Basé sur son dernier essai, intitulé « la France en Miette » Benjamin Morel nous livre son analyse sur l’évolution de deux concepts théorisés et consacrés par les lois de 1982 et 1992, la décentralisation et la déconcentration, concepts qui se sont heurtés à un phénomène : la montée des régionalismes.
Difficile de comprendre les enjeux de cette problématique sans revenir sur quelques éléments de rappels, en effet, les différents courants théoriques, les doctrines et pratiques qui ont irrigué depuis la révolution, jusqu’au Second Empire l’organisation de l’État, le droit, l’économie, les finances publiques, ont abouti à reconnaître peu-à-peu, à côté de l’État, des entités, les collectivités locales. Ces entités se sont vues dotées des pouvoirs, des responsabilités. Cette reconnaissance n’a pas été graduelle et continue, elle prend plutôt la forme d’un mouvement de balancier, avec des avancées et des reculs.
Ce phénomène a continué tout au long de la Ve République, l’Etat a utilisé ces leviers pour organiser ses territoires. En effet, après la Seconde Guerre Mondiale, les trente glorieuses, le territoire change, l’agriculture laisse la place à l’industrie puis aux services. Quatre grandes vagues se dessinent.
Dans les années 1980 : les lois de décentralisation de 1982-1983 ont transféré des compétences importantes de l'Etat vers les collectivités territoriales, en particulier les régions, les départements et les communes. Ces lois ont créé de nouvelles institutions, telles que les conseils régionaux, et ont renforcé les pouvoirs des élus locaux.
Dans les années 1990 : les lois de décentralisation de 1992 ont poursuivi le mouvement en transférant de nouvelles compétences aux collectivités territoriales, notamment dans les domaines de l'aménagement du territoire, de l'environnement, de la culture et du sport. Ces lois ont également renforcé les pouvoirs des régions en matière économique.
Dans les années 2000 : les lois de décentralisation de 2003 ont cherché à renforcer la démocratie locale en donnant plus de pouvoirs aux conseils municipaux et communautaires. Elles ont également créé de nouvelles structures de coopération intercommunale, telles que les communautés de communes et les communautés d'agglomération.
Enfin, dans les années 2010 : les lois de décentralisation de 2013 ont poursuivi le mouvement en transférant de nouvelles compétences aux régions, notamment dans les domaines de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Ces lois ont également renforcé les pouvoirs des métropoles en matière d'aménagement du territoire et de transport.
Difficile de comprendre les enjeux de cette problématique sans revenir sur quelques éléments de rappels, en effet, les différents courants théoriques, les doctrines et pratiques qui ont irrigué depuis la révolution, jusqu’au Second Empire l’organisation de l’État, le droit, l’économie, les finances publiques, ont abouti à reconnaître peu-à-peu, à côté de l’État, des entités, les collectivités locales. Ces entités se sont vues dotées des pouvoirs, des responsabilités. Cette reconnaissance n’a pas été graduelle et continue, elle prend plutôt la forme d’un mouvement de balancier, avec des avancées et des reculs.
Ce phénomène a continué tout au long de la Ve République, l’Etat a utilisé ces leviers pour organiser ses territoires. En effet, après la Seconde Guerre Mondiale, les trente glorieuses, le territoire change, l’agriculture laisse la place à l’industrie puis aux services. Quatre grandes vagues se dessinent.
Dans les années 1980 : les lois de décentralisation de 1982-1983 ont transféré des compétences importantes de l'Etat vers les collectivités territoriales, en particulier les régions, les départements et les communes. Ces lois ont créé de nouvelles institutions, telles que les conseils régionaux, et ont renforcé les pouvoirs des élus locaux.
Dans les années 1990 : les lois de décentralisation de 1992 ont poursuivi le mouvement en transférant de nouvelles compétences aux collectivités territoriales, notamment dans les domaines de l'aménagement du territoire, de l'environnement, de la culture et du sport. Ces lois ont également renforcé les pouvoirs des régions en matière économique.
Dans les années 2000 : les lois de décentralisation de 2003 ont cherché à renforcer la démocratie locale en donnant plus de pouvoirs aux conseils municipaux et communautaires. Elles ont également créé de nouvelles structures de coopération intercommunale, telles que les communautés de communes et les communautés d'agglomération.
Enfin, dans les années 2010 : les lois de décentralisation de 2013 ont poursuivi le mouvement en transférant de nouvelles compétences aux régions, notamment dans les domaines de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Ces lois ont également renforcé les pouvoirs des métropoles en matière d'aménagement du territoire et de transport.
