des sphères d’influence, un monde multipolaire. Autour de puissances régionales, comme la Chine, la Russie, la Turquie, l’Inde, d’Etats du Golfe, au détriment des vieilles puissances comme les Etats-Unis, l’Europe.
Il est évident que les Etats-Unis, sur le continent, joueront leur partition et développeront une nouvelle stratégie pour protéger leurs intérêts. Dans un communiqué de la Maison Blanche daté du 8 Août 2022 annonçant la publication de la stratégie américaine « Stratégie des Etats-Unis pour l’Afrique sub-saharienne », on a pu lire : « Cette nouvelle stratégie nous incitera à recentrer, renouveler et renforcer les programmes existants, ainsi qu'à recommander et développer de nouvelles initiatives.» Ces stratégies privilégient la stimulation des investissements (notamment dans le secteur privé), la transition verte et la transformation numérique, le développement de grandes infrastructures et, éventuellement, la création d’emplois. Mais, elles ne sont que la continuité de celles existantes, c’est-à-dire basées sur la coopération technique et ne semblant pas prendre en compte les ruptures à l’œuvre.
Philippe Clerc partage l’analyse d’Achille Mbembe professeur d’histoire et de sciences politiques à Johannesburg qui appelle l’Europe à sortir d’une vision apolitique du développement et à dépasser l’approche techniciste de l’Afrique. Cela vaut certainement pour l’approche américaine.
Il écrit en effet : «…en procédant comme si les problèmes de développement socio-économique découlaient ultimement d’un manque de capacités financières, techniques et administratives et n’étaient pas causés par des structures de pouvoir et de "vulnérabilisation", l’Union européenne s’est privé d’une vision géopolitique de l’Afrique (Un New Deal entre l’Europe et l’Afrique est-il possible ? « Le Grand Continent, 7 février 2022.)». Comment en sommes-nous arrivés là. Un suggestion très pertinente nous est inspirée par Philippe Baumard. Dans son ouvrage « Le vide stratégique » paru en 2012 (disponible aujourd’hui en pdf), il décrivait les éléments de cette absence de vision.
« Nous nous retrouvons finalement, en ce XXIème siècle, dans un état de surprise permanent, où tout est devenu incongru parce que nous sommes en état de vide […]. La mécanique contemporaine du vide est celle d’une interminable répétition : répétition de schémas hérités du passé, répétition de solutions toujours identiques que l’on duplique et on réapplique aveuglément à chaque nouvelle situation. »
Pour Philippe Clerc le monde est entre en polycrise (Edgar Morin et World Economic Forum) et le nouvel ordre (mode de régulation) tarde à venir. Cette agonie, s’accompagne de crises et de fragmentation du monde, qui se manifestent par de nombreuses crises (polycrises). Cette période d’entre-deux est toujours difficile à lire, voire est incompressible.
Cette « reconfiguration » de l’économie-monde s’opère dans un contexte de crises disparates – changements radicaux des modèles énergétiques et productifs , crise climatiques et crises environnementales, géopolitiques, sécuritaires, socio-économique – qui « interagissent de telle sorte que l'impact global dépasse de loin la somme de chaque partie ». Le risque devient imprévisible (Global Risks report 2023 du World Economic Forum).
Ces convulsions, ce conflit entre plaques tectoniques (Bruno Tertrais) s’expriment de nouvelles formes de conflictualité : la compétition, la contestation, l'endiguement pour contenir les avancées des adversaires et enfin l'affrontement, effaçant les espaces de détente et de coopération peu à peu.
Dans un tel contexte, il y a urgence à repenser la sécurité globale Afrique-Europe, mise à mal par le retour des sphères d’influence, un monde multipolaire. Autour de puissances régionales, comme la Chine, la Russie, la Turquie, l’Inde, d’Etats du Golfe, au détriment des vieilles puissances comme les Etats-Unis, l’Europe.
Il est évident que les Etats-Unis, sur le continent, joueront leur partition et développeront une nouvelle stratégie pour protéger leurs intérêts. Dans un communiqué de la Maison Blanche daté du 8 Août 2022 annonçant la publication de la stratégie américaine « Stratégie des Etats-Unis pour l’Afrique sub-saharienne », on a pu lire : « Cette nouvelle stratégie nous incitera à recentrer, renouveler et renforcer les programmes existants, ainsi qu'à recommander et développer de nouvelles initiatives.» Ces stratégies privilégient la stimulation des investissements (notamment dans le secteur privé), la transition verte et la transformation numérique, le développement de grandes infrastructures et, éventuellement, la création d’emplois. Mais, elles ne sont que la continuité de celles existantes, c’est-à-dire basées sur la coopération technique et ne semblant pas prendre en compte les ruptures à l’œuvre.
