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GENOPOLE ou les gènes de la réussite


David Commarmond
Jeudi 11 Juillet 2019


Le modèle de clusters d’entreprises est à la fois très ancien, particulièrement actuel et prometteur pour notre économie et nos territoires. A l’occasion de la préparation par France Clusters et ses partenaires du Forum FILEX France, qui célébrera, les 12 et 13 septembre prochains, 20 ans de politiques publiques de soutien au développement des clusters (1999-2019), Veille Magazine vous propose, en soutien avec France Clusters, une série d’articles sur des clusters dont le dynamisme s’appuie sur une histoire locale et économique parfois très ancienne et affichent des parcours et des réussites remarquables. Passionnant ! Après Nogentech, Mont Blanc Industrie et Nova CHILD, ce « tour de France des 20 ans des clusters» fait une halte à Evry-Courcouronnes, chez Genopole, cluster d’entreprises et centres de recherche au service de l'Innovation dans le domaine de la génomique.

Vous pourrez retrouver le biocluster Genopole les 12 et 13 septembre lors du 1er Forum des filières d’excellence et des systèmes territoriaux. Inscrivez vous vite www.filex-france.com



1. Quel regard portez-vous sur les 20 ans qui viennent de s'écouler ?

GENOPOLE ou les gènes de la réussite
Anne Jouvenceau : En effet, par une heureuse coïncidence, Genopole fête en 2018 ses 20 ans.
Pour bien comprendre, il faut revenir à la genèse du biocluster, créé à Evry-Courcouronnes en 1998 à l’initiative de Bernard Barataud, alors président de l’AFM- Téléthon, association de parents d’enfants malades. Soutenu par Thierry Mandon, élu au Département et par le préfet de l’Essonne, Bernard Barataud se bat pour convaincre l’Etat de mobiliser des financements publics pour créer le premier biocluster français. L’enjeu visait à ce que la France ne rate pas le train de l’innovation en génomique et surtout qu’elle engage une vraie guerre contre les maladies rares.
 
Genopole a vu se pencher sur son « berceau » tous les grands hommes et grandes entités de son temps. La solidité du socle recherche a emporté l’adhésion de l’Etat : l’AFM-Téléthon, Généthon, le premier laboratoire de biologie à grande échelle créé en 1990 avec les dons du Téléthon, le Centre national de séquençage en 1996, suivi en 1997 du Centre national de génotypage font d’Evry un site de référence en matière de recherche génétique. Dès sa naissance, il a été soutenu par le département de l’Essonne, la Région de l’Île-de-France, le Ministère de la Recherche dirigé alors par le Ministre Claude Allègre, et le Président de la République Jacques Chirac.
 
Pierre Tambourin, alors directeur du département des Sciences de la vie au CNRS, est nommé pour en prendre la direction. Il entreprend la réalisation de Genopole, projet qui n’était pas gagné d’avance mais qu’il a su concrétiser en réunissant des laboratoires publics, des sociétés de biotechnologie, en œuvrant pour l’ouverture de l’université d’Evry à l’enseignement de la biologie… Une pépinière, la première de France conçue pour répondre spécifiquement aux besoins des biotechs, est construite en 1998. Année après année, le site s’étend…
 
Genopole, c’est la métamorphose d’un site, ouvrant la ville vers la génétique et la génomique.
 
Aujourd’hui, dirigé par Jean-Marc Grognet, il associe 96 entreprises et 16 laboratoires académiques (CNRS , Inserm, CEA, …)
Genopole propose aussi 29 plates-formes de haute technologie. Il s’agit d’équipements techniques très onéreux qu’une jeune société n’aurait pas les moyens d’acquérir. Genopole les a financés ou co-financés et mutualise leur utilisation par les entreprises et les laboratoires génopolitains. Ces plates-formes sont essentielles pour favoriser les interactions et collaborations entre les différents acteurs publics et privés.
Cet ensemble d’outils et de talents constituent une source d’attractivité pour nous et le territoire.
Aujourd’hui, 2500 personnes travaillent à Genopole et l’on estime le nombre cumulé à 5600 emplois directs, indirects et induits dont 3600 locaux.

Quelques chiffres :
  • 244M€ de chiffre d’affaires en 2017 (pour les entreprises)
  • 220 M€ de fonds privés ont été levés entre 2015 et 2017.
  • Ainsi, pour 1€ de subvention publique, 3€ de fonds privés ont été levés.
  • 3 à 5 M€ d’impôts locaux sont au profit des collectivités locales.
  
Genopole dispose de cartes maîtresses qui le placent dans les premiers rangs européens de la recherche, de l’industrialisation et de l’enseignement supérieur dans les domaines de la génomique et des biotechnologies.
  • L’institut de biologie François-Jacob du CEA: 3ᵉ capacité de séquençage de l’ADN en Europe,
  • Yposkesi : 1ere unité industrielle européenne de médicaments de thérapie génétique,
  • Création avec l’université d’Evry du 1er master européen de biologie de synthèse.
 
