Le Cahier des Tendances

Le patriotisme économique : Mythe ou réalité française à l'ère de l'IA ?


David Commarmond
Mercredi 19 Février 2025


La chaîne Underscore sur Youtube vient de publier une interview du Président de la République. Dans un entretien de 45 minutes parmis les sujets brossés est posée la question du patriotisme économique. Une question au cœur des débats sur la compétitivité et la souveraineté de la France, particulièrement dans le domaine de l'intelligence artificielle (IA). Si le concept semble séduisant, sa mise en œuvre concrète se heurte à des réalités complexes. Alors, le patriotisme économique : mythe ou réalité ?



Les arguments en faveur du patriotisme économique

Le président Macron a clairement appelé à un "patriotisme européen", exhortant les grandes entreprises à soutenir les startups françaises et européennes en matière d'IA. Il cite l'exemple de Peugeot et Citroën qui intègrent Mistral, un modèle de langage français, dans leurs véhicules, créant un effet d'entraînement positif pour l'ensemble de l'écosystème.

L'idée sous-jacente est qu'en privilégiant les solutions nationales ou européennes, on renforce l'innovation, on crée des emplois et on assure une certaine indépendance technologique. De plus, le gouvernement a réformé le code des marchés publics pour favoriser la préférence européenne.

Les obstacles au patriotisme économique

Malgré ces efforts, le patriotisme économique se heurte à des obstacles importants. Lors de la préparation de l'interview, plusieurs acteurs du cloud et du numérique ont souligné que le patriotisme économique n'existe pas vraiment en France.
 
Des exemples concrets illustrent cette réalité :
  • EDF signe un contrat de 860 millions d'euros avec AWS (Amazon Web Services).
  • L'assurance maladie utilise Microsoft pour héberger les données de santé des Français.
  • La SNCF (Société Nationale des Chemins de fer Français), 
  • BPI (Banque Publique d'Investissement), le ministère des Armées font appel à des entreprises américaines.
 
Ces choix s'expliquent en partie par le fait que les solutions françaises ne sont pas toujours aussi compétitives ou matures que les offres américaines. De plus, certains acteurs préfèrent opter pour des solutions éprouvées, suivant le dicton "personne ne s'est jamais fait virer pour avoir acheté du IBM".
 

Le rôle de la commande publique

Un autre argument avancé est le manque de soutien de la commande publique aux entreprises françaises. Aux États-Unis, des entreprises comme AWS et SpaceX ont bénéficié de contrats massifs avec l'administration et le département de la défense, leur permettant de se développer et de devenir des leaders mondiaux.
 
En France, un tel soutien est moins systématique, ce qui handicape les acteurs nationaux.
La nécessité d'une stratégie européenne.
 
Le président Macron insiste sur la nécessité d'une stratégie européenne coordonnée. Il reconnaît que la France a parfois avancé seule, sans être suivie par ses partenaires européens, notamment dans le domaine du cloud. Il plaide pour un "réflexe européen", où les États membres travaillent ensemble pour soutenir leurs entreprises et développer des solutions souveraines.

Conclusion : Un patriotisme économique à construire

Le patriotisme économique en France est donc plus un objectif à atteindre qu'une réalité pleinement établie. Si la volonté politique est présente, les obstacles sont nombreux. Pour que le patriotisme économique devienne une réalité, il est essentiel de :
  • Renforcer la compétitivité des entreprises françaises, en investissant dans la recherche et le développement, en simplifiant les réglementations et en favorisant l'innovation.
  • Mettre en place une commande publique plus stratégique, en privilégiant les solutions françaises et européennes lorsque cela est possible et en soutenant les jeunes entreprises innovantes.
  • Adopter une approche européenne coordonnée, en travaillant avec les autres États membres pour développer des solutions souveraines et en créant un marché unique numérique véritablement intégré.
 
Le patriotisme économique n'est pas un repli sur soi, mais une stratégie pour assurer la prospérité et la souveraineté de la France dans un monde de plus en plus compétitif. Il reste à traduire cette ambition en actions concrètes. Une interview à voir dans sa totalité.