Philippe Clerc partage l’analyse d’Achille Mbembe professeur d’histoire et de sciences politiques à Johannesburg qui appelle l’Europe à sortir d’une vision apolitique du développement et à dépasser l’approche techniciste de l’Afrique. Cela vaut certainement pour l’approche américaine.
Il écrit en effet : «…en procédant comme si les problèmes de développement socio-économique découlaient ultimement d’un manque de capacités financières, techniques et administratives et n’étaient pas causés par des structures de pouvoir et de "vulnérabilisation", l’Union européenne s’est privé d’une vision géopolitique de l’Afrique (Un New Deal entre l’Europe et l’Afrique est-il possible ? « Le Grand Continent, 7 février 2022.)». Comment en sommes-nous arrivés là. Un suggestion très pertinente nous est inspirée par Philippe Baumard. Dans son ouvrage « Le vide stratégique » paru en 2012 (disponible aujourd’hui en pdf), il décrivait les éléments de cette absence de vision.
« Nous nous retrouvons finalement, en ce XXIème siècle, dans un état de surprise permanent, où tout est devenu incongru parce que nous sommes en état de vide […]. La mécanique contemporaine du vide est celle d’une interminable répétition : répétition de schémas hérités du passé, répétition de solutions toujours identiques que l’on duplique et on réapplique aveuglément à chaque nouvelle situation. »
Pour Philippe Clerc, nous sommes bien en état de vide stratégique.
Pour Philippe Clerc, il est temps de sortir d’une « approche techniciste et apolitique » de l’aide publique au développement. Déjà en 1988 Valentin Mudimbe dans « L’invention de l’Afrique » peut nous inspirer. Il procède dans son ouvrage au démontage critique des discours dits africanistes qui ont contribué depuis le 19e siècle à construire l’objet « Afrique ». Au-delà des « discours », il convient de se pencher sur les modes opératoires de « l’aide au… », ainsi que sur la rupture actuelle de la conflictualité « contestation et affrontement ».
Achille Mbembe l’exprime ainsi : « La solidarité Europe-Afrique et Afrique-Europe devrait aller au-delà de l’aide publique au développement, qui par définition va des bailleurs étatiques envers les gouvernements et les ONG africains. »
Revisiter, voire repenser nos capacités d’anticipation, plus précisément nos capacités d’intelligence des situations et du futur – et donc nos grilles de lecture et nos outils. Il y a un caractère d’urgence à répondre. En effet, « au vu de la vaste transition sociétale en cours sur le continent, combler l’écart entre la puissance de création culturelle des sociétés et des communautés et la faible qualité de la vie publique et institutionnelle relève de l’urgence ».
Il rappelle ce que le professeur Stevan Dedijer1 proposa dès les années 70. Afin de répondre au déficit de connaissance produites par les réseaux et les capacités locales1 Philippe Clerc , « Il faut bien que peu à peu s’atténue l’incompréhension entre l’Afrique et l’Occident » : regard d’un Européen sur l’intelligence économique en Afrique », Actes Forum des associations africaines d’intelligence économique,2018 d’analyse , l’expert international proposait la mise en place dans les pays en développement de doctrines nationales d’intelligence sociétale (social intelligence) basées sur une série de principes, de valeurs et de normes. Il recommandait aussi la mise en place d’organisations dédiées afin de guider le développement de la fonction d’animation du dispositif national et local d’intelligence sociétale.
Il insistait également sur le couple central de la connaissance et du « pouvoir de l’intelligence » dans le développement des écosystèmes sociétaux qui fondent les nations dans l’interaction des entreprises industrielles comme des entreprises agricoles, des agences gouvernementales, des associations et des lieux de pouvoir. C’est le travail que fait désormais depuis plusieurs années le Forum des Associations africaines d’intelligence économique, mais aussi le professeur Frimousse dont les actions et les réflexions sont relatés par ses publications au sein de l’Académie des sciences du Management de Paris.
