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Retour sur les rencontres de l'Africanité du 28 Septembre 2023


David Commarmond
Dimanche 15 Octobre 2023


Le 28 Septembre 2023 s’est tenu à la Mairie de Paris, 2 rue Eugène Spuller dans le 3e arrondissement "LES RENCONTRES DE L’ AFRICANITÉ". Parrainé par l’Académie des Sciences du Management de Paris. Cette conférence/colloque a été une occasion exceptionnelle d’explorer l’Africanité sous plusieurs aspects.



Retour sur les rencontres de l'Africanité du 28 Septembre 2023
Sous la direction de Soufyane FRIMOUSSE, Maître de conférences, deux tables rondes vont donner la parole à de nombreux experts auprès d’un public curieux et concerné.

La première table ronde intitulée «  Quelle relation entre l’Afrique et l’Europe dans un monde fragmenté ? » tente de remettre dans son contexte les éléments clés des difficultés dans le dialogue entre l’Afrique et l’Europe. Elle pose clairement la question de la rupture de ce dialogue, rupture envisagée comme nécessaire pour avancer.
 
Pour répondre à cette question quatre acteurs de premier plan,  Malick DIAWARA, Rédacteur en chef de « Le Point Afrique ». Azouz BEGAG, Écrivain et Chercheur en économie et sociologie, ancien Ministre délégué à la Promotion de l’égalité des chances ; et Philippe CLERC, Président de l’Association Internationale Francophone d’Intelligence Économique (AIFIE) et Président de l’Académie de l’Intelligence Économique ont apporté leur éclairage et expérience.

Résumé de l'Intervention de Philippe Clerc, Président de l’Association Internationale Francophone d’Intelligence Économique (AIFIE) et Président de l’Académie de l’Intelligence Économique

Les récentes années ont vu une transition majeure du monde, marquée par des ruptures et des crises multiples. Pour Philippe Clerc, ces bouleversements ont entraîné une "polycrise" mondiale, un concept partagé par des penseurs tels qu'Edgar Morin et le World Economic Forum. Cette polycrise se caractérise par des crises de diverses natures, englobant les domaines de l'énergie, du climat, de la géopolitique, de la sécurité, et de l'économie. Ces crises sont interconnectées, et leur impact global dépasse de loin la somme de leurs parties, rendant le risque imprévisible, comme l'indique le Global Risks report 2023 du World Economic Forum.
 
Cette période de bouleversements s'accompagne de nouvelles formes de conflits, notamment la compétition, la contestation, l'endiguement, et l'affrontement, mettant en péril les espaces de coopération internationale.
 
Dans ce contexte, il est urgent de repenser la sécurité globale entre l'Afrique et l'Europe, car les sphères d'influence reviennent sur le devant de la scène dans un monde multipolaire. Les puissances régionales telles que la Chine, la Russie, la Turquie, l'Inde, et les États du Golfe prennent de l'importance aux dépens des vieilles puissances, notamment les États-Unis et l'Europe.
 
Les États-Unis ont également annoncé une nouvelle stratégie pour l'Afrique sub-saharienne, axée sur la stimulation des investissements, la transition verte, la transformation numérique, et le développement des infrastructures. Cependant, Philippe Clerc critique le manque de prise en compte des ruptures en cours dans cette stratégie, la qualifiant de simple continuité des approches précédentes, basées sur la coopération technique.
 
Philippe Clerc partage l'analyse d'Achille Mbembe, qui appelle à abandonner une vision apolitique du développement de l'Afrique, soulignant que les problèmes socio-économiques découlent des structures de pouvoir et de vulnérabilisation. Il est temps de mettre en place une vision géopolitique de l'Afrique.
 
Le besoin de sortir de l'approche techniciste et apolitique de l'aide publique au développement est essentiel. Une réflexion sur les modes opératoires de l'aide au développement est nécessaire, tout comme une prise en compte des ruptures actuelles dans les dynamiques de conflit.
 
Achille Mbembe suggère que la solidarité entre l'Europe et l'Afrique doit aller au-delà de l'aide publique au développement, qui se limite généralement aux bailleurs étatiques et aux ONG. Il est impératif de revisiter nos capacités d'anticipation, en particulier notre intelligence des situations futures, afin d'adapter nos grilles de lecture et nos outils.
 
Le caractère d'urgence est souligné, en particulier en raison de la transition sociétale en cours en Afrique. Combler l'écart entre la créativité des sociétés et la qualité de la vie publique et institutionnelle est essentiel.
 
