Il est impossible de gérer le chaos. En revanche, donnez-vous toutes les chances d’y survivre. Rencontre avec Raphaël De Vittoris, auteur de Surmonter les crises.
Nos remerciements aux Editions Dunod
Pourquoi avoir écrit ce livre ?
En tant que praticien de la gestion de crise au sein d’une multinationale et chercheur en sciences de gestion, je consacre toute mon énergie à contribuer à rendre les organisations les plus antifragiles possible. En d’autres termes, j’essaie non pas de rendre les organisations résistantes à la volatilité (ce qui tient plus de la résilience) mais bien bénéficiaires de cette dernière.
La conception du phénomène de crise à travers les théories de la complexité amène à reconsidérer nombre d’approches prônées jusqu’à présent. Elle permet une acceptation de l’inéluctabilité de tels évènements et une approche moins déterministe des crises et donc des lignes-guides considérées jusqu’alors nécessaires à leur gestion. Ces lignes-guides, devenues de véritables « fondamentaux » de la gestion de crise, tiennent parfois davantage d’idées reçues que de véritables clés de réussite.
Véhiculées par les activités de benchmark, par les rapports de consultants et par la littérature spécialisée, et ceci malgré de nombreux contre-exemples, ces idées reçues peuvent se révéler contre-productives pour la cellule de crise. Il m’a ainsi semblé essentiel de proposer une analyse constructive et décomplexée de certaines de ces idées reçues en vue de générer une réflexion et une approche.
La conception du phénomène de crise à travers les théories de la complexité amène à reconsidérer nombre d’approches prônées jusqu’à présent. Elle permet une acceptation de l’inéluctabilité de tels évènements et une approche moins déterministe des crises et donc des lignes-guides considérées jusqu’alors nécessaires à leur gestion. Ces lignes-guides, devenues de véritables « fondamentaux » de la gestion de crise, tiennent parfois davantage d’idées reçues que de véritables clés de réussite.
Véhiculées par les activités de benchmark, par les rapports de consultants et par la littérature spécialisée, et ceci malgré de nombreux contre-exemples, ces idées reçues peuvent se révéler contre-productives pour la cellule de crise. Il m’a ainsi semblé essentiel de proposer une analyse constructive et décomplexée de certaines de ces idées reçues en vue de générer une réflexion et une approche.
Vous présentez 5 idées reçues sur la gestion de crise, pouvez-vous nous les présenter en quelques lignes ? Ces cinq idées se complètent et sont abordées selon une approche chronologique
Les signaux faibles sont détectables avant la crise
L’augmentation constante des processus de veille est une évidence et va de pair avec la multiplication des sous-traitants proposant de tels services. Toutefois, nous constatons en parallèle la répétition des exclamations de surprises face aux crises qui frappent nos organisations par ces mêmes gestionnaires.
La course aux signaux faibles n’est-elle pas une utopie contribuant à créer un sentiment injustifié de sécurité chez les dirigeants des organisations ?Un leader « chef de guerre » est essentiel
L’analyse scientifique des cas de crises ainsi que l’expérience pratique nous amènent à une grande suspicion quant à cette vision fantasmée du leader. Une telle approche du leadership de crise nous semble constituer une porte ouverte à l’expression de biais profonds sans organe de contrôle ou de contre-pouvoir et peut expliquer nombre de décisions non pertinentes voire délétères dans des situations de crise.
Nous proposons ainsi une notion de leadership pluriel, basé sur le désamorçage collectif de l’expression des biais pouvant louvoyer les interprétations de la cellule et donc ses décisions.
La temporalité des crises suit un pattern
Nombre d’ouvrages de la discipline segmentent la crise en différentes phases représentant une temporalité des évènements et une dynamique. Notre propos est de souligner que cette approche n’est pas en mesure de décrire les crises à la fois immédiates et holistiques telles que les cyberattaques les plus violentes. Selon nous, c’est bien le jugement des événements qui dessine la dynamique des crises (en d’autres termes l’interprétation des membres de la cellule de crise et rien d’autre), où l’environnement d’équilibre d’origine ne sera probablement jamais retrouvé par les organisations.
La planification comme élément pivot de la réaction face à la crise
La planification revêt une valeur quasi-talismanique pour nombre de professionnels et experts de la crise.
Elle possède une valeur rassurante pour les patrons, dirigeants et entrepreneurs qui pensent dès lors disposer d’un outil sur lequel se reposer lorsque le sol s’ouvrira sous leurs pieds. C’est bien par cette planification que nombre d’acteurs des organisations considèrent que toute la réponse à l’événement se base, se structure.