Si rien ne change, l’issue peut être la rupture. Aussi, « le réencastrement » des actions de co-développement entre l’Afrique et l’Europe dans la vie sociale sur les territoires. Les analystes de la « Brooking Institution » ont conçu à ce titre un concept d’ « action non diplomatique » (Undiplomatic) suggérant de changer la politique.
Achille Mbembe l’exprime ainsi : « La solidarité Europe-Afrique et Afrique-Europe devrait aller au-delà de l’aide publique au développement, qui par définition va des bailleurs étatiques envers les gouvernements et les ONG africains. »
Revisiter, voire repenser nos capacités d’anticipation, plus précisément nos capacités d’intelligence des situations et du futur – et donc nos grilles de lecture et nos outils. Il y a un caractère d’urgence à répondre. En effet, « au vu de la vaste transition sociétale en cours sur le continent, combler l’écart entre la puissance de création culturelle des sociétés et des communautés et la faible qualité de la vie publique et institutionnelle relève de l’urgence ».
Il rappelle ce que le professeur Stevan Dedijer1 proposa dès les années 70. Afin de répondre au déficit de connaissance produites par les réseaux et les capacités locales1 Philippe Clerc , « Il faut bien que peu à peu s’atténue l’incompréhension entre l’Afrique et l’Occident » : regard d’un Européen sur l’intelligence économique en Afrique », Actes Forum des associations africaines d’intelligence économique,2018 d’analyse , l’expert international proposait la mise en place dans les pays en développement de doctrines nationales d’intelligence sociétale (social intelligence) basées sur une série de principes, de valeurs et de normes. Il recommandait aussi la mise en place d’organisations dédiées afin de guider le développement de la fonction d’animation du dispositif national et local d’intelligence sociétale.
Il insistait également sur le couple central de la connaissance et du « pouvoir de l’intelligence » dans le développement des écosystèmes sociétaux qui fondent les nations dans l’interaction des entreprises industrielles comme des entreprises agricoles, des agences gouvernementales, des associations et des lieux de pouvoir. C’est le travail que fait désormais depuis plusieurs années le Forum des Associations africaines d’intelligence économique, mais aussi le professeur Frimousse dont les actions et les réflexions sont relatés par ses publications au sein de l’Académie des sciences du Management de Paris.
Si rien ne change, l’issue peut être la rupture. Aussi, « le réencastrement » des actions de co-développement entre l’Afrique et l’Europe dans la vie sociale sur les territoires. Les analystes de la « Brooking Institution » ont conçu à ce titre un concept d’ « action non diplomatique » (Undiplomatic) suggérant de changer la politique.
Mobiliser les capacités d’intelligence organisationnelles,
- en « se concentrant sur les niches, l'innovation, les petits groupes capables de mener des actions ».
- dès lors, il convient d’inventer des alliances stratégiques capables de partager une intelligence et une prospective des ruptures et des risques.
- cela passe par les réseaux d’universités, les réseaux de campus (Modèle Université Senghor à Alexandrie) à côté des dispositifs institutionnels dans l’attente de leur transformation et surtout de l’écriture de leur nouvelle vision du co-développement.
Conclusion
L’urgence doit être décrétée. Nous vivons une situation de polycrise qui bouleverse la relation Afrique-Europe. Le nouveau modèle économique et surtout sociétal de cette relation, sa gouvernance, caractérisé par de nombreux « des actifs échoués » doivent être inventés. Sa
préfiguration autour « de la révolte des Brics surgit, illisible et chaotique, tardant à organiser sa régulation. « L’incertitude de toute les données » et le manque d’information créent un brouillard dangereux d’où peuvent surgir de « nouveaux monstres » (A.Gramsci)
préfiguration autour « de la révolte des Brics surgit, illisible et chaotique, tardant à organiser sa régulation. « L’incertitude de toute les données » et le manque d’information créent un brouillard dangereux d’où peuvent surgir de « nouveaux monstres » (A.Gramsci)
Pour aller plus loin
Intervention de Soufyane Frimousse
Intervention complète d'Azouz Begag
Intervention complète de Patrick Dambron
Retour sur les Rencontres de l'Africanité
Intervention complète d'Azouz Begag
Intervention complète de Patrick Dambron
Retour sur les Rencontres de l'Africanité