Gouvernance

Ophois prend ses quartiers d'été et nous donne rendez-vous à la rentrée.


David Commarmond
Jeudi 22 Juin 2017


Le 14 Juin 2017 dans les locaux de CCI France eût lieu la dernière réunion avant les congés d’été du Think Tank Ophois, devant environ 25 personnes. Présidée par Thibault Renard. Un film « Guerre Fantôme : la vente d'Alstom à General Electric» d'Alexandre Leraître et David Gendreau et coproduit avec LCP-Assemblée Nationale et qui sera diffusé à la rentrée. Stéphane Mortier présenta l'OHADA, sujet dont on parle peu en Europe et qui est pourtant d’une importance capitale et qui nous concerne : L’influence par le droit « le cas du droit OHADA » . Harmonisation du droit des affaires et intelligence économique.



« Guerre Fantôme : la vente d'Alstom à General Electric »

Contexte : « 24 avril 2014, le gouvernement français apprend par surprise la vente de la branche énergie d'Alstom, soit les trois quarts du groupe. Après deux mois d'intense bataille politique, le ministre Arnaud Montebourg arrive à trouver un accord qui sauve les intérêts français.
 
Pourtant, des zones d'ombre subsistent : arrestations aux Etats-Unis, affaires de corruption et conflits d'intérêts ont scellé un accord qui n'est pas si clair que cela. Et c'est finalement l'indépendance énergétique et militaire de la France qui pourrait être remise en question. »
 
Le film déconstruit la version officielle de cette transaction, présentée à l'opinion publique comme une alliance, alors qu'il s'agit d'une absorption. Il met en lumière les différentes pressions subies par les cadres d'Alstom, notamment via une utilisation agressive du droit américain dans un contexte de lutte contre la corruption internationale. En effet, les Etats-Unis se réservent le droit de poursuivre des entreprises étrangères en accord avec leur propre droit national, tant que l'entreprise soupçonnée à un lien même ténu avec le territoire américain (utilisation du dollar, utilisation de serveurs américains, cotation sur le NYSE).
 
Le film établit un continuum entre ces pressions judiciaires et la volonté des dirigeants d'Alstom de vendre l'entreprise à General Electric. Enfin, le film revient sur les conséquences en matière d'indépendance énergétique et militaire d'une telle vente, et sur l'inaction des autorités françaises dans un tel dossier.

Ce film sera diffusé sur LCP / La chaîne parlementaire le 25 Septembre 2017 à 20H30
  
 
Along Productions  est une société de création de contenus audiovisuels de tous types (travaux institutionnels, courts métrages, documentaires).
  

Après quelques échanges avec la salle, la parole fut donnée à Stéphane Mortier, le second orateur.

Le contexte historique : La décolonisation, couplée au conflit Est/Ouest, a poussé les puissances coloniales à revoir leurs stratégies et à mettre en place des coopérations d’un autre type, à s’approprier les réalités d’un monde nouveau. Les nouveaux pays indépendants ont, généralement, repris le système juridique mis en place par le colonisateur. Dans le cas de l’Afrique, deux systèmes vont alors coexister : le système civiliste ou romano-germanique et la common law. Des luttes d’influence voient alors le jour entre les deux systèmes. C’est dans ce contexte que vont naître les réflexions relatives à l’influence par le droit.

 

En France, c’est le monde civil, avec des associations de juristes, qui prendra le sujet à bras le corps, avec le soutien discret de l’État. Association Henri Capitant, Fondation pour le droit continental, Association pour l’Unification du Droit en Afrique (UNIDA – ohada.com), Institut international de Droit d’Expression et d’inspiration Françaises (IDEF) sont autant d’acteurs qui contribuent à l’influence par le droit.

 

Le contexte mondial actuel est marqué par une libéralisation croissante des échanges qui induit des expériences d'intégration régionale. Les exemples sont légions et ne manquent pas dans le monde, de l'Union Européenne à la Communauté Économique et Monétaire d'Afrique Centrale (CEMAC) en passant par l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN).

 

L'Afrique est d'ailleurs, à ce sujet, une zone où de nombreux modèles d'intégration régionale, notamment à vocation économique, sont en place. Il est indéniable qu'une des conditions principales de l'efficacité et de la compétitivité de ces grands espaces économiques est la cohérence juridique. Or il est une organisation africaine de premier ordre en matière d'intégration juridique : l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA).

 

Il est certain que « Le droit est un ciment extrêmement puissant des économies et des peuples ». Et c’est aussi un puissant « instrument d’influence et de pouvoir ». Fort d’un droit prestigieux, autonome, unifié, les 17 États l’OHADA (Bénin, Burkina-Faso, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée Bissau, Guinée Équatoriale, Mali, Niger, République Démocratique du Congo, Sénégal, Tchad, Togo) et leurs acteurs économiques, leurs entrepreneurs, sont renforcés dans le monde globalisé d’aujourd’hui. Indéniablement c’est un atout pour tous les acteurs et les entreprises et les Etats en sont les plus grands bénéficiaires.

