Gouvernance

Election présidentielle et intelligence économique L’intelligence économique européenne est née ! Tribune Libre à Bernard Besson


Bernard Besson
Mardi 1 Juin 2021




Lors de son audition le 20 mai 2021 au Sénat M Joffrey Célestin-Urbain a répondu aux questions des sénateurs portant sur le dispositif français de sécurité économique. Le chef du Service d’information stratégique et de sécurité économique de Bercy intervient à la suite de la proposition de loi du Sénat du 25 mars 2021 portant création d’un programme national d’intelligence économique.
 

Election présidentielle et intelligence économique L’intelligence économique européenne est née ! Tribune Libre à Bernard Besson

La crise de la Covid 19 accélère en France et en Europe un goût pour la sécurité économique.

 La perception des intelligences économiques offensives de nos compétiteurs américains, chinois et autres inspire la proposition de loi du Sénat ainsi que les propos clairs et mesurés de M Célestin-Urbain.

L’idée qu’il puisse y avoir des intérêts extra-européens menaçant la souveraineté du Vieux continent était encore iconoclaste il y a peu. Seuls les chefs de nos services de renseignements avançaient des preuves. En dehors de nos frontières, des intérêts économiques étaient servis par des politiques utilisant les innombrables palettes, légales et connues, de l’intelligence économique. A celles-ci s’ajoutaient les méthodes d’un espionnage massif.
 
Le Sénat dans ses propos introductifs y fait allusion de manière détaillée. M Célestin-Urbain s’y réfère également. La sécurité économique dont il est en charge a vocation à neutraliser les menaces extérieures. En cette période de pandémie l’affaiblissement de nos entreprises incite des prédateurs à venir au secours de nos pépites en les rachetant. Ou en achetant les intelligences ce qui revient au même de façon plus subtile.
 
Fort heureusement la sécurité économique n’est pas dépourvue de moyens administratifs et législatifs. Le règlement sur les investissements étrangers en France permet au ministre de l’Economie et des Finances de poser des conditions de souveraineté à d’éventuels acheteurs, voire à bloquer certaines opérations dans des secteurs jugés stratégiques. Le SISSE[[1]]url:#_ftn1 parle aussi aux investisseurs français susceptibles d’être intéressés. L’intelligence économique perce sous la cuirasse de la sécurité
 
[[1]]url:#_ftnref1 Service d’information stratégique et de sécurité économique de Bercy  succédant au service du Haut responsable pour l’intelligence économique autrefois placé auprès du Premier ministre.

Des dispositifs déjà en place

D’anciennes lois comme celle de 1968 permettent de bloquer la délivrance d’informations réclamées dans le cadre de procédures d’origine anglo saxonne procédant d’une forme d’espionnage légal.
 
L’intelligence économique apparaît de nouveau sous la croûte sécuritaire lorsque le chef du SISSE évoque la stratégie du cloud souverain français face au Cloud Act permettant aux autorités américaines de requérir des données partout dans le monde sous prétexte de lutte contre le terrorisme ou la corruption.
Le fonds French Tech Souveraineté qui entend promouvoir les innovations françaises dans ce domaine relève d’un programme d’intelligence nationale. l’Etat français ajoute une dimension offensive à son arsenal sécuritaire. Il est à l’origine de Gaïa -X projet franco-allemand d’un cloud souverain européen capable de rivaliser avec les géants asiatiques ou américains. L’intelligence économique européenne est née ! Champagne.

 

L’Europe déjà avait été capable d’inventer dans le domaine de la sécurité économique des textes clairs que la France engluée dans des querelles sémantiques obscures n’avait pas été capable de produire. Nous pensons au secret des affaires et au règlement général sur la protection des données personnelles.
 

En se donnant la capacité d’anticiper des menaces dans les domaines relevant de la recherche, du commerce ou de la concurrence la France se dote d’une sécurité intelligente

La crise sanitaire ouvre les yeux sur la nécessité de croiser les données relevant de silos différents. Ce n’est plus un pied timide plongé dans l’intelligence économique. C’est un saut dans la piscine !
 
Chercher dans la sous-traitance de la sous-traitance le détail stratégique qui garantit la souveraineté procède d’une sécurité économique pour le moins astucieuse. Le petit ressort qui entre dans la fabrication des spray anti-covid est une perle. Merci M Célestin-Urbain. Votre minuscule source d’énergie est devenu un puissant ressort d’intelligence économique !
 
Il est temps d’appeler les choses par leur nom comme le fait le Sénat. Pour la première fois le parlement expose en détail un programme national. La Haute assemblée le fait à partir du monde réel en décrivant dans l’exposé des motifs les pratiques de nos compétiteurs et les raisons de notre déclassement sur la scène internationale.

Après avoir rappelé les quelques textes existant dans ce domaine le Sénat affecte les moyens intellectuels et matériels nécessaire à l’accomplissement du programme. Surtout, il en trace les finalités dans un français limpide compréhensible par tous les citoyens.
 
Sont concernés les domaines de la recherche technique et scientifique, la formation des cadres dirigeants et des étudiants, l’intelligence juridique des rapports de force, l’utilisation du renseignement pour les levées de doutes, l’anticipation des avancées et ruptures technologiques, la compréhension des enjeux européens et internationaux.
 
La Nation dispose de tous les moyens utiles. L’intelligence économique n’a pas besoin de budget supplémentaire. Celui-ci existe déjà. Il s’agit de réallouer et de croiser des intelligences humaines en leur donnant des objectifs et du sens.
 
Placé sous l’autorité du Premier Ministre ce programme inclut comme chez nos compétiteurs asiatiques ou autres toutes les administrations et représentations des entreprises et territoires. Notons la création d’un
  • Conseil national de l’intelligence économique et
  • d’un Secrétariat général à l’intelligence économique.

Nos atouts

La formation à laquelle de nombreux universitaires œuvrent depuis longtemps est enfin reconnue. Sont encouragées toutes les initiatives dans ce domaine. Citons parmi d’autres les ingénieurs et scientifiques de France (IESF) qui mutualisent en ce moment tous les savoir-faire de nos ingénieurs, la Commission intelligence économique du MEDEF Ile de France qui promeut l’intelligence économique auprès des entreprises franciliennes.
 
Rendons hommage à l’IHEDN dont le cycle IE réunit les acteurs privés et publics, l'EGE,  l’Ecole européenne d’intelligence économique de Versailles, pionnière dans le domaine. N’oublions pas Forum Atena dont les Lundis de la cybersécurité sont devenus sous la houlette de M Gérard Peliks et Mme Béatrice Laurent une référence mondiale en quelques années.
 

A l’approche de l’élection présidentielle de 2022 souhaitons bon vent à ce projet politique.

Ecoutons ce qu’en pensent les candidats. L’intelligence nationale ne coûte rien ; elle n’a pas besoin de milliards supplémentaires. Elle pourrait même en trouver qui sont aujourd’hui gaspillés ou détournés. Elle ne vit que d’actions claires et collectives, enthousiastes et éthiques. Je l’ai vu à l’œuvre lorsque Monsieur Alain Juillet et Madame Claude Revel exerçaient les fonctions de Haut responsable pour l’intelligence économique.
 

Auteur : Bernard Besson

Ecrivain et formateur
Auteur de l’Introduction à l’intelligence économique
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