Or, la confiance exagérée envers le protocole, identifiée par les chercheurs et confirmée par nos observations, est à l’origine d’un danger implicite, dissimulé, parfois aussi dangereux que la crise elle-même. Ce danger se matérialise par les biais cognitifs menant à des interprétations erronées ou des prises de décisions inadaptées conduisant à aggraver la situation.
Elle possède une valeur rassurante pour les patrons, dirigeants et entrepreneurs qui pensent dès lors disposer d’un outil sur lequel se reposer lorsque le sol s’ouvrira sous leurs pieds. C’est bien par cette planification que nombre d’acteurs des organisations considèrent que toute la réponse à l’événement se base, se structure.
Or, la confiance exagérée envers le protocole, identifiée par les chercheurs et confirmée par nos observations, est à l’origine d’un danger implicite, dissimulé, parfois aussi dangereux que la crise elle-même. Ce danger se matérialise par les biais cognitifs menant à des interprétations erronées ou des prises de décisions inadaptées conduisant à aggraver la situation.
Le retour d’expérience est gage de progrès
L’utilité du retour d’expérience est un élément incontesté parmi les concepts-cœurs basant la discipline de gestion de crise.
Cependant, nous soulignons ce constat simple : au vu de l’importance et des bénéfices cruciaux des retours d’expérience aussi bien pour les individus que pour les organisations, comment se peut-il qu’après un nombre colossal de crises survenues à travers les pays et les organisations et ayant fait l’objet de retours d’expérience et même d’études scientifiques dans les cinquante dernières années ;
nombre de cellules de crise semblent pourtant encore incapables de maîtriser les évènements ?
Cependant, nous soulignons ce constat simple : au vu de l’importance et des bénéfices cruciaux des retours d’expérience aussi bien pour les individus que pour les organisations, comment se peut-il qu’après un nombre colossal de crises survenues à travers les pays et les organisations et ayant fait l’objet de retours d’expérience et même d’études scientifiques dans les cinquante dernières années ;
nombre de cellules de crise semblent pourtant encore incapables de maîtriser les évènements ?
Comment (pourquoi ?) avez-vous sélectionné ces idées reçues ?)
La pratique de la gestion de crise au sein d’une multinationale couplée à mes activités de recherches scientifiques et d’enseignement sur le sujet m’ont amené à rencontrer un grand nombre d’acteurs de la discipline tant du monde public que privé. Au cours des multiples échanges que j’ai pu avoir avec eux, j’ai pu constater la prégnance de sujets qui tenaient lieux
de « fondamentaux », et qui, par conséquent, n’étaient pas remis en question et ceci malgré la succession de crises aux conséquences désastreuses ayant justement basé leur organisation sur ceux-ci.
Les cinq sujets listés dans cet ouvrage sont tout simplement les idées-reçues le plus souvent (et aussi le plus ardemment) défendues par acteurs lors de nos échanges.
L’occultation spontanée et répétée de remettre en question ces « fondamentaux » et leur défense conditionnée par les organisations face à toute remise en question m’ont convaincu de l’intérêt de soumettre ces principes au crible de l’analyse.
de « fondamentaux », et qui, par conséquent, n’étaient pas remis en question et ceci malgré la succession de crises aux conséquences désastreuses ayant justement basé leur organisation sur ceux-ci.
Les cinq sujets listés dans cet ouvrage sont tout simplement les idées-reçues le plus souvent (et aussi le plus ardemment) défendues par acteurs lors de nos échanges.
L’occultation spontanée et répétée de remettre en question ces « fondamentaux » et leur défense conditionnée par les organisations face à toute remise en question m’ont convaincu de l’intérêt de soumettre ces principes au crible de l’analyse.
Un conseil à nous donner pour surmonter une crise ?
Mon conseil essentiel serait de tendre vers l’antifragilité en temps de paix pour être hyper préparé et adaptable en temps de crise. Un tel conseil sous-entend, entre autres, de se préparer mentalement à la perte de repères, de se rappeler qu’en situation de sidération ou de panique, les valeurs de l’organisation et sa raison d’être demeurent une boussole interprétative, de se reposer sur une organisation antifragile et de veiller à limiter l’expression des biais cognitifs des membres de la cellule.
Merci Raphael de Vittoris
Raphaël de Vittoris est en charge de la gestion de crise pour le groupe Michelin depuis plus de 7 ans. Il a élaboré et implanté le système de gestion de crise au sein de l’entreprise et a été à la tête de la cellule de crise du groupe durant la crise de Covid-19. Titulaire d’une thèse en science des organisations avec spécialisation en gestion de crise, il enseigne la gestion de crise et des risques dans divers masters (Lyon 3, Clermont-Ferrand, Paris 1 Panthéon Sorbonne, École Nationale Supérieure des Sapeurs-Pompiers).