A chaque évolution de la décentralisation, pour en corriger, accompagner les effets, et réduire les dérives, la déconcentration a été adaptée à ce changement. Les deux concepts évoluant alors de pair. Toutefois, la création de nouvelles structures comme les intercommunalités ont complexifié la cartographie des acteurs et des relations, et de la complexité dans les relations entre collectivités s’est ajouté à la complexité. Ainsi peu à peu, discerner les besoins locaux dans les décisions politiques est de plus en plus difficile, pour les acteurs en interne déjà, et bien plus encore pour les personnes extérieures. Pour le grand public les pouvoirs des communes ou des collectivités territoriales se résument bien souvent à la collecte des déchets. C’est très réducteur, mais c’est souvent sur le plan local la seule manifestation quotidienne et visible de l’action locale.
Si en 2015 la loi (NOTRe) a voulu renforcer les compétences des régions et a modifié les compétences des départements et des communes, la fusion des régions pour constituer des entités plus grandes a éloigné le citoyen un peu plus de celles-ci. Cette nouvelle organisation a fait toutefois l’objet de critiques. Certains observateurs ont souligné que les transferts de compétences aux collectivités territoriales ont parfois été mal anticipés, ce qui a conduit à des difficultés de mise en œuvre, accru la complexité, la surcharge de travail, l’inflation de textes, la multiplication des normes, des échelles. Tout cela au détriment de la confiance des citoyens dans l’appareil législatif et dans l’élu son représentant.
L’inflation de textes et l’usage jugé « excessif » de L’art 37.2 de la Constitution qui organise ce qui relève de la loi et du domaine réglementaire. En principe, la portée de l'article 37 alinéa 2 invite le pouvoir normatif du Parlement aux seules matières relevant du domaine de la loi, tout en laissant aux autorités administratives la possibilité d'intervenir par des actes réglementaires et de garantir ainsi une séparation des pouvoirs claire et de préserver l'équilibre institutionnel. En pratique, cependant, il est fréquent que cette distinction ne soit pas observée et que le législateur s’aventure dans le domaine réglementaire.
Si en 2015 la loi (NOTRe) a voulu renforcer les compétences des régions et a modifié les compétences des départements et des communes, la fusion des régions pour constituer des entités plus grandes a éloigné le citoyen un peu plus de celles-ci. Cette nouvelle organisation a fait toutefois l’objet de critiques. Certains observateurs ont souligné que les transferts de compétences aux collectivités territoriales ont parfois été mal anticipés, ce qui a conduit à des difficultés de mise en œuvre, accru la complexité, la surcharge de travail, l’inflation de textes, la multiplication des normes, des échelles. Tout cela au détriment de la confiance des citoyens dans l’appareil législatif et dans l’élu son représentant.
L’inflation de textes et l’usage jugé « excessif » de L’art 37.2 de la Constitution qui organise ce qui relève de la loi et du domaine réglementaire. En principe, la portée de l'article 37 alinéa 2 invite le pouvoir normatif du Parlement aux seules matières relevant du domaine de la loi, tout en laissant aux autorités administratives la possibilité d'intervenir par des actes réglementaires et de garantir ainsi une séparation des pouvoirs claire et de préserver l'équilibre institutionnel. En pratique, cependant, il est fréquent que cette distinction ne soit pas observée et que le législateur s’aventure dans le domaine réglementaire.
Benjamin Morel, rappelle que le législateur n’avait pas prévu, ni vu la montée du régionalisme. Dès la fin des années 60, début des années 70, ce phénomène issue de la contre-culture hippie, s’ancre en France et plus largement en Europe. Principalement culturel, celui-ci va se diffuser, grandir, se professionnaliser et acquérir un savoir-faire, acquérir une identité au point de se rendre indispensable pour les collectivités. Ces festivals sont en effet pour les communes et départements des événements qui attirent des artistes, des publics et par extension des devises, ces festivals sont des rendez-vous. Cette identité va devenir une constituante du régionalisme et devenir une revendication à part entière de particularités culturelles et toujours plus de pouvoir aux collectivités territoriales.
Loin de voir s’éteindre ces dernières années, le régionalisme s’est nourri des régionalismes européens, des conflits et des tensions qui pouvaient existé ailleurs, en Irlande, en Ecosse, en Espagne, Italie ou Allemagne continuant d’inquiéter les autorités et principalement de voir l’unité nationale et la cohésion sociale s’effriter au détriment des intérêts nationaux et voir la solidarité entre collectivité riches et pauvres s’affaiblir. Trouvant même un nouveau souffle dans la nouvelle génération revendiquant toujours plus d’autonomie, d’indépendance. Au prix parfois de prendre quelques libertés et arrangements avec l’histoire locale et les territoires et le linguistique. Privilégiant ainsi les racines celtiques et Galliques au détriment des racines romanes. Allant chercher des mots en Irlande, Pays de Galles, ou viking.