D’une part, les pays membres de l’OHADA ne sont plus dépendants des droits d’autres pays ou d’autres continents et peuvent s’armer d’outils pour mieux défendre leurs intérêts face à des acteurs économiques qui, souvent, sont forts de leur puissance financière et peuvent être tentés d’utiliser le droit à des fins prédatrices.

 

  • Dans un monde ou les pratiques économiques sont de plus en plus offensives, l'adjonction d'un volet intelligence économique à l'intégration juridique du droit des affaires constitue ou pourrait constituer un progrès sur les plans opérationnel, stratégique et sécuritaire.
     
    L’harmonisation des droits des affaires et intelligence économique non seulement se complètent, mais surtout poursuivent des objectifs communs, la compétitivité des opérateurs économiques, le développement économique et le développement du territoire. Au travers de neuf Actes Uniformes, le corpus juridique de l’OHADA, applicable dans les 17 États membres, instaure une climat de sécurité juridique propice au développement des affaires :
    • Droit commercial général : registre du commerce et du crédit mobilier (RCCM), statut de l’entreprenant,...
    • Droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique : typologie, structure et gouvernance des entreprises,...
    • Droit des sûretés : confiance entre opérateurs économique, accès au crédit,...
    • Procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution : injonction de payer, restitution biens meubles,...
    • Procédures collectives d’apurement du passif : conciliation, règlement préventif, redressement judiciaire, liquidation judiciaire,...
    • Droit de l’arbitrage : règlement des différends, cours d’arbitrage,...
    • Droit comptable et information financière : harmonisation des procédures comptables,...
    • Contrats de transport de marchandises par route : entre deux États membres ou entre un État membre et un Etat tiers,.. ?
    • Sociétés coopératives : structure, gouvernance,...

 
A ce jour on peut dire que l’OHADA est un succès et que les Etats membres vont dans le bon sens. Le succès lui confère aujourd’hui « le statut de vecteur d’influence par le droit ». En effet, l’OHADA est devenu un modèle d’intégration juridique à travers le monde. D’autres institutions ou projets voient le jour en s’inspirant de l’OHADA. C’est le cas de l’OHADAC (Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires dans la Caraïbe) et même pour l’Europe avec le Projet de Code Européen des Affaires.
 
« On peut se réjouir aujourd'hui que l'Afrique, avec le succès de l'OHADA, ait amené l'Europe à mettre également en place, à l'instar du continent africain, une dynamique continentale d'unification du droit des affaires, facteur d'unité, de cohésion, de prospérité accrue et partagée, de paix. » souligne le portail OHADA.com.
 
Pour la première fois le nos histoires communes, l’expérience africaine inspire un projet européen d’ampleur.. L’influence par le droit revêt ici un caractère extrêmement stratégique pour la consolidation de l’Euro, pour l’avenir de l’Europe.
 
Initiée, en juillet 2015, par le plaidoyer conjoint 14  juristes d'Afrique et d'Europe qui estimaient que la zone euro aurait tout à gagner à s'inspirer de l'expérience africaine de l'OHADA. Cette suggestion fut ensuite relayée auprès des plus hautes instances de l'Union et de ses Etats membres.
  
Aujourd'hui, un groupe de juristes européens travaille à la rédaction de ce projet de Code. Le 27 avril dernier, à Bonn une conférence sur le thème « L'Europe a-t-elle besoin d'un Code européen des affaires » est un nouveau pas vers l’officialisation du sujet.

 

 

 

 


Stéphane MORTIER, Au cœur de l’unité africaine – Le droit OHADA. Harmonisation du droit des affaires et intelligence économique, UPPR, 2017.

https://www.uppreditions.fr/auteurs/stephane-mortier/

  • Table des matières :
  • La Collection « Au coeur de... » - 9
  • Remerciements - 11
  • Préface du Secrétaire Général de l’UNIDA - 13
  • Liminaire introductif - 17
  • Chapitre I – De l’intelligence économique - 21
  • Chapitre II – Droit romano-viviliste vs common law… stratégies s’influence et recherche de puissance - 29
  • Chapitre III – Sécurité juridique et compétitivité économique : un mariage annoncé - 37
  • Chapitre IV – Harmonisation du droit des affaires et intelligence économique : le chemin de l’avantage concurrentiel - 45
  • Conclusion - 101
  • Références - 105
  • L’auteur - 119
  • Catalogue – 121

Pour aller plus loin