L’exploration du génome connaît de nouveaux défis. Grâce aux performances continuellement améliorées des appareils de séquençage, la quantité gigantesque de données génétiques recueillie pose le défi de leur stockage sur des serveurs sécurisés, rapides et protégés mais surtout de leur analyse et de leur interprétation.
 
En amont, cela nécessite de former les futures générations de chercheurs mais aussi de sensibiliser le corps médical à l’apport de ces nouvelles informations.

2. Quels sont les points forts et points faibles de votre territoire ?

Anne Jouvenceau : Genopole a la chance de pouvoir bénéficier depuis sa création d’un territoire très solidaire, à toutes les échelles, la ville d’Evry-Courcouronnes, la communauté d’agglomération Grand-Paris Sud, le département l’Essonne, la Région Ile-de-France et l’État, ainsi que toutes les entités périphériques. Genopole, qui s’étend sur 110 ha, a l’avantage de disposer d’une surface foncière importante. Un 5e campus est en cours d’aménagement. Cette offre foncière est précieuse en Ile-de-France pour pouvoir accueillir des PME, des laboratoires voire des usines pilotes. En retour, Genopole apporte beaucoup au territoire, nous l’avons vu en termes d’emplois, de ressources fiscales, de notoriété…
 
Il faut par ailleurs souligner, car souvent oubliée, la facilité d’accès de Genopole, depuis la Francilienne, l’Autoroute A6, la Nationale 7. Une station du RER D, Bras-de-Fer Genopole, dessert le site. Un tramway Massy-Evry et une ligne de bus TZen en site propre compléteront ce dispositif dans les années à venir. Le territoire est aussi accessible à l’international grâce à l’aéroport d’Orly.
 
Enfin Genopole, au travers de son territoire, évolue dans un environnement riche tant sur le plan de la formation et de l’enseignement supérieur que sur le plan du développement économique par la présence de filières d’avenir. Plusieurs établissements d’enseignement supérieurs sont implantés sur le territoire : Trois grandes écoles, Télécom Sud Paris, ENSIIE, l’Institut Mines-Télécom Business School et l’université d’ Evry-Val d’Essonne qui accueille 12 000 étudiants. 500 d’entre eux sortent diplômés tous les ans en biologie. On doit également citer l’Ecole Polytechnique, Centrale-Supélec, l’université Paris-Sud sur le plateau de Saclay…
 
Nous sommes en lien avec les Pôles de compétitivités Medicen, et Systemic Paris Région, et nouons des liens étroits avec le centre hospitalier sud-francilien, un des plus importants établissements hospitaliers en Île-de-France.
 
Le territoire pâtit d’une image parfois dégradée. Ses habitants bénéficient pourtant d’une qualité de vie exceptionnelle en termes de logements, d’écoles, de loisirs, de services, d’ailleurs plus de la moitié des salariés de Genopole habitent à moins de 20 minutes du biocluster.
 
Evry-Courcouronnes demeure aujourd’hui une ville nouvelle des années 60, dont l’image de marque est encore à construire et pour laquelle Genopole souhaite jouer un rôle important.

3. Quelles sont les valeurs qui animent le pôle et les liens entre les différents acteurs

Anne Jouvenceau : Genopole est un lieu de création de valeur et en premier de valeur économique comme nous l’avons évoqué précédemment avec plus de 5600 emplois directs, indirects et induits dont 3600 emplois locaux.
 
Genopole, c’est aussi un lieu de création de savoir et de connaissance. La recherche menée à Genopole a contribué aux progrès des connaissances en génétique et génomique, dans les domaines de la thérapie génique, la thérapie cellulaire et de la biologie de synthèse. Il est fondamental et important que cela puisse être préservé.
 
Enfin, Genopole est un cluster qui contribue et veut contribuer davantage encore à valoriser l’image de son territoire. L’image très positive du pôle et les liens locaux avec un territoire « soutenant » qui les lient demande à être consolidés et de mieux l’intégrer à la vie locale avec des lieux d’échanges et des évènements ouverts au grand public.

4. Pouvez-vous nous donner votre vision pour l’avenir ?

Anne Jouvenceau : 1er cluster, il y a vingt ans sur le thème de la génétique, Genopole doit aujourd’hui relever plusieurs défis.
La concurrence, de plus en plus rude, est devenue mondiale. Genopole s’emploie donc à accroître sa visibilité à l’échelle européenne, et internationale. Nous avons récemment obtenu trois labels, le French Tech Visa, le label Bronze décerné par l’Initiative pour « l’excellence des clusters européens », le Prix Parc de recherche d’excellence remis par l’association américaine AURP, qui consacrait pour la première fois un cluster non-américain. Ceci doit être renforcé par un réseautage international consolidé indispensable à la croissance du biocluster pour appuyer ses activités de développement mais aussi celles de ses sociétés et de ses centres de recherche.
 