La mise en place de doctrines nationales d'intelligence sociétale dans les pays en développement est recommandée, avec un focus sur les principes, les valeurs, et les normes. Il est également important de mobiliser les capacités d'intelligence organisationnelles, en se concentrant sur l'innovation, les petits groupes capables d'agir, et en formant des alliances stratégiques pour partager des perspectives sur les ruptures et les risques.

En conclusion :

L’urgence doit être décrétée. Nous vivons une situation de polycrise qui bouleverse la relation Afrique-Europe. Le nouveau modèle économique et surtout sociétal de cette relation, sa gouvernance, caractérisé par de nombreux « des actifs échoués » doivent être inventés. Sa préfiguration autour « de la révolte des Brics surgit, illisible et chaotique, tardant à organiser sa régulation. « L’incertitude de toute les données » et le manque d’information créent un brouillard dangereux d’où peuvent surgir de « nouveaux monstres » (A.Gramsci).

La nécessité de changer de paradigme est évidente, car si rien ne change, la rupture est une issue probable. Le "réencastrement" des actions de co-développement entre l'Afrique et l'Europe dans la vie sociale est une approche prometteuse, nécessitant une transformation des politiques et une mobilisation des acteurs de la société civile.

Résumé de l'Intervention de Patrick DAMBRON dans la seconde table ronde "Malraux-Senghor-Hampâté Bâ : l’africanité au service de l’universel

Les intervenants de la seconde table ronde ensemble
Les intervenants de la seconde table ronde ensemble
Lors de son intervention, Patrick DAMBRON, Vice-président de l'Académie des Sciences du Management de Paris, a mis en lumière l'importance de trois figures emblématiques, à savoir Léopold Sédar Senghor, André Malraux et Hampâté Bâ, dans la compréhension de l'Afrique à travers l'art et la réalité perçue. Cependant, il a principalement focalisé son discours sur Léopold Sédar Senghor, en le considérant sous un angle contemporain.

Il a d'abord regretté que Senghor soit souvent réduit à sa célèbre phrase : "L'émotion est nègre comme la raison est hellène". Cette réduction ne fait pas justice à l'étendue de la pensée de Senghor, qui englobait la vie avec une vocation universelle. Senghor croyait que la culture était fondamentale, qu'elle était à la base de tout et à la fin de tout. Sa pensée était en constante évolution, et il s'est appuyé sur la revendication identitaire, similaire à celle d'autres figures telles que Du Bois et Garvey parmi les Afro-Américains, pour promouvoir la Négritude en France. Ce mouvement visait à reconnaître les spécificités des Africains et à mettre en avant les valeurs africaines sans les déprécier.
 
L'intervenant a également souligné que Senghor était en avance sur son temps. Il a notamment créé le premier Festival mondial des Arts Nègres, dont l'objectif était de montrer que l'émotion avait autant de valeur que la raison. Senghor prônait la symbiose de la raison discursive et de la raison intuitive, remettant en question le célèbre "Je pense, donc je suis" de Descartes en faveur de "Je sens, donc je suis".
 
L'intervention a ensuite abordé la notion de management émotionnel, qui a émergé dans l'Occident ces dernières années. Cela confirme les idées de Senghor sur l'importance de l'émotion dans la société. Des experts tels que Daniel Goleman et Franck J. Barrett ont montré que la gestion des émotions rapproche les individus et favorise l'innovation.
 
Patrick DAMBRON a souligné que la société mécaniste et la rationalité excessive ont des conséquences néfastes sur la planète et les conditions de vie. Il a évoqué les concepts de développement durable et de responsabilité sociale des organisations, appelant à une approche plus harmonieuse de la vie humaine et de la nature.
 
Enfin, l'intervenant a exhorté les professionnels du management à lire Senghor pour repenser les fondements du management, la création de projets, l'adaptation au contexte, la gestion des équipes, la durabilité des investissements, la gouvernance et les relations avec les parties prenantes. Il a souligné l'importance de l'enseignement et de la formation pour renouveler le management de manière adaptée, contextualisée et innovante.

Conclusion :

L'intervention a conclu en mettant en avant le rôle essentiel de la jeunesse africaine dans la création d'un avenir commun. Cette jeunesse est appelée à s'inspirer des valeurs professionnelles et humanistes prônées par les chercheurs et écrivains réunis au sein des "Ateliers de la pensée" à Dakar. L'orateur a appelé à la construction d'organisations fécondes pour un avenir partagé, mettant ainsi l'accent sur l'importance de l'innovation, de la durabilité et de l'harmonie dans les pratiques de gestion et de leadership.

Pour aller plus loin