Le développement du régionalisme a posé des problèmes sur le plan politique et plus particulièrement pendant les périodes d’élection. En effet, la montée des mouvements régionalistes a contribué à la fragmentation du paysage politique et à l'émergence de nouveaux partis politiques régionaux ou de micro-partis, scindant encore un peu plus lors des élections des voix. Dans des scrutins où l’abstention est particulièrement forte et sur lesquels on arrive pas à mobiliser les électeurs, ce nombre de voix dispersé peut faire toute la différence.
Parmi tous les exemples, la Corse est le plus empreint des autres régionalismes européens, sur un territoire très concentré. La Corse a une forte identité alimentée par son caractère insulaire, un personnage, Napoléon qui est devenu l’Empereur (des envahisseurs). Une histoire récente pendant la seconde guerre mondiale, se sont forgés des amitiés et des alliances improbables qui ont perduré bien au-delà de la Guerre.
La revendication de l'identité corse s'est exprimée à travers différents mouvements nationalistes dont la plus fameuse est le Front de libération nationale de la Corse (FLNC), qui a mené une lutte armée pour l'indépendance de la Corse pendant vingt dès 1970 à 1980. Émaillent ces années de violences. La décennie suivante, ceux-ci optent pour d’autres méthodes plus modérées et ciblées sur la défense de la langue corse, de la culture et de l'identité corse, ainsi que sur la revendication d'une plus grande autonomie politique pour la Corse.
En 2002, la Corse a ainsi obtenu un statut particulier qui lui a permis de bénéficier d'une autonomie renforcée dans plusieurs domaines, tels que la langue corse, la fiscalité et la planification.
Loin de voir s’éteindre ces dernières années, le régionalisme s’est nourri des régionalismes européens, des conflits et des tensions qui pouvaient existé ailleurs, en Irlande, en Ecosse, en Espagne, Italie ou Allemagne continuant d’inquiéter les autorités et principalement de voir l’unité nationale et la cohésion sociale s’effriter au détriment des intérêts nationaux et voir la solidarité entre collectivité riches et pauvres s’affaiblir. Trouvant même un nouveau souffle dans la nouvelle génération revendiquant toujours plus d’autonomie, d’indépendance. Au prix parfois de prendre quelques libertés et arrangements avec l’histoire locale et les territoires et le linguistique. Privilégiant ainsi les racines celtiques et Galliques au détriment des racines romanes. Allant chercher des mots en Irlande, Pays de Galles, ou viking.
Le développement du régionalisme a posé des problèmes sur le plan politique et plus particulièrement pendant les périodes d’élection. En effet, la montée des mouvements régionalistes a contribué à la fragmentation du paysage politique et à l'émergence de nouveaux partis politiques régionaux ou de micro-partis, scindant encore un peu plus lors des élections des voix. Dans des scrutins où l’abstention est particulièrement forte et sur lesquels on arrive pas à mobiliser les électeurs, ce nombre de voix dispersé peut faire toute la différence.
Parmi tous les exemples, la Corse est le plus empreint des autres régionalismes européens, sur un territoire très concentré. La Corse a une forte identité alimentée par son caractère insulaire, un personnage, Napoléon qui est devenu l’Empereur (des envahisseurs). Une histoire récente pendant la seconde guerre mondiale, se sont forgés des amitiés et des alliances improbables qui ont perduré bien au-delà de la Guerre.
La revendication de l'identité corse s'est exprimée à travers différents mouvements nationalistes dont la plus fameuse est le Front de libération nationale de la Corse (FLNC), qui a mené une lutte armée pour l'indépendance de la Corse pendant vingt dès 1970 à 1980. Émaillent ces années de violences. La décennie suivante, ceux-ci optent pour d’autres méthodes plus modérées et ciblées sur la défense de la langue corse, de la culture et de l'identité corse, ainsi que sur la revendication d'une plus grande autonomie politique pour la Corse.
En 2002, la Corse a ainsi obtenu un statut particulier qui lui a permis de bénéficier d'une autonomie renforcée dans plusieurs domaines, tels que la langue corse, la fiscalité et la planification.
Benjamin Morel souligne cependant que le développement du régionalisme en Corse peut également poser des problèmes pour la France en inspirant d’autres territoires dans la méthode, les objectifs. Tout d'abord, la revendication d'une plus grande autonomie peut contribuer à une fragmentation du pays et à une montée des tensions entre la Corse et le reste de la France. En outre, l'histoire de la Corse est marquée par une forte influence du crime organisé, ce qui peut rendre la question de l'autonomie politique de la région délicate et complexe.
Pour conclure cette intervention de nombreuses questions furent posées par le public.
Pour conclure cette intervention de nombreuses questions furent posées par le public.