Par ailleurs, Genopole souhaite axer sa stratégie autour de la structuration de quatre filières innovantes : la médecine personnalisée, les thérapies innovantes, la génomique numérique et les biotechnologies industrielles. Cette stratégie répond à son objectif de croissance du nombre d’acteurs et d’emplois et à son ambition de leadership au niveau français, européen et international.
 
Cette ambition « filières » a la pertinence de reposer sur le « métier » de Genopole : réunir les forces du monde de l’entreprise, celui de la recherche académique et celui de la formation, couvrant ainsi l’ensemble des activités qui concourent d’amont en aval, au développement économique (recherche, écoles et formation, fournisseurs, équipementiers, entreprises innovantes, entreprises de services …). Ce développement viendra toucher le territoire essonnien et le transformer, celui de Paris-Saclay et plus largement la région Ile-de-France en phase avec sa volonté d’être identifiée dans les meilleurs rangs mondiaux en matière de recherche et d’innovation.

Dans cette perspective, nous sommes ouverts à toute entreprise qui souhaiterait implanter une première unité de production ou une usine pilote afin de donner une nouvelle dimension constructive au territoire.

Nous n’avons cependant pas la prétention de vouloir développer seul ces filières. Cela relève d’une réflexion commune. C’est pourquoi, Genopole mène actuellement une étude afin d’établir une cartographie de son positionnement au sein de son écosystème. L’objectif est de déterminer selon des critères objectifs, le rôle et la place optimum qu’il lui convient d’adopter dans le cadre du développement de ces filières.

Avant tout c’est une question de légitimité qui nous importe et non une question de leadership, ou de pouvoir. La confiance que nous cultivons avec nos partenaires est essentielle et nous avons à cœur de la protéger. Elle est une partie de nous, de notre A.D.N.

Pour Conclure

Nous souhaiterions rappeler l’importance pour un biocluster de pouvoir disposer d’un environnement favorable au bien-être des salariés et à la création de synergie entre les acteurs. Aujourd’hui, Genopole vise à favoriser les rencontres entre les salariés du site en dehors du contexte purement professionnel mais également d’apporter les services qui contribuent à la vie de tous les jours tel un campus américain. Nous devons développer une vie locale sur le site (café, hôtels, crèches, …). Cette dimension humaine de plus en plus prisée par les salariés apporte un bien-être au travail, alimente le sentiment d’appartenance au biocluster et constitue un élément fort d’attractivité. C’est un vrai levier de dynamisme et de compétitivité.


 



Commentaire et point de vue de France Clusters

Ce témoignage du Genopole fait ressortir plusieurs idées importantes que nous observons également dans la communauté France Clusters. Tout d’abord, les clusters n’ont pas tous une culture et une histoire de production industrielle dominante. Certains font de la mutualisation d’efforts de recherche le liant principal de la coopération des acteurs économiques. Dans cette configuration, et ce sera notre second enseignement, l’investissement financier doit être au RDV pour accompagner l’ambition affichée. Également, comme le Genopole, plusieurs pôles et clusters ont créé – et créent encore –  des « lieux d’innovation » où concentrer ces moyens techniques de haut niveau. La Caisse des dépôts-Banque des Territoires, avec qui nous travaillons quotidiennement, accompagne plusieurs de ces investissements au sein des pôles et clusters, comme elle le fait à travers l’initiative « Territoires d’industrie » ou a pu le faire avec son dispositif « Plateformes d’innovation ». Ces lieux d’innovation se développent de plus en plus pour accueillir toute ou partie de l’offre de services du cluster auprès de ses adhérents. Anne Jouvenceau insiste aussi fortement dans son témoignage sur la place tout à fait primordiale qu’ont occupé certaines personnalités – privées et publiques – dans l’histoire du Genopole d’aujourd’hui. Effectivement, sans une volonté farouche de quelques leaders, qui vont incarner le projet sur la durée et l’inscrire dans une double ambition économique et territoriale, peu de chance d’atteindre les sommets espérés. Enfin ce témoignage insiste à juste titre sur la contribution du cluster à la dynamique territoriale activités et emplois. Outil d’attractivité qui participe à la marque du territoire, le cluster est un moyen de dépassement réel pour le développement économique du territoire. Il aide à affiner son positionnement productif spécifique (de l’électronique à la génomique pour le Genopole) et il inscrit le territoire dans une ambition internationale ! Car tous les clusters, pour peu qu’ils en aient l’ambition, sont ancrés territorialement, construisent leur stratégie à l’échelle nationale et agissent au niveau européen ou international. Bravo Genopole !
 
Xavier Roy, directeur général de France Clusters

Pour en savoir plus sur :
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