Quelques définitions
« La décentralisation est un processus qui vise à transférer des compétences de l'Etat central vers des collectivités territoriales (régions, départements, communes). » Cela permet aux collectivités de prendre des décisions et d'agir sur leur territoire de manière autonome, en fonction de leurs besoins et de leurs particularités. La décentralisation peut être politique (transfert de compétences de l'Etat vers les collectivités) ou administrative (transfert de moyens financiers, humains et techniques). |
La déconcentration, quant à elle, consiste à transférer des compétences de l'Etat central vers ses services déconcentrés, tels que les préfectures, les directions départementales, les agences régionales, etc. Ces services déconcentrés agissent localement en lieu et place de l'Etat central pour appliquer les politiques publiques, mais restent soumis à une hiérarchie administrative et à des instructions venant de l'Etat central. |
L’article 37.2 énonce que "les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire". Cette disposition fait référence à la distinction fondamentale en droit français entre le domaine de la loi et celui du règlement. Le domaine de la loi correspond aux matières pour lesquelles seule une loi peut être adoptée par le Parlement. Il s'agit notamment des droits fondamentaux, de l'organisation des pouvoirs publics, du droit électoral, du régime des partis politiques, du droit pénal et du droit de la procédure pénale, du droit civil, commercial, social, fiscal, etc. Le domaine réglementaire correspond quant à lui aux matières pour lesquelles les autorités administratives peuvent intervenir par des actes réglementaires (décrets, arrêtés, circulaires) sans intervention du Parlement. Il s'agit par exemple de la réglementation de certaines professions, de l'organisation de certaines administrations, de la gestion des services publics, etc. |
Biographie de l'auteur
Montées des particularismes régionaux et des revendications indépendantistes, émeutes devant les préfectures, menaces envers les fonctionnaires, agressions contre les élus, diffusions de pamphlets sécessionnistes, de propos ethnicistes, de thèses complotistes : les atteintes aux représentations de l’unité nationale, de la puissance étatique et de l’autorité républicaine ne cessent de se multiplier sous nos yeux. Pourtant, de l’Élysée à la Place Beauvau, des enceintes parlementaires aux cabinets ministériels, des bureaux de presse aux studios de radio ou de télévision, règne sur ces faits un étrange et inquiétant silence.
Cet autre séparatisme oeuvre ainsi à déstructurer et déstabiliser la France au risque de précipiter, demain, son éclatement et le chaos comme dans certains États européens. Loin d’être une chance pour la diversité, il réussit à la fois à tuer les petites patries et à déconstruire la nation. Pour ce faire, il profite des subventions publiques, d’une intense promotion médiatique, le tout sur fond de clientélisme politique. Il est temps, nous dit Benjamin Morel, de dénoncer la fausse tolérance et le véritable aveuglement dont bénéficie cette idéologie dangereuse et délétère. Dressant un panorama inégalé d’une France vendue à la découpe, il appelle ici les Françaises et les Français à faire le pari de la raison. Il est de leur responsabilité historique de résister aux chantages qui, sous couvert d’émancipation, entendent réduire le peuple français en tribus.
Un document complet et un essai fulgurant, animé par une intelligence lucide et informée. Une alerte salutaire avant qu’il ne soit trop tard.
Maître de conférences en droit public à l’Université Paris II Panthéon-Assas, auteur d’une thèse remarquée sur le Sénat ainsi que d’articles savants sur les institutions parlementaires, les mouvements régionalistes et les collectivités territoriales, Benjamin Morel compte parmi les jeunes constitutionnalistes et politistes majeurs d’aujourd’hui.
Cet autre séparatisme oeuvre ainsi à déstructurer et déstabiliser la France au risque de précipiter, demain, son éclatement et le chaos comme dans certains États européens. Loin d’être une chance pour la diversité, il réussit à la fois à tuer les petites patries et à déconstruire la nation. Pour ce faire, il profite des subventions publiques, d’une intense promotion médiatique, le tout sur fond de clientélisme politique. Il est temps, nous dit Benjamin Morel, de dénoncer la fausse tolérance et le véritable aveuglement dont bénéficie cette idéologie dangereuse et délétère. Dressant un panorama inégalé d’une France vendue à la découpe, il appelle ici les Françaises et les Français à faire le pari de la raison. Il est de leur responsabilité historique de résister aux chantages qui, sous couvert d’émancipation, entendent réduire le peuple français en tribus.
Un document complet et un essai fulgurant, animé par une intelligence lucide et informée. Une alerte salutaire avant qu’il ne soit trop tard.
Maître de conférences en droit public à l’Université Paris II Panthéon-Assas, auteur d’une thèse remarquée sur le Sénat ainsi que d’articles savants sur les institutions parlementaires, les mouvements régionalistes et les collectivités territoriales, Benjamin Morel compte parmi les jeunes constitutionnalistes et politistes majeurs d’aujourd’hui.